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Droit des salariés et survie de l’entreprise : l’équilibre difficile

En juillet 2020, le Maroc avait enregistré près de 680.000 pertes d’emploi, le taux de chômage, lui, passerait donc à 15%. Et si la situation se dégrade encore, on pourra atteindre 1 million d’emplois détruits et un taux de chômage de 18%. Ces constats, révélés par Hicham Zouanat dans L’Info en Face, font froid au dos et laissent présager une situation compliquée pour l’emploi pour les prochains mois.

Droit des salariés et survie de l’entreprise : l’équilibre difficile
Hicham Zouanat était l’invité de Rachid Hallaouy dans L’Info en Face éco du jeudi 1er octobre.

Le président de la Commission sociale de la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM), Hicham Zouanat, était l’invité de L’Info en Face, jeudi dernier, pour débattre de l’impact de la crise sanitaire sur l’emploi et des pistes à creuser pour rééquilibrer une situation de plus en plus inquiétante. Au-delà des chiffres, l’invité de Rachid Hallaouy pousse le bouchon plus loin et évoque un autre indicateur tout aussi important et qu’il faut surveiller de près. 
Il s’agit du taux d’emploi, soit la proportion de personnes disposant d’un emploi parmi celles en âge de travailler. Ce taux qui reflète en effet la capacité d’une économie à utiliser ses ressources humaines, ne cesse lui aussi de se dégrader au Maroc. C’est dire l’ampleur de la crise que traverse le Maroc et l’urgence de prendre les mesures nécessaires pour y faire face. «La CGEM a œuvré, depuis le mois de mars, à la réactivation du dialogue social avec le gouvernement. Malheureusement, nous n’avons eu que deux réunions pour tenter d’atténuer les effets de la crise. Je rappelle que la confédération est membre du comité de veille économique et a défendu de nombreuses mesures sociales pour la sauvegarde de l’emploi», indique-t-il. Sur le court terme, quelles sont les masures à prendre pour sauver les 300.000 emplois qui, selon les pronostics, seront perdus d’ici la fin de l’année ? À cette question, M. Zouanat répond sans détour : «Le seul driver pour une reprise de l’emploi sont les carnets de commandes, et rien d’autre». Et de poursuivre : «Il y a aussi la manière dont l’État va distiller les investissements publics pour réactiver les cycles d’exploitation permettant aux entreprises de sauvegarder l’emploi». Ce processus peut se faire selon une approche sectorielle à l’instar du contrat-programme passé avec le secteur du tourisme, explique l’invité de L’Info en Face. Il appelle également à agir sur la demande pour en faire un levier de croissance, maintenir les indemnités Covid, soulager l’aspect fiscal de l’impôt sur le revenu et, notamment, la défiscalisation des frais de scolarité.
En attendant que les choses s’arrangent, la réalité est là avec les pertes d’emplois déjà effectifs et des plans sociaux dans le pipe de plusieurs entreprises. Mais, avant d’arriver aux plans sociaux et au licenciement économique, M. Zouanat note que les entreprises ont actionné un certain nombre de dispositions prévues par le Code de travail pour sauver les emplois. Il en cite d’ailleurs la réduction du nombre des intérims, meilleure gestion des congés, une répartition de la durée annuelle globale de travail ou encore la réduction du temps de travail. Des mesures qu’il faut saluer, selon le président de la commission sociale à la CGEM. Ces mesures prévues par la législation ont été bénéfiques, mais ce qui a moins marché, d’après lui, ce sont les articles 186 et 66 et suivants. Pour le premier, l’expert pointe du doigt la mesure prévue en cas de non-accord avec les partenaires sociaux, dans une durée de 2 mois, de recourir à l’autorité locale, en l’occurrence le gouverneur, pour autoriser la réduction du temps de travail. Le deuxième, article 66 et suivant, relatif au licenciement économique, «n’a pas fonctionné aussi et la preuve c’est qu’à ce jour, cette autorisation n’a été accordée à aucune entreprise depuis 2004, sauf maintenant à RAM», note M. Zouanate. Et d’insister que cet article, qui existe dans nos textes depuis 80 ans, n’a été utilisé qu’une fois. «Au nom de quoi, une administration territoriale peut décider de la survie ou pas d’une entreprise ?», s’interroge l’invité en allant même jusqu’à dire que cette disposition serait en contradiction avec le principe de liberté d’entreprendre prévu par la Constitution. C’est une singularité marocaine que M. Zouanat déplore et dit avoir souhaité qu’elle soit au moins exigée au-delà d’un seuil donné, «là, on voit bien que c’est une procédure qui ne marche pas et qui ne résout pas les problèmes de l’entreprise qui, en cas de refus, se retrouve en faillite et donc ce sont tous les emplois qui sont détruits», s’écrie-t-il. Mais, par ailleurs, M. Zouanat indique que les entreprises se sont serré la ceinture et essayent de minimiser la casse et de recourir à des ruptures conventionnelles des emplois, individuelles ou collectives, coûteuses certes, mais cela permet aux entreprises de se restructurer. D’autres ont cependant été contraints, pour manque de budget, de procéder à des licenciements qui seront qualifiés d’abusifs.
En somme, le responsable appelle à trouver un équilibre entre la préservation des droits des travailleurs et les difficultés des entreprises pour maintenir les emplois. 
«Une réorganisation de l’entreprise, même dure en termes de réduction de postes de travail, permet à l’entreprise de rebondir et d’en sauvegarder d’autres», indique l’invité de L’Info en Face. Reste donc à trouver cet équilibre fragile à cette équation à double peine pour le salarié et l’employeur. 

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