Depuis l’annonce des premiers cas de Covid-19 au Maroc, la peur d’une pénurie de médicaments se fait sentir. Les mesures de protection annoncées par le gouvernement ont accentué l’angoisse de certains consommateurs. On trouve désormais de longues files d’attente devant les pharmacies. «Certains clients viennent prendre des traitements prescrits par leurs médecins ou leurs médicaments habituels, mais la plupart d’entre eux viennent pour faire le stock de produits à base de paracétamol, gants et masques de protection», nous confirme la propriétaire d’une officine pharmaceutique. Un constat confirmé par la majorité des pharmaciens contactés par notre équipe. Dans le centre-ville de Casablanca, pas loin du boulevard Hassan II, une petite officine ne vend pratiquement que des masques de protection, gants, médicaments contenant du paracétamol. La demande est aussi élevée sur la vitamine C. «Nous sommes en rupture de stock et nous n’avons pas de date de réapprovisionnement vu les circonstances actuelles», répond une employée de cette officine aux nombreuses demandes sur la vitamine C. Pourtant, aucune étude scientifique ne confirme que la prise de vitamine C peut guérir du Cioronavirus ou le prévenir. «Je voudrais booster mon immunité pour résister à ce virus au cas où je l’attraperais», nous confie un jeune à la recherche de sa dose mensuelle de cette fameuse vitamine. Les Marocains, notamment les parents d’enfants en bas âge, se ruent aussi vers les produits à base de paracétamol. «Je préfère mettre des boîtes de côté que de me retrouver sans médicament avec un enfant malade», nous lance Ahmed, papa de deux petits âgés de 6 et 10 ans. «Faux», répond Dr Abderrahim Derraji, pharmacien et fondateur du site Phamacie.ma et médicament.ma. «Les gens ne doivent pas considérer les médicaments comme des denrées alimentaires. Les personnes qui stockent les médicaments privent les autres citoyens d’en avoir», explique-t-il. En effet, ce sont les personnes qui achètent les médicaments en masse qui aggravent cette crise de pénurie.
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Questions au Dr Abderrahim Derraji, pharmacien et fondateur du site pharmacie.ma et médicament.ma
«Les citoyens ne devraient pas considérer les médicaments comme des denrées alimentaires»
Est-il vrai qu’il y a une ruée sur les médicaments actuellement ?
L’engouement pour les médicaments est incroyable. Durant plus de 32 ans d’exercice au Maroc, je n’ai jamais vu autant de demandes. C’est la première fois que mon chiffre d’affaires m’inquiète.Quels sont les produits pharmaceutiques les plus demandés ?
Les gens demandent surtout les produits à base de paracétamol, les médicaments pour rhume, les masques de protection et les gants.Quelles seront selon vous les conséquences de cette situation ?
Si les citoyens se mettent surtout à stocker les médicaments ainsi, nous allons vers une catastrophe. Les grossistes de médicaments et les laboratoires pharmaceutiques continuent de nous fournir, mais si cette situation se poursuit, d’autres malades n’auront plus de médicaments.À votre avis, quelles mesures doivent être prises ? Il faut une prise de conscience collective. Les citoyens doivent comprendre que le médicament est une denrée exceptionnelle et qu’il ne faut pas le considérer comme une denrée alimentaire. Il faut travailler sur tous les plans. Les laboratoires devraient rationaliser les quantités livrées aux grossistes. Ces derniers ne devraient pas donner aux pharmacies plus que leurs besoins habituels. De même, les pharmaciens d’officine sont appelés à stopper la vente de grande quantité de médicaments, même si les clients inssistent.--------------------------------------------------------------------
Temoignage de Fairouz Ouiddar, docteur en pharmacie et propriétaire de pharmacie Zaïtoune dans la commune Ech-challalate à Mohammedia
«Nous n’arrivons pas à subvenir aux besoins des citoyens»
Il y a un grand manque de médicaments et de matériels, notamment les gants, les gels hydroalcooliques et les masques de protection. Ils sont toujours en rupture de stock. On trouve rarement de petites quantités et à des prix plus élevés que ceux fixés par le gouvernement. Les citoyens pensent que nous augmentons les prix, alors qu’on les achète à la base à des tarifs élevés.
De même, les médicaments à base de paracétamol et la vitamine C sont en rupture de stock, et ce juste après l’annonce des premiers cas de covid-19 et la décision de fermer les écoles. Nous n’arrivons pas à subvenir aux besoins des citoyens, sachant que nous professionnels de la santé nous restons mobilisés pour aider les malades. Les pharmaciens sont les premiers en contact avec les citoyens qui viennent demander conseil. Nous prenons des risques pour servir les citoyens et nous appelons a une entraide générale pour dépasser cette situation.