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Chaïbia, l’icône des arts plastiques qui fait encore couler beaucoup d’encre

Pour l’exposition hommage à feu Chaïbia, seuls des invités triés sur le volet étaient présents, le jour du vernissage, jeudi 10 décembre, afin d’apprécier la sélection d’œuvres de cette artiste rangée parmi les grands peintres dans le monde. «Chaïbia, la magicienne des arts» est l’intitulé de cet accrochage que le large public pourra visiter jusqu’au 15 mars 2021, à l’Espace Expression CDG qui fête, à travers cet événement, ses 10 ans d’existence.

Dès le franchissement du seuil de la galerie, on se trouve devant une belle scénographie, réalisée par le commissaire de l’exposition Hicham Daoudi, qui offre à voir des œuvres de la regrettée Chaïbia Talal, depuis ses premiers pas dans la peinture, dans les années 1960, jusqu’aux travaux que se sont arrachés les plus grands musées dans le monde. C’est tout un patrimoine, qui fait encore couler beaucoup d’encre. Ainsi, la Fondation CDG ne rate pas l’occasion de la célébration de l’anniversaire de son Espace Expressions CDG pour consacrer une exposition historique à cette artiste qui a traversé le temps, attisé la curiosité et l’éblouissement auprès des critiques les plus réputés de l’univers des arts plastiques. Une femme hors pair, dont la vie parait comme un film de fiction. Cette dame qui a défié l’entourage et les aléas de la vie pour réaliser sa passion et faire ressortir ce qu’elle avait dans le cœur et l’imaginaire. Toutes ses expositions suscitent, jusqu’à présent, un grand intérêt unanime. Le parcours choisi par Hicham Daoudi démontre, encore une fois, combien cette artiste fut et restera une référence dans le monde de l’art. D’ailleurs, son fils Houssein Talal s’est dit très satisfait de l’organisation de cet hommage et du choix des œuvres exposées. «Je suis aussi étonné de redécouvrir le vaste environnement de Chaïbia et de ses 30 années de carrière où beaucoup de critiques l’ont considérée comme une peintre inclassable. C’est le miracle de Chaïbia, dont la force dans la peinture a intrigué énormément d’artistes. Elle est devenue pour eux leur idole. Car elle a réalisé ce qu’eux ont cherché pendant des années. Ils ont trouvé tout ce mouvement de travail dans ses œuvres, d’où sa renommée sur le plan international», souligne son fils Houssein. 
C’est vrai que le monde de Chaïbia est unique, incomparable, hors temps… Ces qualificatifs restent insuffisants pour rendre compte de manière exacte et évaluer son travail. D’ailleurs, le Beau Livre que lui dédie la Fondation CDG reflète l’immensité de sa créativité et l’influence qu’elle a exercée sur beaucoup de critiques d’art et d’intellectuels qui n’ont pas manqué de mots pour le relater. On peut citer, pour le récent ouvrage, Abdeljalil Lahjomri, secrétaire perpétuel de l’Académie du Royaume du Maroc, l’auteure Fatema Mernissi, l’écrivaine Zakya Daoud, l’historien de l’art et commissaire d’expositions Brahim Alaoui, le journaliste et critique d’art Jamal Boushaba, avec une présentation de Abdellatif Zaghnoun, président de la Fondation CDG.
De son côté, la directrice générale de la Fondation CDG n’a pas manqué de saluer la pratique artistique de Chaïbia qui «s’exprime sans filtres ni référents. Elle nous donne à voir ses propres représentations à travers une multitude de sujets que les couleurs du Maroc font vibrer. Telle une magicienne, elle trace ses figures et ses personnages avec de la couleur, des formes et des motifs qui viennent compléter ses tableaux dans des harmonies chromatiques éblouissantes. Sa magie opère au premier regard, elle nous invite dans son univers mystique à un dialogue avec ses conteurs, ses femmes, ses voyantes, ses musiciens, ses Fellahs de Chtouka…» Chaïbia a ainsi mené une carrière foisonnante digne des grands peintres, et ce jusqu’à son décès en 2003. 

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Questions à Hicham Daoudi, Commissaire de l’exposition

«Chaïbia est un grand monument de l’art marocain et j’ai beaucoup d’amour pour ce qu’elle a pu représenter» 

Sur quoi vous êtes-vous basé pour la réalisation de la scénographie de cette exposition hommage ?
J’ai fait, en premier lieu, une sélection drastique des œuvres pour essayer de couvrir les premiers gestes de Chaïbia, de 1963 jusqu’à la fin de sa vie, avec une des œuvres tardives de 1997-1998. Ainsi, on peut dire que dans la vie de Chaïbia, il y a trois séquences : les premiers gestes, la reconnaissance de sa singularité à l’international, puis les dernières années de sa vie où sa santé s’est détériorée. Dans ces trois époques, on perçoit un geste différent dans sa peinture, à travers de nouveaux thèmes et de nouvelles scènes à chaque fois et on sent dans cette exposition la magie de Chaïbia, la lumière, la couleur, la musique, l’humour. C’est une œuvre très musicale.

Beaucoup d’expositions ont été dédiées à Chaïbia. Par quoi se distingue cet hommage ?
Cette exposition est d’abord une note d’optimisme. Elle redonne la parole aux femmes et rappelle ce que c’était la modernité féminine, à partir de l’expérience de Chaïbia. Elle met Fatima Mernissi et Chaïbia côte à côte, malgré leur cheminement différent. Donc, la différence de cette exposition est que nous sommes dans une époque où nous avons besoin de plus de Chaïbia, de plus de femmes comme elle qui réinventent la modernité marocaine, parlent au public comme elle le faisait avec son langage et son naturel. Et on a besoin en 2021 qu’on mette de la musique dans nos vies comme la peinture de Chaïbia. Avec Chaïbia, on a l’impression que son monde n’arrêterait jamais de nous éblouir par sa singularité. Cela vient du fait que plusieurs personnes la voient sous différents regards. Donc, chacun porte son regard sur l’œuvre de Chaïbia. Aujourd’hui, vous voyez le mien qui est empreint de beaucoup de respect pour cette femme. C’est l’une des expositions que j’ai eu le plus peur de réaliser. Parce que Chaïbia est un grand monument de l’art marocain. J’ai beaucoup d’amour pour ce qu’elle a pu représenter. J’espère que d’autres s’en saisiront et montreront Chaïbia différemment de moi.

Dans quel catégorie peut-on classer l’artiste Chaïbia ?
Pour moi, elle est dans les formes picturales qui sont nées au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le mouvement Cobra avec des expressions un peu primaires et un état de pensée brut qui est débarrassé de la corruption occidentale. C’est comme ça que les grands penseurs l’ont vue, et en même temps, c’est une personne aimant l’humanité et une Marocaine qui a capté la magie populaire de son environnement et qui a su le traduire. 

Propos recueillis par O.B.

 

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