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«La crise du Covid et la nomination de Othman El Firdaous à la tête du ministère sont des opportunités pour le secteur des ICC»

La Fédération des industries culturelles et créatives (FICC) a récemment tiré la sonnette d’alarme sur la situation critique du secteur des ICC à cause de la crise du Covid-19. Fihr Kettani, vice-président de la FICC, revient sur cette situation et les mesures à prendre pour sauver les industries culturelles et créatives (ICC).

Le Matin : 100 000 emplois ont été directement impactés par la crise du Covid-19 dans le secteur des industries culturelles et créatives, 1.100 entreprises ont vu leur chiffre d’affaires baisser de 70%. Les conséquences de cette crise sont lourdes sur le secteur culturel. À votre avis, est-ce qu’on aurait pu éviter un tel saignement avec des mesures prises auparavant ou en accordant plus d’intérêt à ce secteur ?
Fihr Kettani :
Il est certain que la crise sanitaire a dévoilé de manière flagrante la fragilité du secteur des industries culturelles et créatives au Maroc. Les entreprises qui le composent soufraient déjà avant la crise de plusieurs freins à son développement tels que le manque de financement public, un cadre législatif et fiscal peu adapté. Pour revenir sur le sujet du financement public dont est particulièrement tributaire le secteur des ICC, je rappellerai que le ministère de tutelle est largement sous budgétisé avec une enveloppe annuelle de 700 millions de dirhams, auxquels s’ajoutent 300 millions de dirhams à travers les collectivités territoriales. Ce sont de faibles montants, les plus faibles des pays de la région, et qui de surcroît ne sont pas exploités complètement, pour d’autres raisons liées à un mode de gouvernance inadapté, une bureaucratie lourde pour un secteur qui a besoin de souplesse, car y opèrent essentiellement des travailleurs indépendants et des structures légères. Les effets néfastes de la crise sanitaire sont sévères, mais auraient pu être réduits si les acteurs culturels disposaient d’un statut mieux défini et d’un écosystème solide.

La FICC a fait plusieurs propositions pour relancer le secteur des ICC, où en est la mise en vigueur de ces recommandations ? 
Elles sont à l’étude par le gouvernement, tout comme celles des autres secteurs économiques.

La crise du Covid-19 a confirmé l’importance de la culture pour la société. Comment les acteurs culturels peuvent-ils tirer profit de ce regain d’intérêt ?
En effet, l’art et la culture dans ce contexte de crise sanitaire et de confinement ont joué un rôle important perceptible par tous. Ils ont permis d’occuper et de nourrir sainement les esprits des citoyens confinés, l’art a été un important vecteur de résilience, une échappatoire face à l’angoisse liée à cette situation. Les artistes marocains, toutes filières confondues, se sont très vite mobilisés à travers différentes actions pour exprimer des valeurs positives de partage et de solidarité face à la crise. Les acteurs culturels profiteront certainement de cette prise de conscience et ce regain d’intérêt pour la chose culturelle pour mobiliser leur talents et leurs compétences afin de hisser le secteur des ICC vers le haut. S’unir pour mieux porter la voix des professionnels des différentes filières , œuvrer pour un meilleur écosystème, mieux défendre le rôle et l’importance des industries créatives.

Comment voyez-vous le développement des industries créatives et culturelles au Maroc ?
Le développement des ICC au Maroc doit passer avant toute chose par une volonté politique forte pour appuyer et soutenir le secteur. Pour rappel, ce secteur pèse 3% du PIB mondial et 30 millions d’emplois à travers le monde. Je citerai aussi en exemple la réussite que connaît la France dans le développement du secteur des ICC, réussite qui s’est construit grâce au soutien important que l’État a réservé aux acteurs culturels. 
Ce soutien continu a suscité un dynamisme du secteur et le développement d’une économie créative, culturelle et événementielle florissante, avec une offre et une demande en croissance constante. La crise du Covid et la nomination de Othman El Firdaous à la tête du ministère sont des opportunités pour le secteur des ICC, le temps d’une importante remise en question et de la nécessité d’accélérer les réformes indispensables à son essor.

À votre avis, est-ce que les entreprises culturelles doivent être traitées différemment des autres au niveau de la fiscalité et des facilités accordées par l’État ?
La culture ne peut pas être considérée et traitée comme n’importe quel produit de consommation. Les conditions de sa création et de sa production ne répondent ni aux mêmes normes ni aux mêmes schémas. Un produit culturel est à la fois l’ancrage et le reflet d’un héritage et d’une modernité, notre production culturelle est un patrimoine immatériel pour notre pays, qui a une valeur économique, sociale et médiatique souvent en faisant rayonner notre pays et nos territoires. Les industries culturelles et créatives constituent potentiellement un formidable levier économique et social. Donc oui, l’entreprise qui opère dans le secteur des ICC doit bénéficier d’une fiscalité avantageuse pour que les professionnels soient encouragés à s’investir et offrir le meilleur aux consommateurs. Il est également nécessaire de mettre en place une fiscalité incitative à destination des entreprises mécènes et sponsors afin qu’elles renforcent leur soutien aux acteurs opérants dans les ICC.

 Quelles solutions proposez-vous pour accompagner les porteurs de projets culturels ?
Dans le dossier soumis au gouvernement, la FICC demande entre autres l’exonération des charges sur salaires jusqu’à la fin de l’année 2020 pour préserver les emplois et préparer la reprise. 
La fédération propose des aides massives en direction des artistes à travers des programmes de soutien à la création et l’achat d’œuvres et de spectacles. Nous proposons également l’ouverture d’un grand chantier de plateformes digitales pour la promotion et la diffusion des créations marocaines. Et enfin nous défendons le fait que le Maroc doit travailler sur deux axes différents pour ce secteur, un premier axe orienté Industries culturelles et créatives pour structurer les filières de manière très professionnelle, et un second axe basé sur une politique culturelle de proximité, une approche sociale en direction des jeunes pour les accompagner et mieux préparer l’avenir.

Quel rôle joue le ministère de la Culture pour accompagner le secteur des ICC actuellement ?
L’actuel ministre a été nommé il y a deux mois environ, en pleine crise du coronavirus. Il a dès le départ envoyé des signes très encourageants et fait preuve d’une grande écoute auprès des différents acteurs du secteur.

Quel avenir voyez-vous pour les événements culturels en ligne après le Covid-19 ?
 La crise du Covid va sans aucun doute accélérer la digitalisation du secteur qui profite à quelques filières des ICC. Le cinema, l’audiovisuel, le gaming sont des exemples de filière à fort potentiel en ligne. D’autre filières des ICC sont moins adaptées au développement de leur pratique en ligne. Je pense notamment au spectacle vivant et aux festivals. 
Comme son nom l’indique, la scène est vivante et ne sera je l’espère jamais complètement remplacée par le virtuel. Idem pour les formations et pour l’enseignement artistiques, telles que le théâtre ou le chant, qui requièrent idéalement la présence physique des apprenants et des professeurs. Mais la dimension en ligne ne pourra se développer que lorsque des questions essentielles seront réglées et notamment la loi sur les droits d’auteur et droits voisins et le bureau marocain des droits d’auteur. 

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