Dyslexique, dysorthographique, dyscalculique, dyspraxique... Bien qu’on n’en parle pas assez souvent, les enfants qui souffrent de troubles d’apprentissage scolaires sont très nombreux. Ils représentent, malheureusement, une part importante des élèves en situation d’échec scolaire. C’est pourquoi parents et enseignants doivent être très attentifs afin de détecter ces troubles rapidement et pouvoir les prendre en charge. Et c’est justement là que se pose le problème. En effet, à cause du manque de sensibilisation et l’ignorance de ces troubles, les enfants qui en souffrent sont non seulement confrontés à de nombreuses difficultés à l’école, mais courent aussi un risque accru de marginalisation et de stigmatisation. On dit généralement que ce sont des enfants qui refusent d’apprendre et qui ne sont pas faits pour aller à l’école. De nombreux enfants se voient d’ailleurs virés des établissements scolaires simplement parce qu’ils souffrent de troubles DYS. «Les troubles DYS sont rarement pris en considération dans les écoles à cause de l’ignorance des parents et surtout des enseignants. Si on observe, ces dernières années, une certaine prise de conscience au niveau des grandes villes comme Casablanca et Rabat, dans d’autres régions, on ignore complètement l’existence de ces troubles. Les enfants sont sévèrement jugés et souvent pénalisés», affirme Abdelkrim Bikourne, chercheur dans le domaine des troubles d’apprentissage et conseiller d’orientation. «J’ai constaté à de nombreuses reprises la galère des parents désespérés quand leur enfant se fait renvoyer simplement parce qu’il souffre de dyslexie et des directeurs d’écoles, même privées, qui leur disent de reprendre leur enfant, car il n’a rien à faire à l’école», poursuit Bikourne.
Témoignages
Souhaila, maman d’une enfant dyslexique
«Je suis maman d’une enfant dyslexique, j’ai dû lui changer d’école de nombreuses fois pour qu’elle puisse enfin s’épanouir. J’ai énormément galéré avec ses anciens professeurs qui m’ont dit qu’elle refusait d’apprendre. Maintenant dans sa nouvelle école, elle est passée de notes moyennes avec des cours particuliers avec deux maîtresses à d’excellentes notes, une autonomie pour faire ses devoirs et un plaisir à aller à l’école. Comme quoi, un staff bien formé et à l’écoute des enfants fait toute la différence. Sachant qu’aucun aménagement spécial n’est fait dans sa nouvelle école, elle arrive à suivre sans problème».Aïcha, enseignante
«Cela fait 18 ans que je suis enseignante de CP dans une école primaire. Chaque année, j’ai des enfants qui souffrent de troubles d’apprentissage. Ce n’est pas du tout évident de comprendre qu’il s’agit d’un trouble DYS non d’un caractère difficile de l’enfant ou d’un enfant qui refuse d’apprendre. Face au grand nombre de cas que je rencontre chaque année, j’ai fait un travail de recherche personnel pour mieux comprendre ces enfants. L’idéal serait de former les enseignants sur ce sujet et d’assurer une coopération étroite entre l’équipe pédagogique, les intervenants médicaux et paramédicaux ainsi que les parents pour apporter une aide considérable aux élèves qui souffrent de troubles d’apprentissage».Hajar, maman d’une enfant souffrant de TDAH
«Je suis complètement perdue. Je ne sais vraiment plus quoi faire entre les écoles qui n’acceptent pas ma fille, elle qui commence à détester l’école et la prise en charge de ce trouble qui coûte très cher. Des séances de pédopsychiatre de 30 minutes qui coûtent 300 DH, idem pour les psychomotriciens… Nous avons besoin que l’État accorde plus d’importance à ce sujet. Nos enfants sont privés de leur droit à l’éducation à cause des troubles d’apprentissage. Il faut former les enseignants et trouver une solution pour rendre la prise en charge plus abordable !»Explications du spécialiste Dr Amine Benjelloun, pédopsychiatre
«Le corps enseignant doit être moins exigeant, plus à l’écoute et plus patient»

Quels sont les différents troubles DYS ?
Les enfants et les adolescents passent un temps considérable à l’école, pour «apprendre». Les exigences d’une scolarité obligatoire normative et compétitive placent un certain nombre d’entre eux en situation d’échec, ou du moins de difficulté pour apprendre à lire, écrire, compter, et ceci bien que leur développement intellectuel, affectif et social ne soit en rien lésé. Les troubles d’apprentissage, ou troubles DYS, sont assez hétérogènes. On les comprend de mieux en mieux, bien que la validité scientifique de leur existence pose toujours question, ce qui peut sembler paradoxal. On distingue la dyslexie, qui touche l’apprentissage de la lecture, la dysgraphie, qui concerne l’écriture, la dyscalculie, qui concerne l’apprentissage du calcul et des opérations de base (très sensible à l’anxiété), la dysorthographie... Souvent, ils sont associés entre eux, et on parle alors de comorbidité des troubles DYS.Quels sont les symptômes qui devraient alerter les parents ?
Si l’enseignant, le milieu scolaire et le milieu familial sont attentifs, que l’enfant ne présente pas de retard intellectuel et qu’il peine malgré tous ses efforts et les efforts bienveillants de l’entourage (famille, mais aussi corps enseignant) à acquérir les bases de la lecture et/ou de l’écriture et/ou du calcul, alors on peut penser à un trouble DYS.Quels conseils pouvez-vous donner aux parents et aux enseignants pour aider ces enfants à surmonter les difficultés causées par ces troubles ?
Il faut s’intéresser au bébé, puis au jeune enfant, en jouant, chantant, dansant, dessinant, multipliant les activités, lisant pour lui… et haro sur les écrans, les tablettes, les smartphones ! Je recommande également de scolariser les jeunes enfants le plus tôt possible, dès l’âge de la marche, pour une plus grande sociabilisation, découvrir le plaisir de faire, seul et avec les autres. En ce qui concerne le corps enseignant, il doit être moins exigeant, plus à l’écoute et plus patient.---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Le CAMSP de la Goutte de lait, une belle action pour les anciens prématurés
Créé en 2011, le Centre d’action médico-sociale précoce (CAMSP) de la Goutte de lait de Casablanca vient en aide aux anciens prématurés qui souffrent de certains problèmes tels que les troubles d’apprentissage, le retard de la parole… Cette association à but non lucratif réalise chaque année des milliers d’actes médicaux au profit de centaines d’enfants prématurés. «Au CAMSP de la Goutte de lait, nous ne prenons en charge que les troubles DYS observés chez les anciens prématurés, que nous dépistons vers les 6-7 ans (CP/CE1). L’enfant bénéficie également d’un bilan psychomoteur, orthophonique et d’un test d’efficience intellectuelle. Après la mobilisation de la famille, surtout dans le sens de leur apprendre à partager du temps, des loisirs, des jeux et des activités avec les enfants. Alors, seulement, nous entamons des rééducations : l’enfant, toujours, est plus important que l’élève, ce que de nombreux parents n’admettent pas», souligne Dr Amine Benjelloun, pédopsychiatre et médecin responsable du CAMSP de la Goutte de lait de Casablanca.
Le Centre est également ouvert à tous les enfants de moins de 7 ans et œuvre dans la prévention du handicap, le dépistage d’éventuelles anomalies et agit en faveur du développement optimal de l’enfant, son bien-être et son intégration sociale.