Longeant l’océan atlantique, la province de Kénitra dispose de près de 75 kilomètres de côte aux grandes étendues sablonneuses. Ce patrimoine écologique est soumis à des changements anthropiques rapides et dramatiques. Cette déplorable situation est le résultat de plusieurs facteurs et certains experts mettent en avant deux causes principales : la surexploitation au niveau des carrières de sable et les multiples opérations de dragage.
Grande militante écologique et présidente de l’Association marocaine pour la protection du littoral et le développement durable (AMPLDD), Pr Aïcha Ben Mohammadi de l’Université Ibn Tofaïl tire la sonnette d’alarme. Ses propos ne souffrent d’aucune ambiguïté : «Vider les plages de leur corps sableux est un acte préjudiciable au maintien des équilibres morphologiques de toute la dynamique littorale, et les effets de ces extractions risquent d’avoir des conséquences plus dommageables encore, car ils vont se combiner avec le mouvement de la remontée du niveau de la mer et l’exaspération des érosions portées à leur paroxysme».
Selon elle, la préoccupation environnementale n’est pas un luxe dans le cadre d’un nouveau modèle de développement où convergent la compétitivité, la bonne gouvernance et la durabilité. Elle estime que le repos écologique forcée de la nature en général, et de Mehdia en particulier pendant la crise du Covid-19, ne doit pas être contrebalancée par un nouveau massacre, qu’elle considère comme prévisible. Aïcha Ben Mohammadi a, en outre, émis l’espoir que les citoyens et les départements concernés tirent les leçons qui s’imposent de cette crise pandémique et s’érigeront en véritables protecteurs de l’environnement.
À noter que la plage de Mehdia et son milieu aquatique connaissent, depuis plusieurs décennies et jusqu’en 2013, des opérations outrancières de dragage d’exploitation. Le préambule de la loi 27-13 a, semble-t-il, mis fin à cette situation préjudiciable et reconnaît de manière explicite que «les modes d’exploitation et l’émergence de carrières informelles, ainsi que le pillage du sable des dunes côtières et des plages et l’inefficacité du contrôle a entraîné des effets négatifs sur la population, l’environnement naturel, les infrastructures et les revenus financiers».
Cette loi a été adoptée par les deux Chambres du Parlement et promulguée par sa publication au Bulletin officiel. (BO N° 6422 du 17-12-2015). Cependant, comme le révèle la présidente de l’AMPLDD, l’article 2 de la loi précitée ne soumet pas le dragage d’entretien à ses dispositions et l’article 20 précise que «pour les carrières en milieu aquatique marin, le dragage d’exploitation est interdit dans des profondeurs inférieures à celles fixées par l’étude d’impact sur l’environnement ou par d’autres études techniques, sans, toutefois, que la profondeur du dragage d’exploitation ne puisse être inférieure à vingt mètres (20 m) à compter du zéro hydrographique».
Les militants de la cause écologique au niveau de la capitale du Gharb craignent que le dragage d’entretien, par le recours à des subterfuges, ne se transforme en dragage d’exploitation aux conséquences catastrophiques sur le milieu marin. N’a-t-on pas dit : «Chassez le naturel, il revient au galop» ?
On ne cessera jamais de le rappeler : l’extraction anarchique du sable dans les fonds marins porte préjudice à la biodiversité et aux écosystèmes marins et gêne la libre circulation des sédiments pour l’approvisionnement normal des plages et des dunes bordières. La plage de Mehdia en est, malheureusement, l’illustration parfaite !