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Quelle continuité pédagogique pour les élèves du préscolaire ?

Le programme de généralisation du préscolaire fait partie des chantiers prioritaires du système éducatif marocain. Cependant, avec la fermeture des écoles depuis trois mois pour éviter la propagation du coronavirus, le préscolaire se présente comme un élément délicat, car il est encore plus difficile d’amener les plus petits à comprendre que la maison devient l’école.

Quelle continuité pédagogique pour les élèves du préscolaire ?

Depuis le 16 mars dernier, tous les établissements scolaires au Maroc ont fermé leurs portes. À partir de cette date, les élèves marocains ont commencé à poursuivre leur apprentissage à domicile. Une situation inédite à laquelle la majorité des apprenants et les enseignants n’étaient pas préparés, ce qui a suscité l’inquiétude de nombreux parents, essentiellement des élèves du primaire et surtout du secondaire, des classes considérées comme les plus importantes. Cependant, nous avons souvent tendance à oublier une catégorie d’apprenants, tout aussi importante, celle du préscolaire. «La rupture de la relation physique avec l’école et les éducateurs, constitue pour les enfants en âge préscolaire une situation psychosociologique anormale et aux conséquences insupportables. Elle constitue une préoccupation pour leur éducation, avec un déficit de visibilité quant à la suite des événements. Quelques jours après la fermeture des écoles, nous avons constaté un vide considérable dans la continuité pédagogique pour les enfants préscolarisés», indique Aziz Kaichouh, directeur général de la Fondation marocaine pour la promotion de l’enseignement préscolaire.
Des propos appuyés par la Fondation Zakoura. «L’éducation préscolaire permet aux enfants âgés de 4 à 6 ans d’évoluer dans un environnement propice à leur épanouissement tout en les préparant à une entrée réussie au cycle primaire puis, à plus long terme, à développer leur plein potentiel. Nous pourrions penser que l’impact de cet arrêt des cours pourrait avoir un effet moindre sur les enfants du préscolaire qui en sont aux prémices de leur scolarité et pourtant... Malgré toutes les mesures mises en place, aucune ne peut remplacer à cet âge une présence physique en classe et les interactions directes avec leurs camarades et leurs éducatrices, nécessaires à leur socialisation», souligne la Fondation, en précisant que l’impact ne sera pas le même selon la situation familiale, le lieu de résidence…

Malgré les différentes initiatives pour tenter d’assurer une continuité pédagogique aux élèves du préscolaire, une fois encore, ce n’est pas tout le monde qui est impliqué dans ce nouveau mode d’enseignement. «Plusieurs acteurs du préscolaire se sont mobilisés pour réussir l’enseignement à distance. Ainsi, beaucoup d’efforts ont été fournis dans ce cadre en vue de surmonter cette crise, à travers différentes plateformes éducatives, surtout dans l’urbain par des écoles privées. Malheureusement, dans les zones urbaines défavorisées et rurales, beaucoup d’enfants n’ont accès ni à un ordinateur, ni à un smartphone ou tablette connectés. Les enjeux pour ces enfants sont plus critiques que pour d’autres populations d’enfants, eu égard à leurs conditions socio-économiques et de leurs familles. À cet effet, la plupart des enfants sont dans l’incapacité de suivre leur éducation à distance, vu la situation de l’infrastructure d’accès aux réseaux internet et à la carence d’équipements informatiques facilitant cet accès», déplore Aziz Kaichouh.
Les parents ont joué, aux côtés des enseignants, un rôle très important pour assurer l’apprentissage de leurs enfants à distance. S’il s’agit d’une tâche dure pour tous les parents, cela a été encore plus difficile pour ceux qui ont des élèves au préscolaire. Les plus petits ont eu beaucoup de mal à s’adapter à ce changement. «Les cours envoyés par l’école ne remplacent pas ceux dispensés en classe. Mon fils, qui est en petite section, n’arrive pas à s’adapter à ce nouveau rythme. Dernièrement, on ne fait plus grand-chose. Je travaille plus avec son frère qui est au primaire. Je ne veux pas trop lui mettre la pression, du coup, je commence à me faire à l’idée qu’il est déjà en vacances», confie Rania.

«Ma fille est en grande section, au début du confinement elle était motivée pour faire les activités envoyées par l’école et d’autres activités trouvées sur les sites web pédagogiques. Nous faisions de l’écriture, lecture, maths, dessins, sport... mais plus le confinement se prolonge plus elle se lasse des exercices. Actuellement, je la laisse à son aise. Elle choisit les cours qu’elle veut. Nous adoptons plus l’apprentissage oral et, ainsi, on diminue le temps passé devant la tablette», témoigne Nadia. «Par rapport au suivi assuré par l’école, les cours et activités envoyés ont évolué avec le temps. Au début, c’était trop facile ou «ennuyeux» selon ma fille, mais la direction a été très attentive aux remarques des parents et besoins des enfants. Les maîtresses envoient sur la plateforme un travail varié et instructif à faire. Il y a des vidéos avec la voix des maîtresses, des activités ludiques et des exercices. Le plus touchant pour les enfants sont les vidéos de visite à l’école vide. Au total, le temps de travail ne dépasse pas 1 h 30 ou 2 h», ajoute la maman de Bayane.
Pour le directeur général de la Fondation marocaine pour la promotion de l’enseignement préscolaire, la maison ne peut pas remplacer l’école, il faut un accompagnement pédagogique qu’on ne peut pas demander aux parents. Soit à cause de l’insuffisance technique, du manque de maîtrise des outils et concepts d’encadrement ou de l’indisponibilité. «Certes, le rôle des parents est primordial pour orienter et suivre leurs enfants dans cette période particulière, mais les inégalités existent toujours : les familles qui ont un niveau d’instruction plus élevé ont tendance à disposer plus de ressources pour fournir l’assistance nécessaire à leurs enfants. Par contre, les parents analphabètes et les parents qui habitent dans les zones défavorisées et en milieu rural ne peuvent pas fournir l’assistance éducative nécessaire à leurs enfants.
D’autre part, nous conseillons aux parents de suivre les actualités et les mesures prises par l’État, car quand ils sont bien informés, ils sont en mesure d’accompagner leurs enfants et de rétablir une relation de proximité favorable à leur apprentissage et éducation», a affirmé Aziz Kaichouh.

De leur côté, les établissements d’enseignement préscolaire trouvent que le fait de changer de mode d’apprentissage du jour au lendemain n’a été facile pour personne. «Au début, les parents étaient complètement déboussolés, d’autant plus qu’ils devaient combiner télétravail et continuité pédagogique ou tout simplement accorder plus de temps à la fratrie qui était à un niveau supérieur. Il fallait remédier à cette fracture le plus vite possible», explique Rabiaa Gharbaoui, directrice d’une crèche Maternelle à Casablanca. Et d’ajouter : «En maternelle, les maîtresses sont des repères pour les enfants à l’école. C’est pourquoi nous avons commencé à poster des vidéos de maîtresses s’adressant aux enfants en chantant des comptines ou en lisant des contes. Par la suite, un programme complet a été mis en ligne pour que les enfants puissent faire correctement l’école à la maison. Et pour encourager les enfants qui refusaient de faire les activités avec leurs parents, nous avons lancé des défis quotidiens en leur demandant de nous retourner leurs réalisations». 


Questions à Aziz Kaichouh, directeur général de la Fondation marocaine pour la promotion de l’enseignement préscolaire

«Il est temps d’envisager plus sérieusement l’option du e-learning et d’investir plus massivement dans les nouvelles technologies»

Le Matin : Quelles sont les actions de la Fondation durant cette période de confinement pour soutenir les élèves du préscolaire ?
Aziz Kaichouh
: Afin d’atténuer les perturbations dans l’enseignement préscolaire, la fondation, avec l’appui de l’Initiative nationale pour le développement humain (INDH) et du ministère de l’Éducation nationale, a œuvré pour assurer la continuité pédagogique aux enfants du préscolaire, par la diffusion quotidienne de séances contenant des activités éducatives et d’animation depuis le 20 avril, sur la chaîne TV «Attaqafia» et puis «Alamazighia» sous le nom de «Atfalouna».
Et afin d’accompagner les efforts du ministère de l’Éducation nationale et les Académies régionales de l’éducation et de la formation pour veiller à l’ancrage d’un système éducatif intégré de l’enseignement à distance, et ce depuis le début du confinement en mars, la fondation a mis en place une plateforme éducative sur YouTube sous le nom «FMPS-Channel» destinée à tous les enfants en âge préscolaire dans notre pays, à leurs parents et toutes personnes intéressées par le domaine de la petite enfance. Cette plateforme offre plusieurs ressources éducatives numériques adaptées aux enfants du préscolaire (activités, jeux, histoires, comptines…).
En outre, toutes les éducatrices de la fondation disposent d’un smartphone qui leur a permis de créer des groupes de suivi et d’encadrement des enfants de leur classe via l’application WhatsApp. La FMPS veille également à l’encadrement régulier du staff éducatif par la visioconférence et le e-learning.

Pensez-vous que les actions du ministère de l’Éducation pour assurer un enseignement à distance pour ces élèves soient suffisantes ?
Les mesures prises par le ministère d’Éducation nationale dans le cadre de la pandémie du Covid-19 étaient destinées, d’une part, en priorité pour la protection des enfants contre la contamination par la fermeture des écoles et, d’autre part, pour assurer la continuité pédagogique de l’année en cours à travers les différents programmes d’enseignement à distance.
Le ministère a anticipé d’une manière rapide l’impact de la fermeture des écoles et a encouragé toutes les initiatives des enseignants et établissements scolaires publiques et privés pour produire du contenu pour tous les niveaux scolaires, en format TV, internet, classe à distance…
Le résultat était remarquable, des milliers de cours ont été produits et diffusés pour le primaire, le collège, le lycée et le supérieur. 
Pour le préscolaire, à travers le partenariat entre l’INDH, le ministère et la FMPS, le projet «Atfalouna» a vu le jour et permet de toucher des millions d’enfants marocains dans les villes et dans les zones rurales, touchant la tranche d’âge entre 3 et 7 ans.

Quelles sont vos recommandations ?
La propagation actuelle de cette pandémie montre bien l’urgence de bien anticiper le développement des canaux d’enseignement et de soutien scolaire et psychologique à distance. Il est temps d’envisager plus sérieusement l’option du e-learning et d’investir plus massivement dans les nouvelles technologies.
En outre, il est important de veiller à l’acquisition des outils facilitant l’enseignement et le soutien à distance, dont les tablettes individuelles pour les enfants, avec la mise en place d’une ingénierie adaptée pour produire du contenu éducatif de qualité et d’un plan de formation continue pour les encadrants éducatifs sur l’utilisation des outils technologiques et leur déploiement, et ce d’une manière efficace et tenant compte des spécificités de chaque âge et milieu.
L’avenir des enfants d’aujourd’hui ne sera pas comme par le passé, le numérique fera partie intégrante de leur vie d’une manière absolue.
Notre devoir est de les préparer et les outiller pour réussir leur construction psychologique, sociale, cognitive, psychomotrice et communicationnelle. Et surtout développer en eux le sens de patriotisme, de solidarité, d’éveil et de créativité. 


La Fondation Zakoura soutient toujours les élèves du préscolaire dans le monde rural

Afin de garantir l’avancement de ses projets, notamment de préscolaire, maintenir le contact avec ses bénéficiaires directs et indirects et préparer le post-confinement avec succès, la Fondation Zakoura a déployé un dispositif d’accompagnement à distance pour réduire l’impact de cette crise, que ce soit sur le plan académique, pédagogique ou socio-affectif. «C’était un véritable challenge pour nous, car opérant majoritairement en zone rurale, et comptant plus de 12.000 enfants préscolarisés, la Fondation a dû tenir compte de la faible connectivité de ses bénéficiaires pour proposer des supports et des moyens adaptés. Les appels téléphoniques et les groupes de partage via whatsApp, permettant aussi des messages vocaux et des appels en petit comité, ont été favorisés. Compte tenu du jeune âge des bénéficiaires de préscolaire, la Fondation a privilégié l’accompagnement des parents par les éducatrices afin qu’ils puissent à leur tour guider leurs enfants dans leurs apprentissages. L’équipe pédagogique ainsi que les éducatrices ont ainsi fait preuve d’agilité et de créativité pour adapter les activités et les jeux à un apprentissage à distance pour la poursuite de la programmation pédagogique», explique la Fondation, ajoutant qu’en appui à ces efforts, des vidéos reprenant les principaux thèmes d’apprentissage en préscolaire ont été créées et partagées avec les parents. «Dès le début du confinement, l’équipe de la Fondation Zakoura a sensibilisé les parents des enfants préscolarisés dans ses écoles à l’importance d’expliquer la situation à l’enfant à travers des mots simples, de le tenir informé de son évolution, de lui permettre de garder contact avec son éducatrice et d’avoir des nouvelles de ses camarades à travers elle. La Fondation a aussi invité les parents à continuer de stimuler le développement cognitif de leur enfant, l’éveil de ses sens, afin de l’encourager à s’exprimer et à explorer son univers réel ou imaginaire», ajoute la Fondation.

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