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Comprendre le confinement pour mieux gérer le déconfinement

Beaucoup s’attendaient à un léger report de la levée du confinement, mais le gouvernement a confirmé sa décision de prolonger l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 10 juin. Les autorités sanitaires estiment en effet que le risque est encore élevé et nécessite un maintien du confinement pour trois autres semaines. Pour y voir plus clair, l’Info en Face, dans le cadre de son cycle 100% Covid-19, a invité deux experts de santé : Maryam Bigdeli, représentante de l’OMS au Maroc, et Jaâfar Heïkel, professeur en médecine préventive, spécialiste des maladies infectieuses et épidémiologiste.

Comprendre le confinement pour mieux gérer le déconfinement

Pour la responsable de l’OMS, la décision de confinement ou de sa levée est contextuelle. «Ce qui caractérise le Maroc, c’est sa courbe qui s’est aplatie évitant ainsi des pics très sévères. La stratégie adoptée par le Maroc a permis de protéger le système de santé et bien évidemment les citoyens», précise-t-elle. Cependant, ce niveau d’aplatissement se prolonge dans la durée avec quelques risques de pics dus aux clusters, remarque la responsable. «C’est donc probablement pour mieux maîtriser ces foyers de contamination que les autorités marocaines ont décidé de prolonger le confinement», explique-t-elle. Ce prolongement devrait également permettre au gouvernement de mieux gérer l’organisation de l’opération de dépistage pour arriver à l’objectif de 10.000 tests par jour, suppose la représentante de l’OMS au Maroc.

Pour le Pr Heïkel, la décision a été plutôt inattendue. «Par rapport aux données épidémiologiques dont nous disposons, la levée du confinement aurait évalué la prolongation à 10 jours. Mais probablement, pour avoir une vision plus précise et une visibilité par rapport aux clusters, il a été jugé plus opportun de reporter», explique-t-il, avant de nuancer que ces foyers ne pourront pas être maîtrisés de sitôt, à l’instar de ce qui arrive à l’international. Adoptant un raisonnement par élimination, l’expert explique que la principale raison d’évaluation de la situation épidémiologique ne peut aujourd’hui être due à la gravité de la maladie, puisque nous avons un taux de létalité inférieur à 3%, ni au nombre de nouveaux cas identifiés, qui sont à 80% détectés chez les personnes contacts, donc le nombre de cas hors contact est faible. L’autre signe favorable est le taux de reproduction «R0», qui s’est fixé à 1% depuis plusieurs jours. Reste un élément qui pourrait être inquiétant, selon l’expert, qui est celui de la capacité de notre système de santé à faire face à une nouvelle vague de contaminations.

L’épidémiologiste rejoint par ailleurs l’avis de la représentante de l’OMS concernant la nécessité d’organiser l’opération de dépistage et d’arriver à un niveau de tests à même de permettre de mieux maîtriser les cas du coronavirus. «Il faut absolument élargir le dépistage et arriver à doubler ou tripler la capacité actuelle», insiste M. Heïkel en précisant qu’il va falloir réfléchir à une stratégie de dépistage par priorités et y intégrer le secteur privé pour consolider les efforts.

Si les deux experts s’accordent à dire que le dépistage est la principale clé de maîtrise de la pandémie, ils insistent sur l’extrême nécessité de respecter les mesures barrières, notamment la distanciation physique, le port du masque et l’hygiène. «Que l’on soit confiné ou pas, nous devons tous respecter les mesures de prévention qui font désormais l’unanimité dans le monde», rappelle Mme Bigdeli.

Un virus auquel il faudra s’habituer

Ce constat souvent occulté, est désormais réel. L’humanité devra accepter de vivre avec ce virus et de s’y adapter. «Comme le SRAS ou le H1N1, on peut avoir d’autres cycles épidémiques dans un an, deux ans ou même quelques mois», alerte M. Heïkel. En effet, l’homme s’est bien adapté au VIH, à l’hépatite B et à la grippe saisonnière qui à elle seule tue près de 60.000 personnes annuellement rien qu’en Europe. Donc, il devient important de se préparer à l’idée de vivre avec ce nouveau coronavirus et de s’y adapter, notamment en se protégeant mieux. La vaccination reste, par ailleurs, l’une des armes pour lutter contre le Covid-19. Sauf que pour trouver un vaccin, la majorité des scientifiques prévoit un délai de 18 mois et, de surcroît, explique l’expert, ce vaccin sera valable pour les populations vulnérables non infectées. Il faut également tester le niveau d’efficacité de ce vaccin ainsi que la durabilité de la protection qu’il permet. Pour sa part, la représentante de l’OMS appelle à distinguer entre deux choses : le développement et la production du vaccin. «Développer un vaccin et juger de son efficacité est certes primordial, mais il faut également gérer sa production pour le rendre accessible au niveau mondial de manière équitable». C’est le challenge qui interpelle les responsables de l’Organisation mondiale de la santé. Mutualiser les connaissances, coopérer efficacement et s’entraider, sont donc les éléments déterminants pour relever ce défi, estime Mme Bigdeli. Les deux responsables sont également unanimes pour souligner l’impact économique et social de cette décision de prolongation du confinement. Des éléments qui font de plus en plus le poids dans toute analyse de la crise sanitaire et qui devront interpeller l’ensemble des parties prenantes et motiver les citoyens à un respect plus strict des mesures de prévention. 

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