Menu
Search
Vendredi 19 Décembre 2025
S'abonner
close
Vendredi 19 Décembre 2025
Menu
Search

Alerte à l’assèchement des lacs et des zones humides !

Alerte à l’assèchement des lacs et des zones humides !

Les changements climatiques et les effets de la sécheresse que connaît le Maroc ont eu une incidence néfaste sur les zones humides : plusieurs se sont asséchées et bien d’autres ont vu leur niveau d’eau baisser de façon alarmante. À ces conditions climatiques défavorables s’ajoutent les activités de l’Homme et l’utilisation irrationnelle de la ressource en eau de ces écosystèmes, encouragée par le fameux «Plan Maroc vert» qui ne tient pas compte de la donne environnementale en montagne et qui ne fait qu’accentuer ce phénomène de sécheresse et d’assèchement des zones humides, notamment dans la région du Moyen Atlas.

En effet, la région du Moyen Atlas est caractérisée par sa richesse en lacs et «Dayat» de montagne, ainsi que ses sept sites classés sur la liste des zones d’importance internationale «Ramsar», à savoir le lac d’Afennourir, Dayet Ifrah, Dayet Hachlaf, Dayet Âoua, Aguelman N’Sidi Ali, Aguelmam N’Tifounassine et Oued Tizguite.

«L’inscription sur la liste des zones d’importance internationale est l’un des divers éléments d’un engagement envers sa conservation et son utilisation rationnelle afin de maintenir ses caractéristiques écologiques, ainsi que les services écosystémiques qu’elles procurent pour le maintien de la survie humaine», explique le Pr Rhimou El Hamoumi, enseignante chercheure à l’Université Hassan II de Casablanca (Faculté des sciences de Ben M’sik).

Chose qui n’est pas prise en ligne de compte, hélas, par certains responsables, notamment ceux relevant du secteur agricole et en charge des projets du Plan Maroc vert encourageant, encore de nos jours, la plantation des rosacés comme les pommiers, entre autres, grands consommateurs d’eau, aux côtés de la pomme de terre et des oignons en montagne qui ne cessent de pomper l’eau dans les nappes phréatiques à une vitesse qui dépasse celle de la recharge, réduite à zéro cette année par manque d’enneigement et de pluies, ce qui entraîne un rabattement exponentiel desdites nappes du château d’eau du Maroc (Moyen Atlas), quasiment mis à sec.

Selon Mme El Hamoumi, ces zones humides représentent aussi un réservoir de biodiversité qui joue un rôle primordial dans leur bon fonctionnement. La composante aviaire est utilisée comme un indicateur de leur intégrité et de leur bonne santé. 

«Malheureusement, ces lacs sont sévèrement menacés. C’est le cas de Dayet Âoua qui connaît de longues périodes d’assèchement avec quelques rares épisodes de mise en eau. C’est aussi le cas d’Aguelman N’Sidi Ali et d’Aguelmam N’Tifounassine, qui ont vu leur niveau d’eau se réduire comme une peau de chagrin, ainsi que le lac d’Afennourir qui n’est plus représenté que par une petite flaque d’eau dans sa partie la plus profonde», indique-t-elle.  Selon la même source, cet assèchement impacte de manière importante les oiseaux sédentaires et migrateurs. Et d’ajouter que le mois de septembre représente une période où plusieurs migrateurs traversent le Maroc, et que ces oiseaux utilisent ces zones comme escale migratoire pour se reposer et reconstituer leurs réserves énergétiques afin de continuer leur voyage vers l’Afrique subsaharienne. 

Pacte écologique

«La disparition de ces haltes migratoires augmente inéluctablement le risque de mortalité. Nous appelons à la nécessité de la préservation des zones humides marocaines et des lacs du Moyen Atlas comme levier de développement local et comme réservoir de biodiversité. Une gouvernance efficiente en faveur des ces écosystèmes, en fédérant les efforts de toutes les parties prenantes, est le gage de leur protection», a-t-elle conclu. Pour sa part, Abdellah Bouzid, ingénieur agronome retraité et connaisseur de la région du Moyen Atlas et de la province d’Ifrane, explique que ces dernières années, «nous assistons malheureusement à un assèchement considérable de nos ressources en eau (dayat et cours d’eau). Une situation qui est devenue insupportable et qui conduira inévitablement à une perte irréversible et définitive de notre écosystème forestier du Moyen Atlas».

Selon lui, on ne peut imputer cette situation désastreuse aux seuls effets du changement climatique, mais plutôt et aussi à une action de l’Homme : son exploitation irrationnelle de l’eau dans cette région où les terrains, jadis destinés aux cultures, étaient dans les plaines de l’Azaghar, tandis que les terrains de parcours d’élevage étaient en montagne dans l’Agdal, avec ses prairies en altitude et ses alpages qui recueillent l’eau de la fonte des neiges, constituant ainsi les meilleurs pâturages d’été quand la sécheresse a brulé les parcours de la plaine. Selon notre interlocuteur, de nos jours, on assiste à une invasion colossale par une surexploitation agricole abusive qui a conduit, d’une façon certaine, à l’assèchement des Dayat tel que Dayet Âoua, Tifounassine et N’Douite dans la région de Timahdite, et la diminution des niveaux des eaux dans d’autres, notamment Aguelmam Sidi Ali et Afenourir, ainsi que la diminution des débits de certains oueds dont quelques-uns sont à sec, tels l’oued Tizguite à Ifrane et les oueds Senoual et Fellat.

Pour conclure, Abdellah Bouzid appelle à l’élaboration d’un Pacte écologique dans la région du Moyen Atlas, considéré comme vital pour l’utilisation des ressources en eau dans la région et dans le pays tout entier.De son côté, le guide des espaces naturels et propriétaire d’une ferme d’hôte dans la province d’Ifrane, Abdellah Lahrizi, estime qu’il n’y a pas seulement que la pandémie du coronavirus qui a eu des répercussions négatives sur le secteur du tourisme, mais que cette année 2020 est une année vraiment exceptionnelle sur tous les plans, surtout quand on sait que la province d’Ifrane connaît depuis quelques mois une sécheresse qui a eu des répercussions sur l’agriculture et aussi sur le tourisme. «Cette année, il y a eu un impact très négatif sur les secteurs du tourisme et de l’agriculture, à cause de l’assèchement de plans d’eau, de lacs et de sources, conduisant à des querelles entre les tributs sur l’eau d’irrigation, en plus des annulations de réservations d’hébergement et d’accompagnement touristiques en cascade, surtout quand on sait que le touriste national est adepte des sites autour des lacs, des plans d’eau et le long des cours d’eau qui font grand défaut cette année», a-t-il conclu.

Mohammed Drihem

Lisez nos e-Papers