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«Le cinéma était ma passion et je savais que j’allais finir par y revenir un jour»

Des mathématiques et de la finance, Mohcine Besri revient aux premières amours nostalgiques de sa tendre enfance. Il opte ainsi pour le cinéma pour raconter les histoires qui lui tiennent tant à cœur. Pour mieux connaître ses dernières productions et son parcours, Le Matin a fait un petit tour d’horizon avec le cinéaste, dont la carrière s’annonce très prometteuse.

Le Matin : «Une Urgence ordinaire» est votre 2e long métrage, une métaphore, tournée à huis clos, comme «Les Mécréants». Pourquoi ce choix ?
Mohcine Besri :
«Les Mécréants» était à huis clos, parce que cela m’intéressait de traiter cette expérience de cette manière. C’est-à-dire de mettre les deux extrêmes de la société, ou ceux qui pensent l’être, dans un même endroit clos et de les inviter à se rencontrer. Pour le deuxième, je voulais donner mon regard sur la société marocaine en général. Donc j’avais besoin d’une métaphore pour le faire. Du coup, le huis clos dans un hôpital amenait cette plus-value pour pouvoir traiter toutes les couches de la société et tous ses maux, à travers une histoire simple et un personnage qui raconte. Car pour moi l’hôpital est aussi un des personnages du film. C’est comme ça que le choix s’est fait.

Et pour votre troisième film, «Laâziza», optez-vous pour la même chose ?
Pour «Laâziza», c’est une histoire personnelle qui parle de moi et de ma mère. Ce n’est pas un huis clos, c’est presque un road movie. Un film où on voyage.

Dans «Tafa7a Al Kayl», on sent que les acteurs sont très imprégnés par leur personnage. Comment expliquez-vous cela ?
Comme j’ai grandi dans une famille d’acteurs, mon père (paix soit sur lui) était un acteur de télévision, de cinéma et de théâtre, ma belle-mère, avec qui j’ai grandi, était une actrice. Donc, j’ai déjà un amour pour les acteurs et je sais à quel point c’est important. Il y a cette bienveillance et je pense que les acteurs avec qui je travaille ressentent que j’ai de l’amour et du respect pour eux. Même quand j’écris, j’essaye de nourrir au maximum les personnages pour donner de la matière. Puis, on a fait des castings et j’ai choisi des acteurs qui ont beaucoup de talent. Bien sûr, ils ont aimé l’histoire. Sinon, ils n’auraient pas accepté de jouer dans le film. Mais chacun avait une relation particulière avec son personnage et trouvait un intérêt personnel dans le fait de l’incarner. Bien sûr, après il y a la direction d’acteurs. Parce qu’un acteur est aussi là pour proposer et être dirigé. On a eu une très bonne collaboration et le résultat était à la hauteur.

Ce film a fait partie de la compétition officielle du FIFM en 2018. Quel souvenir gardez-vous de cette projection ?
J’ai deux souvenirs : le premier au Palais des Congrès où il y avait un silence incroyable dans la salle, c’est-à-dire une vraie écoute, on sentait que les gens étaient captivés par le film. Le deuxième était au Colisée, très tard le soir. Après la projection, il y a eu des questions-réponses avec le public qui ont duré plus que le temps du film. On est resté une heure et demie à discuter. C’était un échange formidable. Ils étaient contents de voir des histoires qu’ils connaissent parfaitement.

Vos films ont tourné dans plusieurs festivals ici et ailleurs, comme c’est le cas pour beaucoup de cinéastes marocains. Peut-on dire que le cinéma marocain est en bonne santé ?
Oui, tout à fait. Je pense que maintenant tout le monde est conscient que le cinéma marocain est un des diplomates du pays. Il représente le Maroc un peu partout dans le monde dans tous les festivals. C’est quelque chose dont on ne peut que se féliciter, en espérant de continuer à travailler. Après, il y a aussi la diversité du cinéma marocain, à travers différentes sortes de réels. Ce qui est un plus pour notre cinéma. Il y a le cinéma des cinéastes au Maroc, le cinéma de ceux qui vivent ailleurs, avec des genres qui vont de la comédie commerciale jusqu’aux films expérimentaux. C’est une richesse en soi.

«Laâziza», c’est pour bientôt ou bien vous préférez que celui-ci prenne sa place ?
Vous savez, les aléas de la distribution sont compliqués. Donc, on pense sortir «Laâziza» dans quelque temps, mais je ne peux pas vous dire une date. Pour l’instant, on est plutôt sur «Tafa7a Al Kayl» et on espère que le public répondra présent.

Comment expliquez-vous ce détour par les finances et les mathématiques pour plonger ensuite complètement dans le cinéma ?
Cela s’explique par le fait que je suis né dans une famille d’artistes. Donc j’ai grandi dans le milieu du théâtre, du cinéma, de la télé et de la radio. Oui, c’était une passion et je savais que j’allais finir par y revenir. Il se trouve qu’entre temps, j’ai aussi aimé les mathématiques et la physique et du coup j’ai voulu creuser plus loin. Mais plus le temps passait, plus j’avais envie de revenir au cinéma et d’en faire mon métier. Donc, ceci explique cela.

Pensez-vous qu’un cinéaste peut le devenir sans être obligé de passer par des écoles de cinéma ? Quel en est donc le secret ?
Je suis loin d’être une  exception, car il y a beaucoup de cinéastes qui n’ont pas fait des études de cinéma. Il s’agit surtout d’être passionné par le métier, après on apprend sur le tas. Il y a beaucoup de grands cinéastes qui viennent des mathématiques, de la physique, de la pharmacie ou de la médecine. On travaille au début en regardant des films. Moi, par exemple, j’ai commencé par faire de l’assistanat, puis j’ai fait des courts métrages, puis un long métrage. On apprend chaque jour en faisant des films. Oui, je continue à apprendre et j’ai ce petit regret quand même de ne pas avoir fait une école, parce qu’on a toujours l’impression que ça aurait été bien. Mais ce n’est pas du tout une exception. Il n’y a pas de secret dans cela. Le secret est d’être passionné par le cinéma et d’avoir envie de s’exprimer à travers cet art. 

L'acteur Said Bey

«C’était un vrai atout de pouvoir travailler dans une belle ambiance»

Parlez-nous de votre expérience avec le réalisateur Mohcine Besri ?
Ce qui m’a vraiment plu chez Besri, c’est qu’avant de me parler de ma participation dans le film, il m’avait donné le scénario pour le lire. Donc il m’a offert l’opportunité d’aimer le scénario avant de connaître mon rôle. Je trouve que c’est une très bonne chose et c’est très intelligent de sa part. Car il m’a permis de rentrer dans l’univers de son film et de m’en imprégner. Après, il y a eu une bonne préparation. On a beaucoup parlé du personnage. Ce qui ajoute à la réussite du film c’est la vision du réalisateur, puis son comportement avec les autres acteurs et la grande complicité qui s’installe. C’était un vrai atout de pouvoir travailler dans une belle ambiance. Il y a aussi le travail à huis clos qui a beaucoup aidé, car on était tout le temps ensemble.

Le cinéma a toujours eu son impact sur la société, que ce soit sur les citoyens ou sur les responsables. Pensez-vous que ce film peut jouer ce rôle ?
Beaucoup de films dans le monde ont pu aider au changement pour régler certaines choses dans la société ou jouer un rôle dans la prise de décisions. Par exemple le film «Les Indigènes» en France. Pour le film de Besri, je pense qu’il n’y a pas une famille au Maroc qui n’ait pas eu des problèmes dans le secteur de la santé. Pour moi, ce film m’a touché et j’ai interprété mon rôle. Donc, ma mission se termine là. Maintenant, il faut qu’il touche les responsables qui doivent venir le voir, parce que ce sont eux qui peuvent prendre les décisions et entreprendre les changements. 

L’actrice Fatema Zohra Bennacer

«Il faut dire que la collaboration avec Mohcine se déroule d’une manière simple»

Comment avez-vous trouvé le travail avec Mohcine Besri ?
Il y avait une belle énergie entre tous les membres du staff qui travaillait dans le film, que ce soit les comédiens ou les techniciens. Nous avons passé des moments agréables, avec un sentiment de responsabilité envers notre travail, et ce dans le but de la réussite du film. Il faut dire aussi que la collaboration avec Mohcine se déroule d’une manière simple. C’est quelqu’un qui écoute, accepte les propositions, les discute… On le sent très proche de nous au moment du tournage.

Que pensez-vous du sujet très touchant de la santé qu’il a choisi pour son film ?
Si l’art n’a pas de message, ce n’est pas de l’art. Si on fait un film pour ne rien dire, que ce soit du positif ou du négatif, ce n’est pas la peine de le faire. 

Festivals & distinctions

  • Busan International Film Festival
  • Festival international du film de Marrakech – Maroc 
  • Karama Human Rights Film Festival – Jordanie 
  • Best Fiction Feature Prize 
  • Festival national du film de Tanger – Maroc
  • Cinemed – Montpellier, France
  • Festival international du film francophone de Tübingen et Stuttgart 
  • African Movie Academy Award
  • Aflam du Sud – Festival du cinéma arabe
  • Festival international du film arabe de Meknès-Fifam

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Biographie

Né dans une famille d’artistes, Mohcine Besri a grandi en côtoyant les plateaux de tournage et les planches de théâtre, aux côtés de son père feu Mohamed Ahmed Besri, l’intellectuel et homme de théâtre, de télévision et de cinéma, puis de sa belle-mère, qu’il considère comme sa maman, l’actrice Rachida Al Harrak. Ainsi, même après des études en physique-chimie et une carrière dans la finance et dans l’enseignement des mathématiques, le destin a voulu qu’il suive les pas de ses parents et revienne à sa première passion : le cinéma. Sachant que même avant d’y plonger complètement, il a fait des petits rôles par-ci par-là, tout en suivant d’autres études en Suisse. Tout un détour pour revenir à l’environnement où il a vécu depuis qu’il était enfant. Car il a trouvé son destin, celui de raconter des histoires. Après quelques expériences dans l’assistanat, Mohcine Besri tourne deux courts métrages, puis co-écrit un long métrage «Opération Casablanca» réalisé par Laurent Nègre, avant de monter Tamawayt Productions et de produire et réaliser son premier long métrage, «Les Mécréants», suivi de «Tafa7a Al Kayl», puis «Laâziza». Des œuvres qui font découvrir une passion et un talent qui n’attendent pas longtemps pour être récompensés par plusieurs prix dans différents festivals, au Maroc et à l’étranger. 

Propos recueillis par Ouafaâ Bennani

 

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