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Entreprises vs Covid-19 : Quelle place pour le bien-être des collaborateurs ?

D’aucuns trouveraient presque indécent de soulever la question du bien-être au travail alors que les entreprises sont engagées dans une lutte sans merci contre cette crise subite et implacable qui s’est abattue sur le monde entier. Sauf qu’une telle lutte ne peut être menée ni gagnée sans l’adhésion des principaux concernés, à savoir les femmes et les hommes qui composent l’entreprise. Du coup, celle-ci est aujourd’hui plus que jamais appelée à montrer son visage humain et à appréhender le bien-être des employés en tant que fil conducteur qui guidera la mise en place de ces nouveaux modes de management et d’organisation de travail qui lui ont été imposés par la crise.

Entreprises vs Covid-19 : Quelle place pour le bien-être des collaborateurs ?

La crise sanitaire inédite du Covid-19 et les mesures de confinement déployées par les gouvernements ont pris de court plusieurs milliers d’entreprises à travers le monde, faisant fléchir un bon nombre d’entre elles. Celles qui ont pu tenir le coup se sont retrouvées du jour au lendemain dans l’obligation d’intégrer rapidement de nouveaux modes de travail et de management pour pouvoir assurer la continuité de leurs activités. Au Maroc où les mesures de distanciation sociale ont été mises en place sans délai, les entreprises n’ont eu que peu de temps pour réagir alors même qu’elles étaient mal préparées à affronter ce genre de situation. Leurs collaborateurs aussi. Car, il ne faut pas l’oublier, au milieu de tous ces chamboulements se pose avec plus d’acuité la question du bien-être des collaborateurs.
Ce sujet a été au centre des débats lors d’un webinar organisé, jeudi dernier, par l’Association des gestionnaires et formateurs des ressources humaines (AGEF) et Africa Business School. L’évènement a permis d’apporter quelques éléments de réponse à la question soumise au débat, à savoir «Quels modes de management et d’organisation de travail pour le bien-être des collaborateurs durant la crise du Covid-19 ?»
«Personne n’a été préparé à cette crise, que ce soit à l’échelle de l’individu, des entreprises ou des gouvernements. Chacun a essayé de gérer au mieux cette période au fur et à mesure», a souligné Naoual Zine, DG Reminex, la filiale ingénierie et R&D du groupe minier Managem.
Mais n’empêche qu’elle a démontré la forte capacité du Maroc et de ses entreprises en matière d’agilité et d’adaptabilité dans la gestion de la crise, comme l’a relevé Mohamed Soussi, directeur exécutif en charge du capital humain Groupe chez Attijariwafa bank.
En effet, la riposte des entreprises s’est organisée assez rapidement et a donné lieu à de nouveaux modes d’organisation de travail et de nouveaux modes de management. Mais aujourd’hui, le temps n’est plus à la réactivité seule. «À ce stade de la crise, l’entreprise et ses collaborateurs doivent sortir de ce cycle de réactivité pour passer à un cycle de proactivité et préparer le monde de demain», a affirmé Naoual Zine. Et pour réussir cette mutation, a-t-elle ajouté, l’entreprise doit miser sur le bien-être de ses collaborateurs et opter pour le «management de cœur». «On ne peut pas affronter le monde de demain si l’entreprise ne dispose pas d’un actif humain solide, motivé, engagé et surtout innovant», a-t-elle plaidé.
À ce titre, elle a invité les dirigeants à être vigilants quant aux décisions prises dans le cadre de cette transformation forcée, et qui pourraient avoir des effets non désirables lors de la phase post-coronavirus. «Il faut faire attention à toutes les décisions qui sont prises actuellement sur le court terme et évaluer leur impact sur la période post-Covid-19. C’est durant cette phase que l’entreprise aura besoin de toutes ses forces pour assurer sa pérennité», a-t-elle averti.
Mais pour Mohamed Soussi, parler de bien-être au travail en ces temps de crise est quasiment un luxe. «Nous sommes dans une phase où l’on doit plus assurer la continuité des emplois et la sécurité des salariés, en plus de réfléchir, d’un point de vue à la fois global et stratégique, sur les voies de développement et de sortie de cette crise», a-t-il signalé.
Il a toutefois admis que l’entreprise, dans le cadre des moyens à mettre en place pour faire face aux crises, doit reposer ses actions sur un socle de valeurs permettant de donner du sens à ce que fait chaque employé. «C’est sur ce socle que s’appuient aujourd’hui les entreprises pour mobiliser et motiver leurs collaborateurs», a-t-il ajouté.
L’expert en gestion des ressources humaines a également mis en avant les vertus de la communication en temps de crise. «L’entreprise doit communiquer et surtout rassurer. Mais reste que chaque collaborateur réagit différemment face aux situations de stress et de crise en fonction de sa personnalité et de son expérience», a-t-il tempéré.
À ce sujet, la psychologue de travail Ghita Msefer a indiqué que dans ce contexte, les collaborateurs se posent beaucoup de questions et sont en mal de repères dans ce monde plein d’incertitudes. De plus, le confinement peut avoir un impact négatif sur leur bien-être psychologique à différents degrés, et ce, en raison des souffrances qui peuvent en découler telles que celles liées au sentiment d’isolement d’un collectif et aux conflits exacerbés au sein des familles. De même pour les collaborateurs qui sont obligés de travailler sur sites et qui redoutent, entre autres, la contamination pour eux et pour leurs familles.
D’où la nécessité de donner du sens aux collaborateurs par rapport à leur valeur ajoutée et leur importance dans l’écosystème global. «Il faut donner du sens à ceux qui travaillent sans répit dans le cadre du plan de continuité d’activité depuis le déclenchement de cette crise, et même à ceux qui ont été mis en congé», a noté Mohamed Soussi.
L’empathie est une autre valeur qui a été mise en avant par Mohamed Bachiri, DG de Somaca et vice-président de la CGEM. «L’empathie est très importante dans ce contexte. Il faut que le management fasse le maximum pour pouvoir aider les salariés à dépasser cette période difficile. Il y a des entreprises à l’arrêt qui ont assuré 100% des salaires à leurs employés et il faut les saluer et les féliciter. C’est dans les moments de crise qu’on voit réellement les valeurs et l’ADN de l’entreprise. Un tel geste ne pourra que renforcer les liens et le sentiment d’appartenance des salariés vis-à-vis de leur employeur», 
a-t-il affirmé.
Le bien-être des collaborateurs, a-t-il poursuivi, est lié au stress suscité par trois principaux éléments, à savoir les salaires qui constituent le principal souci des employés, la durée de la crise et la sécurité sanitaire face au risque de contamination. Répondre aux problématiques relatives à ces trois aspects est la clé pour garantir le bien-être des collaborateurs.

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Déclarations

Mohamed Soussi, directeur exécutif en charge du capital humain Groupe à Attijariwafa bank
«Les entreprises qui vont sortir renforcées de cette crise sont celles qui ont investi dans le management de la confiance»

«Les entreprises ont été amenées à s’adapter pour continuer d’exister pendant les dernières semaines. Pour cela, les modes de management ont été revus et c’est l’efficacité qui a été le maître mot de l’ensemble des décisions prises. Parmi les tendances managériales qu’on a pu observer durant cette période figure la réduction des échelles de décision au niveau des entreprises. En effet, dès l’apparition de la crise, les cercles de décision ont été revus et la tendance a été de responsabiliser les experts chacun dans son domaine. Ainsi, la plupart des entreprises qui ont continué durant cette période à gérer la crise se sont focalisées sur la responsabilisation des managers et ont donné suffisamment d’autonomie aux experts et aux équipes qui sont sur le terrain pour pouvoir définir les stratégies tactiques opérationnelles, les soumettre à validation sur des circuits extrêmement courts et faire preuve d’autonomie principalement pour transformer et adapter en continu. À mon avis, les entreprises qui vont sortir renforcées de cette crise sont celles qui ont bâti et investi dans la confiance et le management de la confiance. Car, faut-il le préciser, responsabiliser les équipes, c’est leur donner l’opportunité d’innover, mais avec le droit à l’erreur qui permet de créer différemment. Pour conclure, on peut dire que la crise a constitué un test réel pour les entreprises par rapport à ce qu’elles ont bâti jusqu’à aujourd’hui. Celles qui ont anticipé en investissant en la formation et le développement des compétences des managers pour qu’ils soient en situation d’autonomie et de gestion par la responsabilité réussissent la gestion de cette crise.»

Naoual Zine, DG de Reminex, Groupe Managem
«Il faut miser sur la force de l’individu et la puissance du collectif pour pouvoir faire face à l’après Covid-19»

«La crise actuelle nous permet de tirer plusieurs enseignements et d’identifier plusieurs bonnes pratiques qu’on devrait perpétuer pour faire face aux challenges de l’après Covid-19. Il y a, à mon sens, trois bonnes pratiques majeures qui permettront aux entreprises de faire face au monde de demain, à savoir miser à la fois sur la force de l’individu, sur la puissance du collectif et sur les moyens qui peuvent nous permettre d’accélérer tous les changements.  La première bonne pratique, adoptée par obligation et pour les postes qui s’y prêtent, est le télétravail. Ce mode d’organisation, qui offre plusieurs avantages aussi bien aux collaborateurs qu’à l’entreprise, nécessite la mise en place d’un mode de management à distance, lequel implique de prendre en considération plusieurs dimensions. D’abord, instaurer le management par objectifs, responsabiliser les collaborateurs et converger vers un management par la confiance et par le résultat. Ensuite, il faut assurer un feed-back régulier et mettre en place un canal de communication dans un contexte d’éloignement physique. Puis exprimer la reconnaissance pour encourager les collaborateurs et les engager dans la durée. Toutes ces dimensions vont nous permettre de miser davantage sur la force de l’individu et réussir cette bonne pratique de management à distance que d’autres pays ont bien installée. La deuxième bonne pratique implique de passer de l’efficacité à l’efficience de l’organisation. L’organisation pyramidale doit s’effacer pour laisser place au management de l’exigence et de la bienveillance. Bref, pour affronter le nouveau monde qui se profile, il faut une réingénierie des organisations pour converger vers une organisation matricielle qui met en avant l’intelligence collective. La troisième bonne pratique n’est autre que la digitalisation comme accélérateur de changement. D’ailleurs, la crise nous a largement démontré le mérite de la transformation digitale accélérée». 

Mohamed Bachiri, DG de Somaca et vice-président de la CGEM
«Les relations humaines et sociales au sein de l’entreprise sont un élément-clé pour la réussite de la phase post-Covid-19»

«Cette crise va nous obliger à revoir beaucoup de choses au niveau de la gestion du business. Il y aura probablement des entreprises qui vont fermer, mais il y aura également beaucoup d’entreprises qui vont être créées dans d’autres métiers que nous n’avons pas encore. Aujourd’hui, avec le contexte économique que nous vivons, une reprise des activités s’impose, mais doit se faire dans le respect des règles et des protocoles sanitaires mis en place. Je pense que ce qui peut faire la différence aussi bien aujourd’hui que durant la phase post-Covid-19, c’est la rigueur dans l’application de ces règles et l’exemplarité du management au quotidien pour veiller au respect des règles et à leur application. L’après Covid-19 se prépare aujourd’hui. Pour cela, il y a un élément très important qui interviendra dans la réussite de cette phase, à savoir les relations humaines et sociales au sein de l’entreprise. Je pense que les entreprises qui auront réussi à gérer au mieux cette phase de confinement en soutenant leurs collaborateurs auront marqué des points très importants pour l’après Covid-19, notamment en termes de sentiment d’appartenance, de politique sociale, de relations humaines et de niveau d’engagement des collaborateurs. Et ça, ça n’a pas de prix !»

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