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Pandémie du coronavirus : Le détail du plan de riposte du ministère de l’Éducation nationale

Comment le ministère de l’Éducation nationale, de la formation professionnelle, de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique a préparé son plan de riposte à la pandémie du coronavirus ? Dans quelles conditions ont été préparés les contenus pédagogiques ? Comment cette crise sanitaire a accéléré la mise en place du e-learning comme un des axes majeurs de la réforme du système d’enseignement ? La première partie de notre entretien exclusif avec Saaid Amzazi apporte les éléments de réponses. La deuxième partie qui sera publiée dans notre édition de demain jette la lumière sur d’autres aspects de la stratégie du ministère pour assurer la continuité des cours en période de pandémie.

Pandémie du coronavirus : Le détail du plan de riposte du ministère de l’Éducation nationale

Le Matin : Depuis le début de la crise, vous vous êtes mobilisés pour assurer le suivi des cours à distance. Comment avez-vous géré cette phase de transition brusque ?

Saaïd Amzazi :
Dans le cadre des mesures préventives prises afin de limiter la progression de la pandémie du coronavirus, le Maroc a décidé au moment opportun et de manière précoce la suspension des enseignements dès le vendredi 13 mars. Une décision qui a également été adoptée par la majorité des pays atteints à travers le monde.  Tous les niveaux d’enseignement et de formation sont concernés ainsi que toutes les catégories d’établissements : primaire, secondaire, supérieur et formation professionnelle, public et privé, établissements étrangers, centres de langues et de soutien scolaire…

Le soir même du 13 mars, et durant tout le weekend suivant, le ministère était à pied d’œuvre avec un objectif de première nécessité : assurer coûte que coûte la continuité pédagogique des enseignements dès le lundi 16 mars. Les enregistrements des cours par les enseignants ont donc débuté à une cadence très soutenue, afin de mettre en place un enseignement à distance généralisé comme alternative circonstancielle à l’enseignement en présentiel. À cet effet, je tiens à saluer la mobilisation inconditionnelle et exemplaire dont ont fait preuve les nombreux enseignants, inspecteurs, responsables pédagogiques et administratifs qui ont contribué à cette opération, ainsi que les cadres du ministère qui ont répondu avec un professionnalisme hors pair à ce défi qui devait être relevé dans la plus grande urgence. Il faut noter qu’au niveau du primaire et du secondaire, près de 75% des enseignements de l’année avaient déjà été effectués avant l’annonce même de la suspension des enseignements, et que donc nos efforts d’enseignement à distance devaient se concentrer sur les 25% restants des programmes, soit environ une dizaine de semaines de cours. 

Dans l’élaboration des contenus mis à disposition des élèves, nous avons accordé la priorité, lors des premiers jours, aux niveaux certificatifs, sanctionnés par des examens nationaux, régionaux et provinciaux ; c’est-à-dire les niveaux de sixième année du primaire, de troisième année du collège, et les deux années du baccalauréat. Nous avons donc réussi dès le lundi 16 mars, pour les niveaux certificatifs, à lancer la plateforme «Telmidtice», avec déjà plus de 600 contenus disponibles, et dans la même journée la chaine Attaqafia débutait la retransmission des cours filmés. Dans une deuxième phase, nous avons ciblé la production de contenus pour les autres niveaux scolaires, en répartissant la responsabilité de chaque niveau scolaire entre les différentes AREF (Académie régionale d’éducation et de formation) et Directions provinciales, afin que très vite, la plateforme «Telmidtice» couvre tous les niveaux du primaire et du secondaire. Aujourd’hui, elle continue d’être quotidiennement enrichie au rythme de la production de nouveaux supports par les enseignants.

Je ne peux dans ce cadre omettre de remercier le ministère de l’Industrie, du commerce, de l’économie verte et du numérique, qui possède la tutelle des opérateurs télécoms, d’avoir accordé la gratuité d’accès à tous nos sites d’enseignement à distance. Pour les contenus disponibles sur YouTube, canal généraliste, la gratuité n’était pas envisageable.

Toutefois, dans un esprit de généralisation de l’enseignement à distance mis en place suite à la suspension des enseignements, il nous fallait impérativement nous assurer, dans notre approche, de la disponibilité des contenus pédagogiques élaborés pour tous les élèves marocains, y compris ceux du rural, qui ne disposent pas toujours d’une possibilité d’accès à internet. Aussi, nous avons fait appel à la SNRT afin de mettre également en place une retransmission des cours enregistrés, et je tiens vraiment à citer en exemple cette institution qui a totalement adhéré à notre projet en permettant la diffusion des enseignements sur la quatrième chaîne Attaqafia de 8 h 30 à 23 h, mais aussi en mettant à notre disposition son matériel et ses techniciens afin d’effectuer les enregistrements dont nous avions besoin. Nous avons également pu bénéficier de créneaux de retransmission sur deux autres chaînes nationales : Laâyoune de 8 h 30 à 19 h et Amazighia de 8 h 30 à 12 h, afin d’être en capacité de retransmettre les contenus de tous les niveaux du primaire et du secondaire. Sur un tout autre plan, concernant l’enseignement supérieur, les universités, plus rompues au e-learning, ont très vite réagi à l’arrêt des cours en présentiel et chacun de leurs établissements, en fonction de ses moyens et de ses spécificités, veille continuellement à mettre à disposition des étudiants les différents supports de cours dont ils ont besoin. Ou encore les supports numériques, à travers son site web ou des plateformes e-learning qui permettent en outre des échanges entre enseignants et étudiants. Enfin, en ce qui concerne la formation professionnelle, l’OFPPT a lancé, dès le 19 mars, une plateforme de diffusion des cours, y compris les enseignements pratiques que les stagiaires peuvent visualiser sur des enregistrements de démonstration.

Le e-learning était déjà un axe de la stratégie de réforme de l’enseignement, peut-on qualifier cette situation de pandémie comme un accélérateur de cette stratégie ?

Oui, c’est le moins que l’on puisse dire, comme quoi «à quelque chose malheur est bon». Le e-learning existait déjà au sein de notre système d’éducation et de formation, mais le défi qui s’est très vite posé pour nous dans le cadre de la suspension des enseignements en présentiel imposée par le contexte de pandémie était de le généraliser dans un délai très court. Fort heureusement, nous ne sommes pas partis de zéro, car nous avions déjà cumulé une expertise de plusieurs années en matière de e-learning. C’est ainsi que pour alimenter la plateforme «Telmidtice», nous avons pu sélectionner de nombreux contenus sur la plateforme déjà existante «Taalimtice», riche de plus de 10.000 contenus acquis concernant plusieurs niveaux et plusieurs matières, qui constituent depuis plusieurs années déjà une véritable base de données pour permettre aux enseignants d’élaborer leurs cours. Il faut dire qu’avec la mise en place, il y a quelques années, par le ministère de l’Éducation nationale du programme GENIE de généralisation des technologies d’information et de communication dans l’enseignement, ce sont plus de 85% des établissements qui ont été équipés et connectés à internet, ainsi que 150.000 enseignants qui ont été formés aux outils numériques de bureautique et à l’élaboration de contenus pédagogiques numériques. Un programme qui aura tout de même nécessité un investissement d’un milliard de dirhams sur 14 années, mais qui aura eu le mérite d’initier une véritable émulation des enseignants autour des NTIC, ces derniers ayant multiplié les initiatives louables dans ce cadre afin d’enrichir la base de données nationale de contenus numériques pédagogiques. Au niveau de l‘enseignement supérieur également, les enseignants chercheurs se sont largement approprié le numérique dans le cadre de leurs activités pédagogiques et les établissements les ont accompagnés en veillant à équiper les locaux d’enseignement en vidéoprojecteurs et à mettre à disposition des étudiants les enseignements disponibles en format numérique sur leur site web.

Il faut dire que la loi-cadre 51.17, relative au système d’éducation, de formation et de recherche scientifique, dans son article 33, prône clairement l’institutionnalisation et la généralisation de l’usage du numérique dans les apprentissages. Dans cet esprit, le ministère entend généraliser la formation au numérique des enseignants dès leur recrutement, de sorte que celui-ci devienne pour eux un outil de travail incontournable, et dans l’objectif de leur donner une opportunité d’acquérir une certification en usage des NTIC. Reste toutefois à faciliter l’accessibilité du numérique, équipement et connexion, à l’ensemble des enseignants et des apprenants marocains, ce qui constitue un autre défi à relever pour notre pays. Néanmoins, il faudrait souligner que ces derniers ont déjà bénéficié de plusieurs programmes leur permettant d’acquérir des ordinateurs à des prix très compétitifs, tels que le programme NAFIDA pour les enseignants ou encore le programme INJAZ pour les étudiants de l’enseignement supérieur. Une expérience inédite vient d’être menée par les conseils provinciaux d’Assa-Zag et de Sidi Ifni, qui ont remis des tablettes aux élèves, prioritairement des communes rurales, des niveaux de deuxième année de baccalauréat, de troisième année de collège et de sixième année de primaire, afin de faciliter leur accès à «l’enseignement à distance», une expérience exemplaire que nous pourrions envisager de généraliser dans le cadre d’un partenariat avec le ministère de l’Intérieur et les collectivités territoriales. Il faut également préciser qu’au niveau du monde rural, dans de nombreuses zones inaccessibles au réseau internet, le ministère prend en charge la connexion par satellite afin que les établissements les plus isolés puissent continuer d’accéder aux différentes ressources pédagogiques numériques disponibles. 

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