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«Aujourd’hui, l’innovation doit être au même niveau que la stratégie d’une société, elle doit faire partie intégrante de celle-ci»

«Aujourd’hui, l’innovation doit être au même niveau que la stratégie d’une société, elle doit faire partie intégrante de celle-ci»

 Le Matin : Dans un monde VUCA, quelle place occupe l’innovation en entreprise ? Sous quelles formes et pour quels enjeux ?
Frank De Keyzer
: L’innovation prend une place prépondérante dans les entreprises aujourd’hui, car il y a beaucoup de changements dans le monde VUCA (Volatile, Incertain, Complexe et Ambigu). Face à des fluctuations très rapides, parfois brutales, les entreprises trouvent beaucoup de difficultés à évoluer dans l’incertitude, ou encore prévoir ce qui va se passer dans le futur. Dans ce sens, je pense que l’innovation doit être imbriquée dans les stratégies des entreprises. Nous pouvons évoquer un type d’innovation relatif à la spécialité de la société comme par exemple pour une entreprise de fabrication de voiture. Mais même dans ce domaine il y a ce qu’on appelle l’innovation de rupture, c’est-à-dire que le modèle existant va être complètement interrompu pour proposer par exemple la location de voitures, en plus de l’activité de la vente. Dans ce cas, l’enjeu pour l’entreprise est de continuer à développer son offre à long terme sans choisir d’aller tout de suite dans une autre direction et couper ce qui constitue le bénéfice aujourd’hui. 

Quelle démarche pour développer l’innovation en s’alignant sur la stratégie de l’entreprise ?
L’innovation est un processus qui prend du temps et qu’il faut inscrire sur le long terme tout comme la stratégie. Mais il faut noter que l’innovation de rupture peut, si la société n’est pas à même de faire le nécessaire pour dire que c’est le moment de se lancer aujourd’hui, mettre en difficulté la stratégie de la société après. 

Aujourd’hui, il est nécessaire pour les innovateurs, quel que soit leur rôle en entreprise (direction, départements, responsables), de fabriquer leur propre système de veille pour voir ce qui se passe sur le marché afin de savoir qu’est ce qu’on peut faire à court et à long termes et agir avec beaucoup d’agilité. Parce que même si on pense connaître où va le marché, le danger est qu’à un moment donné le marché n’accepte pas cette innovation et il faut agir rapidement là-dessus. 
Auparavant, l’innovation pouvait être un département dans une société. Or, je pense qu’aujourd’hui l’innovation doit être au même niveau que la stratégie d’une société, elle doit faire partie intégrante de celle-ci. 

Du côté des managers, comment encourager les collaborateurs à innover ?
Le rôle des managers est très important dans le sens où avant on pouvait se dire que le R&D est le moteur de l’innovation en entreprise, mais aujourd’hui il y a des innovations qui se font dans d’autres domaines comme le marketing par exemple ou la distribution. Un bon exemple est celui de l’entreprise Dell qui n’a pas innové dans la technique, mais dans la façon dont on va vers le marché. Cette innovation de percée, à travers la commercialisation des PC par Internet, leur a permis de changer leur modèle de profit. Aucune autre société n’a pu faire la même chose. 
C’est ce qu’on appelle le dilemme de l’innovateur : les sociétés déjà implantées ont beaucoup de mal à changer. Les managers jouent un rôle très important parce que le dirigeant ne peut pas tout faire. Les managers, chacun dans son domaine, doivent apporter les éléments nécessaires pour que la société intègre les nouveautés et pour que ce soit adapté à leurs activités respectives. 

Comment instaurer une culture de l’innovation et la pérenniser ?
Le challenge des managers est de se demander ce que leur société peut faire pour qu’elle soit innovante. D’abord, il faut avoir une vision claire partagée avec l’ensemble des collaborateurs. Deuxièmement, il faut que les dirigeants donnent la possibilité aux collaborateurs de s’exprimer librement et ne pas avoir peur. Il faut aussi que les dirigeants puissent accorder à leurs collaborateurs une plage horaire dédiée à la créativité et aux  expérimentations. Ainsi, il est nécessaire d’intégrer l’innovation dans l’agenda du comité stratégique. Une culture ne se dicte pas, elle n’est pas écrite, elle est instaurée par l’exemple. Il est important que le leader donne l’exemple à ses collaborateurs pour qu’ils puissent s’imprégner de la culture de l’innovation. Il faut accepter l’échec sinon rien ne va pouvoir se faire et garder en tête que même si ça ne marche pas, on aura appris quelque chose, on va encore essayer et on va y arriver. 

Quelles contraintes et comment y faire face ?
En entreprise, il y a toujours des attitudes qui ne sont pas adaptées à l’innovation. Il est nécessaire d’abandonner les discours sur l’innovation sans avoir d’objectifs clairs ni de stratégie d’innovation. L’innovation nécessite un support de la part des dirigeants, le management par hiérarchie et la bureaucratie sont à bannir. L’état d’esprit court-termiste et la question de l’évitement du risque constituent également des freins au développement de l’entreprise. L’innovation est un investissement à long terme. Cela coûte cher certes, mais ne pas innover coûte encore plus cher. 

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