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El Jadida : Al Masjid Al Atiq de la Cité portugaise, un édifice de culte et de culture

Vieille de plus de 197 ans et située à l’intérieur du tissu urbain colonial dressé entre 1514 et 1548 dans la Cité portugaise d’El Jadida, la mosquée «Al Masjid Al Atiq» a su se préserver et garder son authenticité et n’a été que très légèrement modifiée. En effet, depuis sa construction, ni les piliers ni les murs n’ont subi de changements. Seules la toiture et les ouvertures murales ont été rénovées. Cette mosquée a été un haut lieu de diffusion de la culture musulmane, d’enseignement du Saint Coran et du Fiqh et Hadith, de médiation, d’arbitrage et de réconciliation.

El Jadida : Al Masjid Al Atiq de la Cité portugaise, un édifice de culte et de culture

La mosquée Al Masjid Al Atiq est la plus ancienne des mosquées de la ville d’El-Jadida et la plus importante pour la ville de Mazagan, vu son ancienneté et son implication dans la vie de la Cité portugaise. Située entre la Citerne portugaise, l’église Notre Dame de l’assomption et la Zaouïa Tijania, au sud-ouest de l’entrée principale de la Cité, la mosquée est un édifice presque rectangulaire soutenu par plusieurs travées munies de puissants contreforts. 
On avance vers la mosquée à partir d’une large place pour arriver à sa porte principale et la salle extérieure d’ablutions et latrines jouxtant le grand minaret. L’intérieur de la mosquée est de toute beauté avec de nombreuses et très belles voûtes à muqarnas, sa luminosité avec ses fenêtres supérieures colorées à l’ancienne pour faire entrer la lumière, son merveilleux minbar, son gracieux mihrab et de beaux lustres à l’antique. Une partie du toit est en tuiles vertes, ce qui rend l’édifice très pittoresque. Un grand minaret simple et beau le surplombe la mosquée et se détache sur un ciel bleu. Il existait aussi, jusqu’aux années 1970, une école coranique (msid), qui était accolée à la mosquée, vers laquelle affluaient de nombreux gamins afin d’y apprendre le Coran, la langue arabe, le calcul... 

Conjoncture et origines
Après le départ des Portugais en 1769 et l’abandon qui s’ensuivit, la forteresse fut repeuplée, les juifs prirent soin de réserver bon nombre de parcelles pour édifier des synagogues et les Européens exploitèrent trois bâtisses comme édifices chrétiens qui seront leurs futures églises (française, espagnole et anglaise). Il n’en fut pas de même pour la religion musulmane. Conséquemment à cet affront, ou à l’oubli volontaire, la population mazaganaise musulmane a décidé de réagir en exigeant des autorités que le culte musulman y soit également représenté au sein du Mellah. Une pétition est alors signée le 15 décembre 1822 et envoyée aux autorités afin de faire valoir les droits religieux de la communauté musulmane. Et, suite à l’ordre donné par le Sultan alaouite Moulay Abderrahmane Ben Hicham, leurs doléances sont finalement acceptées. L’édification a pris du retard à cause de la difficulté du choix du terrain. Finalement, une parcelle du terrain du makhzen, exploitée comme écurie par l’Amine d’El Marsa, Hadj Mohamed Berrihi, a été désignée, et ce sur ordre du Sultan qui a sommé les grands commerçants musulmans de Mazagan de financer la construction de cette mosquée.
L’on tomba alors d’accord pour que le mâallem Abderrahmane Ben El Hachmi Ennassiri supervise les travaux de construction. Celui-ci s’inspira d’anciennes mosquées d’Azemmour, Rabat, Fès… Avant cette année, la population s’acquittait des devoirs de la prière dans des «nouala» (hutte), des tentes ou des pièces isolées près des marabouts.

La tour de guet transformée en minaret…
Couvrant une superficie de 1.200 m², cette œuvre architecturale toujours opérationnelle, au style mauresque, a nécessité, pour sa construction, des matériaux du terroir et de la pierre taillée. Outre son architecture particulière, Al Masjid Al Atiq est célèbre pour son minaret actuel. Ce minaret, qui de forme pentagonale, est l’ancienne tour de guet qui a été transformée en minaret en 1880 sur ordre du Sultan Moulay Hassan 1er. Dans ce contexte, l’historien Ennaciri, désigné Amine de la Douane d’El-Jadida de 1880 à 1882, nous rapporte, dans son ouvrage «Kitab Al Istiqsa…», qu’en 1880, le Pacha de la ville, Mohamed Ben Driss El Jirari, demanda au Sultan Moulay Al Hassan sa permission pour transformer l’ancienne tour portugaise (tour de guet), nommée «Tore do Ribate» (Tour du Ribate), construit en 1514, en minaret de la mosquée du Mellah, et ce en l’an 1297 de l’Hégire (correspondant à 1880 du calendrier grégorien). Car les gens n’arrivaient pas à entendre l’appel à la prière (Al-Adhane) de l’ancien minaret peu élevé qui existe toujours au sud de la mosquée. La conservation de la forme atypique de l’ancienne tour a donné un minaret de forme unique au monde. Car il présente un aspect assez particulier : sa forme diffère du style architectural maghrébin (forme carrée), et la vue sous différents angles permet bien de distinguer qu’il possède une forme géométrique irrégulière, il n’a pas une forme cylindrique, mais il paraît qu’il a une forme pentagonale.

Une sacrée épopée !
La mosquée du Mellah fut inaugurée le 20 Chaâbane 1238 (2 mai 1823). C’est Fkih Hadj Lahcen Ben Ahmed Soussi (enterré au cimetière Sidi Ahmed Annkhal), «Taleb» et enseignant du Coran, qui en fut désigné premier imam. Ce jour-là, à la ferveur de l’inauguration, dans la gaîté et la piété, la population mazaganaise y assista majoritairement. Depuis lors, la religion musulmane ainsi enthousiasmée et élevée, les prières quotidiennes débutèrent dans le nouvel édifice et toutes les fêtes religieuses y furent célébrées. Les fidèles étaient de plus en plus nombreux. Quand Fkih Hadj Lahcen Ben Ahmed Soussi disparut, une lignée de plusieurs imams, aussi illustres les uns que les autres, y tinrent le Mihrab tels Si Ali Ben Tahar El Bouâzizi, Abderrahmane Ben Brahim Chtouki, Abdelâziz Ben Tounsi, Hadj Mohammed Ben Bouchaïb Serghini, Ahmed Ben Toumia…
Parallèlement, plusieurs imams se succédèrent à la mosquée de Mazagan pour y tenir des prêches et prodiguer la bonne parole tels que Hadj Ahmed Ben Salah El Hassani El Idrissi Al Jadidi (connu sous le nom de Sidi Ahmed Annkhal), Abou Chouâïb Ben Mohammed Ben Zaïd Doukkali, Ahmed Tibari, Sidi Saïd Ben Ahmed (connu sous le nom de Ben Lhaïba Doukkali Bouâzizi), Moulay Ahmed Ben Sidi Mohammed El Bahyaoui Sdaiki, Mohammed Rafii Doukkali, Sidi Mohammed Ben Driss Ben Mohammed Kadiri, Hadj Driss Ben El Mokhtar Tachfini, Mohammed Ben Ahmed El Hattab Doukkali El Farji, Abderrahmane Abou El Fath Chtouki…
Toutes ces figures religieuses, très connues et très estimées à El-Jadida, feront briller de leur aura et de leur érudition Jamaâ El Mellah ainsi que la mosquée Belhamdounia. Leur parcours religieux particulier qui était aussi consacré à l’instruction de leurs concitoyens fut également d’un grand apport à la cause nationale. La mosquée devint, ainsi, à l’époque de l’exil de Feu S.M. le Roi Mohammed V et de Son Auguste Famille, symbole à la fois de nationalisme, de patriotisme, de recueillement et de piété.

Restauration et aménagement
L’architecture arabo-musulmane de ce prestigieux édifice, la multiplicité des colonnes et des arcs lui confèrent un style propre aux vieilles mosquées du Royaume. Depuis sa construction, ni les piliers ni les murs n’ont subi de changements. Mais il a connu plusieurs travaux d’agrandissement et de restauration, dont la première extension effectuée à partir de 1875, sur ordre du Sultan Moulay El Hassan Ier, et les travaux de réaménagement et de réhabilitation effectués en 1996, sur initiative de l’ex-gouverneur d’El-Jadida, Ahmed Arafa. De même, un espace aménagé a été dédié aux femmes. L’histoire de cet édifice religieux reste aussi marquée par la visite du Sultan Moulay El Hassan Ier en 1875 et de Feu S.M. le Roi Mohammed V, en 1936.
La mosquée du Mellah, la toute première à Mazagan-El-Jadida, est un espace de culte, de culture et d’enseignement coranique très prisé par les fidèles. Son histoire est intimement liée à celle de Mazagan, les fidèles la nommèrent «la grande mosquée» jusqu’à son baptême «Al Masjid Al Atiq», après la construction de la mosquée Belhamdounia «Al Masjid Al Âadam» en 1831 (1246 de l’Hégire), sur initiative du caïd Hadj El Hachmi Ben Laâroussi Lahlali Doukkali. 
Chaque vendredi après la prière, des séances de rencontres étaient consacrées à la médiation, à l’arbitrage et à la réconciliation entre les membres d’une même famille, des conjoints ou des personnes en conflit pour régler leurs différends.

Cohabitation interreligieuse 
Nombreux sont les acteurs associatifs qui suggèrent à la Direction provinciale de la culture d’inclure Al Masjid Al Atiq du Mellah dans la liste des biens culturels d’El-Jadida. Car cette mosquée a une grande valeur symbolique pour les fils de Mazagan et leur mémoire collective. Lieu de prière et de rassemblement, elle a souvent constitué le point de départ de manifestations populaires pendant la lutte contre le colonialisme. 
Il est à signaler que dans la vieille ville de Mazagan (la Cité portugaise ou le Mellah), mosquée, zaouïas, synagogue et église se côtoient et témoignent de la diversité religieuse qui caractérise le Maroc et l’esprit d’ouverture et de dialogue entre les communautés. El-Jadida a toujours démontré dans le passé une magnifique tolérance des cultes et une fabuleuse cohabitation.
Parmi les monuments religieux les plus remarquables de la vieille ville de Mazagan figurent également la Zaouïa Tijania, la Zaouïa Kadiria, la Zaouïa Aïssaouia, la Zaouïa Hamdouchia, l’église Notre Dame de l’assomption (actuel Théâtre de la Cité portugaise), la synagogue Ben Shimon Amiel (actuellement l’entrée et les fenêtres sont murées) et l’église espagnole Saint Antoine de Padoue (actuel hôtel L’Iglesia). 

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