Le Matin : Quelles sont les principales discriminations dont souffrent les femmes dans le domaine de la santé dans le monde et au Maroc ?
Fournir aux femmes et aux filles un accès égal aux soins de santé fait partie des ODD, croyez-vous que le Maroc est sur la bonne voie pour atteindre cet objectif ?
Il est important de rappeler que l’accès équitable à des soins de santé est un droit constitutionnel (article 31 de la constitution de 2011 du Royaume du Maroc). Et il est également important de rappeler que nous parlons d’équité dans l’accès aux soins de santé et non pas d’égalité, dans le sens où il faut prendre en considération les besoins de santé spécifiques des femmes. La cible 3.1 de l’ODD 3 santé vise à diminuer le taux mondial de mortalité maternelle au-dessous de 70 pour 100.000 naissances vivantes d’ici 2030. Le Maroc a fait des efforts soutenus pour réduire son ratio de mortalité maternelle afin d’atteindre 72.6 décès pour 100.000 naissances vivantes en 2018. Nous pouvons dire que le Maroc est sur la bonne voie s’il maintient ses efforts de prévention et de lutte contre la mortalité maternelle évitable. Néanmoins, la femme enceinte du milieu rural reste plus que deux fois exposée au décès maternel puisque le ratio de mortalité est de 111.1 contre 44.6 décès pour cent mille naissances vivantes en milieu urbain.Est-ce que les femmes professionnelles de la santé sont également victimes de discriminations ?
La discrimination dans le secteur de la santé est un phénomène largement répandu dans le monde, et qui se présente sous des formes très diverses, dont le fameux «plafond de verre». Selon le rapport sur la démographie médicale et paramédicale à l’horizon 2025 du ministère de la Santé, l’analyse de la structure par sexe montre que 60% des médecins sont du sexe masculin. La tendance s’inverse dans la profession paramédicale puisque sur 10 infirmiers exerçant dans le secteur public, six sont de sexe féminin. Nous pensons qu’il faut encourager les professionnels et les gestionnaires de sexe féminin à se présenter pour des postes de responsabilités, qui restent l’apanage des hommes.Selon vous, que doivent faire les États pour réduire les inégalités dans le domaine de la santé ?
L’action prioritaire des pays doit être d’instaurer la Couverture santé universelle, afin d’assurer l’accès à des soins de santé équitable pour tous et ne laisser personne pour compte. Dans le paquet de services offert à la population, les besoins spécifiques des femmes et des filles doivent être considérés avec attention. Par ailleurs, il faut agir sur les déterminants de la pauvreté, de l’analphabétisme, et toutes les discriminations liées au genre, qui affectent la santé des femmes. Il est impératif de continuer à récolter des informations qui mettent en évidence la situation de santé des femmes et des filles, non seulement leur santé sexuelle et reproductive mais les autres aspects de leur santé physique et mentale. Il faut mener des études qui nous éclairent sur les déterminants et les comportements qui favorisent la discrimination des femmes face à la santé, afin de pouvoir agir en finesse et en profondeur. m