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Le calvaire des enfants atteints de phénylcétonurie et de leurs familles

La Journée internationale de la phénylcétonurie (PCU) a été célébrée dernièrement. Cette maladie rare est due à l’accumulation progressive dans l’organisme des bébés d’un composé toxique pour le cerveau entraînant un retard mental et des problèmes neurologiques. Au Maroc, 1 enfant sur 4.000 environ est touché par la phénylcétonurie, selon l’Alliance des maladies rares au Maroc (AMRM). Khadija Moussayer, présidente de l’Alliance attire l’attention sur la situation actuelle des enfants atteints de phénylcétonurie : cette atteinte grave est pourtant évitable au Maroc si l’on s’en donne les moyens. «Une fois la maladie diagnostiquée, un régime alimentaire strict débuté avant 3 mois et poursuivi toute l’enfance assure pourtant un développement normal», indique l’AMRM. Néanmoins, au Maroc le diagnostic n’est pas automatique. Le dépistage qui peut sauver les enfants n’est pas fait à la naissance. Les familles ne sont pas soutenues dans leur galère face à la maladie. Les conditions de la crise sanitaire Covid-19 n’ont fait qu’aggraver la situation. 
Selon l’AMRM, outre les contraintes générées par la maladie, les familles vivent une véritable «vie de misère et de galère» entre la cherté et l’indisponibilité des aliments «spéciaux» et des médicaments. «L’épidémie du coronavirus et le confinement qui s’en est suivi ont été vécus comme une tragédie par ces familles : elles n’arrivent à faire «survivre» leurs enfants en temps normal que par des dons de philanthropes étrangers et le blocage des frontières/confinement a pratiquement stoppé cette aide et affamé les enfants». 

Facteurs de risque

Les facteurs de risque liés à la phénylcétonurie sont d’ordre génétique. Chaque parent de l’individu malade doit comporter une copie du gène muté. Les enfants des mariages consanguins sont exposés à cette maladie si les deux parents sont porteurs du gène responsable de la phénylcétonurie.

Aide impossible en confinement

L’Association marocaine de patients de la phénylcétonurie, présidée par Touriya Tughroudine, essaie, «avec de maigres moyens, d’aider et de soutenir les enfants et leurs familles en leur fournissant de la nourriture adaptée, reçue de bienfaiteurs étrangers (souvent d’origine marocaine)». Elle procure assistance également pour effectuer des analyses biologiques régulières et indispensables tous les 15 jours. «C’est un test de contrôle du taux de la phénylalanine coûtant environ 250 DH, une dépense que beaucoup de familles sont incapables d’assumer», indique l’AMRM. Cette dernière souligne que l’approvisionnement est devenu «mission impossible» pendant le confinement. Les parents n’avaient pas le droit de se déplacer pour aller au siège de l’association, parfois à plus de 100 km de leur domicile. De son côté, l’association n’avait plus les moyens financiers de leur envoyer des colis express de nourriture importée et elle a pu seulement en distribuer de minuscules quantités à 70 enfants, en rationnant le peu de produits qu’elle avait à portée de main.

Un dépistage peut sauver des vies

La phénylcétonurie touche suivant les pays entre 1 nouveau-né sur 20.000 et 1 sur 4.000. Le diagnostic de cette maladie est principalement réalisé grâce au programme de dépistage à la naissance : dépistage néonatal systématique. Il s’agit du test de Guthrie. «Ce test spécifique, opéré à partir de quelques gouttes de sang prélevé au troisième jour de vie et déposé sur un buvard, permettrait pourtant de l’éviter, ainsi qu’on le fait déjà dans tous les pays européens. Ce test de ‘‘rien du tout’’ assurerait ainsi une vie normale ou presque à des milliers d’enfants», indique l’AMRM. L’Alliance rappelle l’importance du programme de dépistage néonatal systématique de la phénylcétonurie ainsi que de quatre autres maladies rares qui méritent d’être signalées : l’hypothyroïdie congénitale (Soignable par un traitement peu onéreux : la lévothyroxine, une hormone thyroïdienne), l’hyperplasie congénitale des surrénales (dérèglement hormonal causant des crises potentiellement mortelles de déshydratation), la drépanocytose (atteinte du sang) et la mucoviscidose (touchant surtout voies respiratoires et système digestif).

Origine de la maladie

La phénylcétonurie est provoquée par la non-assimilation de la phénylalanine, un acide aminé essentiel qui a un rôle fondamental dans le système nerveux par une stimulation de la glande thyroïde. Il s’agit également d’un stimulant intellectuel. Cet acide aminé n’est pas synthétisé par l’organisme. Il est apporté via l’alimentation notamment les aliments riches en protéines d’origine animale et végétale comme la viande, poisson, œuf, soja, lait, fromage... La phénylalanine est normalement transformée en un autre acide aminé, la tyrosine, grâce à une enzyme qui est défectueuse chez les enfants atteints par la PCU. Dans le cas où la maladie n’est pas dépistée très tôt pour une prise en charge rapide, une accumulation de cette substance peut se faire dans l’organisme et notamment au niveau du système nerveux. Un excès de phénylalanine dans le cerveau en développement est toxique.

Un régime pratiquement impossible à suivre au Maroc

La majorité des aliments sont interdits aux enfants atteints de phénylcétonurie. «L’enfant doit suivre un régime draconien très faible en protéines, où viandes, poissons, œufs, laitages, et féculents sont supprimés jusqu’à l’âge de 12 ans, puis, suivant les cas, assoupli à l’adolescence», explique l’AMRM. Et d’ajouter que l’indisponibilité au Maroc et le coût très élevé des produits diététiques spécifiques font souvent que les enfants «meurent littéralement de faim» pour respecter ces règles. En effet, une boîte de lait spécifique coûte dans les 500 DH et n’est même pas disponible au Maroc. Les familles doivent se procurer le lait spécifique par leurs propres moyens. Aucun  remboursement n’est assuré dans leur cas. 
Selon l’AMRM, un médicament, stimulant la dégradation de la phénylalanine et permettant d’atténuer le régime chez certains enfants, existe mais il est  indisponible au Maroc.

Symptômes

Les bébés atteints de la phénylcétonurie développent un retard mental et des symptômes tels que convulsions, nausées et vomissements, éruption cutanée proche de l’eczéma, vomissements, hyperactivité, agressivité ou automutilation, périmètre crânien réduit (microcéphalie)… Ils dégagent souvent une odeur de «souris» 
ou de moisi en raison de la présence d’un sous-produit de la phénylalanine dans leurs urines et leur sueur. 
Dans le cas de l’hyperphénylalaninémie, des mutations au niveau du gène codant pour un co-facteur de conversion de la phénylalanine en tyrosine (co-facteur BHA) sont possibles. Ces perturbations au niveau de la production de tyrosine entraînent une peau et des cheveux clairs.
«La maladie est assez souvent confondu à tort à  de l’autisme, même par les médecins, à cause des conséquences : agressivité, absence d’acquisition  des capacités intellectuelle et motrice. D’où des  retards de 
diagnostic très préjudiciables», indique l’AMRM.

 

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