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«Au total, 26 manuels scolaires homologués par le ministère sont en phase de réécriture pour intégrer les changements qui ont été introduits dans le curriculum scolaire»

Les manuels des 3e et 4e années du primaire connaîtront un changement à partir de la rentrée 2019-2020. Fouad Chafiqi, directeur du Curicula au ministère de l’Éducation nationale, nous livre tous les détails concernant le renouvellement de ces livres.

«Au total, 26 manuels scolaires homologués par le ministère sont en phase de réécriture pour intégrer les changements qui ont été introduits dans le curriculum scolaire»
Fouad Chafiqi.

Le Matin : Le ministère a annoncé dernièrement de nouveaux changements dans les manuels scolaires des troisième et quatrième années du cycle primaire. Quel est l’objectif de ces changements ?
Fouad Chafiqi :
Rappelons que Sa Majesté le Roi avait appelé depuis août 2012 à «revoir notre approche et les méthodes en vigueur à l’école pour passer d’une logique d’enseignement centrée sur l’enseignant et sa performance et limitée à la transmission des connaissances aux apprenants, à une autre fondée sur la réactivité des apprenants et axée sur le renforcement de leurs compétences propres et la possibilité qui leur est donnée de déployer leur créativité et leur inventivité, d’acquérir des savoir-faire et de s’imprégner des règles du vivre-ensemble dans le respect de la liberté, de l’égalité, de la diversité et de la différence». 
C’est dans ce sens que le manuel scolaire a fait l’objet de révisions profondes, tout d’abord en réévaluant 143 manuels en 2014 à la lumière des principes annoncés dans la Loi suprême, la Constitution du Royaume de 2011, ensuite par la révision globale des 29 manuels d’éducation islamique en 2016, puis par la réécriture des manuels de français du collège et des deux dernières années du primaire en 2017 et enfin nous avons commencé le chantier de l’enseignement primaire à partir de 2018 et qui va s’étaler sur trois années avec une vision globale bien arrêtée se déployant progressivement dans le temps. 
Il est évident que les actions structurantes du département de l’éducation et de la formation telles que les révisions des programmes et des méthodes d’enseignement s’inscrivent dans la perspective de mise en œuvre des Orientations Royales et de la vision stratégique 2020-30 pour l’éducation, sachant que le manuel scolaire représente un instrument de pilotage de l’action pédagogique d’une extrême importance, au sein des classes scolaires. 
Enfin, la révision des programmes et méthodes d’enseignement est une question d’actualité à l’échelle planétaire, c’est le cas de tous les systèmes éducatifs les plus et les moins performants, mais tout le monde cherche à capitaliser les acquis dans une course de perpétuelles quêtes d’amélioration.

Donnez-nous un peu plus de détails concernant ces changements ?
Les changements vont toucher cinq disciplines, la langue arabe, la langue française, les mathématiques, les sciences et l’Ijtimaiyate (Histoire, Géographie et Éducation à la citoyenneté). Au total, 26 manuels scolaires homologués par le ministère sont en phase de réécriture pour intégrer l’ensemble des innovations et changements qui ont été introduits dans le curriculum scolaire. En même temps, chaque manuel va avoir son propre guide. Ces guides seront digitalisés et mis à la disposition des enseignants et toutes les parties concernées (parents, chercheurs…) sur la plateforme du ministère. Rappelons que depuis la Charte nationale (1999), les manuels ne sont plus élaborés par le ministère. Ce sont les éditeurs qui postulent selon un cahier des charges ou des avenants à un cahier des charges et le ministère procède, à travers des commissions de spécialistes, à une évaluation et éventuellement des demandes de corrections ou d’améliorations avant l’octroi d’autorisations de diffusion. Concernant la langue arabe par exemple, la troisième année du primaire constitue un prolongement du préscolaire et des deux premières années dans la mise en œuvre des principes de la lecture précoce, à savoir la conscience phonologique, la correspondance entre les lettres et les sons, la fluidité, le vocabulaire et la compréhension. Il s’agit aussi de l’exploitation des contes dans le développement des compétences de l’écoute, du parler, de l’exploration de la structure du texte, du réseau sémantique et des structures des phrases, tout en prêtant une attention particulière aux valeurs. Le plus difficile dans ce chantier est bien évidemment le passage des concepts théoriques qui sont d’une très grande validité scientifique à la confection d’outils pédagogiques (manuels, recueils de contes, méthodes pratiques…) et au renforcement des capacités des enseignants(es) qui vont déployer ces nouvelles méthodes dans des classes réelles dans lesquelles d’autres éléments du contexte scolaire et social interviennent pour complexifier l’action et rehausser les défis. En quatrième année du primaire, la diversification des textes de lectures, le traitement des phénomènes linguistiques et l’entrée dans l’univers de la rédaction constituent les principales innovations introduites dans le programme scolaire de l’arabe de ces deux niveaux.

Dans le cadre de ces changements, le ministère a parlé de manuels scolaires d’histoire-géo pour les élèves de 3e et 4e années du cycle primaire, alors que ces matières n’étaient enseignées qu’à partir de la 5e année du primaire. Pourquoi les enseigner plus tôt ? Est-ce dans le but d’initier les enfants à ces matières ?
Il faut corriger l’idée largement véhiculée concernant la réduction de la place de l’enseignement de l’histoire géographie au cycle primaire. Ce n’est plus le cas depuis 2002, sachant que les deux composantes Histoire et Géographie ont été associées avec l’éducation à la citoyenneté sous l’appellation Ijtimaiyate (disciplines sociales), et cette discipline est enseignée à partir de la 4e année du primaire à raison d’une heure et demie par semaine. Pour la réhabiliter davantage cette matière, nous envisageons dans la rentrée 2020-2021 d’augmenter l’horaire de l’Ijtimaiyate de 30 minutes par semaine en 5e et 6e années du  primaire. Parmi les changements introduits cette année à partir de la quatrième année du primaire, on retrouve un intérêt plus important accordé aux activités des élèves visant à développer une compétence articulée autour de l’éducation à la citoyenneté, à la vie commune et au civisme basée sur le renforcement du sentiment d’appartenance à la nation marocaine dans sa plénitude et sa diversité, identité nationale une et indivisible.
 
Est-ce que le ministère a pris les précautions nécessaires pour éviter une nouvelle polémique à la rentrée, comme c’était le cas l’année dernière ?
L’école en général et les programmes scolaires en particulier sont une affaire qui concerne tous les citoyens. Ils sont donc par nature objets de points de vue différents. Lorsque les questions «socialement vives» sont abordées de manière rationnelle par les spécialistes, cela augure de la bonne santé de la société, mais lorsqu’elles deviennent objet de polémique, voire parfois de diffamations et d’insultes, cela dévie de ce que doit être le débat public serein qui doit régner dans une société démocratique. Malheureusement, nous sommes au ministère de l’Éducation nationale au cœur de tous les débats sociétaux sur les questions qui divisent. La prudence doit être la règle, mais cela ne doit pas se transformer en mainmise de groupes de pression via les réseaux sociaux à travers les «fake news» sur l’institution scolaire. Là aussi c’est une question de gestion des équilibres sans perdre de vue que l’école est aussi un instrument d’émancipation sociale et de promotion de l’individu et de la société et non seulement un outil de reproduction sociale.

Les changements concernant les manuels de SVT et de langues vivantes reposeront sur les données d’évaluation internationales TIMSS et les PIRLS, pouvez-vous nous en dire plus ?
En fait, c’est les programmes de mathématiques et sciences qui ont été alignés sur le programme de l’évaluation internationale TIMSS. Un allègement des programmes de mathématiques qui passent de 48 à 32 leçons par année avec une attention particulière lors des deux premières années à l’énumération et le calcul en renforçant le calcul mental. Une introduction d’une nouvelle composante dans les programmes de mathématiques concernant le traitement des données et l’introduction de toutes les notions mathématiques visées dans l’évaluation TIMSS. Une meilleure précision des activités mathématiques de l’élève : connaître, appliquer, argumenter… Pour les sciences, on a procédé à une augmentation du temps alloué aux sciences de 30 min par semaine pour le porter  à 2 h au lieu d’une heure et demie par semaine. L’articulation des contenus d’apprentissage en sciences est faite autour de quatre composantes : Sciences de la vie, Sciences physiques, Sciences de la Terre et de l’univers et Technologie avec l’adoption des habiletés de la pensée scientifique telles qu’elles sont définies dans des standards internationaux (The Next Generation Science Standards –NGSS). À noter également que pour les sciences à l’école primaire, la démarche d’investigation a été recommandée pour les activités de découverte et d’apprentissage en s’inspirant des méthodes expérimentées dans plusieurs pays dans le projet «la main à la pâte».

En 2017, des changements de manuels scolaires ont bien ciblé le cycle collégial et les 5e et 6e années du primaire. En 2018, les changements ont concerné les 1re et 2e années du cycle primaire et en 2019 les changements concerneront les manuels des 3e et 4e années du primaire. Faudra-t-il s’attendre à de nouveaux changement à la rentrée 2020 ?
En 2017, les manuels qui ont fait l’objet de changement pour les 5e et 6e années du primaire sont les manuels de la langue française et l’éducation islamique uniquement, en 2020 nous allons finaliser le développement du modèle pédagogique du primaire, entamé en 2018 pour les 1re et 2e années du primaire, et poursuivi en 3e et 4e années du primaire en 2019. Ça sera au tour de l’arabe, des mathématiques, des sciences et de l’Ijtimaiyate des niveaux 5 et 6 qui seront concernés dans la rentrée 2020. Comme ça, on aura en l’espace de six années (trois années de préparation et trois années de déploiement), renouvelé complètement nos programmes, nos méthodes d’enseignement et nos manuels scolaires de l’école primaire. On pourra alors s’attaquer avec plus d’assurance au cycle secondaire et aux réajustements que vont induire ces changements profonds, mais qui se déploient en douceur et sur lesquels nous fondons beaucoup d’espoir pour améliorer substantiellement les acquis scolaires, les comportements et les compétences de nos élèves. 

Propos recueillis par Hajjar El Haiti

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