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«Il est important de venir en aide aux auto-entrepreneurs qui ont choisi de travailler dans le secteur formel»

Présent dans le monde des affaires sur plusieurs fronts, le président de l’Union des auto-entrepreneurs Bidaya, Zakaria Fahim, revient sur les actions menées par les pouvoirs publics pour soutenir l’économie nationale. Il revient également sur les actions à mener par la communauté des entreprises pour être prête à redémarrer une fois cette crise dépassée.

«Il est important de venir en aide aux auto-entrepreneurs qui ont choisi  de travailler dans le secteur formel»

Le Matin : Avec la pandémie du coronavirus, le pays vit une «situation d’exception», avec des mesures d’exception. 
Quelles sont vos appréciations par rapport à ces mesures ?
Zakaria Fahim :
Je puis attirer votre attention sur le fait que le Maroc a engagé, par l’entremise du Comité de veille économique, un soutien à l’économie, bien avant de nombreux pays, y compris la France. La globalisation s’est invitée chez nous et a mis tout le monde au piquet ! C’est une première mondiale, où tout le monde est logé à la même enseigne. Ce qui est sûr, c’est qu’il y a eu une vraie mobilisation qu’il faut saluer, mais qui est certainement à parfaire et à compléter. Les mesures visent 3 objectifs : d’abord, cerner le virus pour le garder sous contrôle, notamment à travers des mesures sanitaires et de confinement. Ensuite, mettre en place un Fonds dédié aux répercussions de la pandémie. Doté d’un milliard de dollars, il continue de recevoir des contributions volontaires, dans un grand élan de solidarité propulsé par l’initiative de S.M. le Roi Mohammed VI. Enfin, il s’agit de doter le ministère de la Santé des moyens financiers nécessaires, notamment le financement de 1.000 lits de réanimation supplémentaires et 550 respirateurs, ainsi que des procédures budgétaires agiles pour accéder à tous les moyens techniques nécessaires à toute éventualité. Des moyens auxquels s’ajoutent ceux des FAR…
Le Comité de veille, coordonné par le ministère en charge de l’Économie et des finances, comprend des représentants du gouvernement et du patronat. En priorité, il entreprend des mesures destinées aux salariés en arrêt de travail. Tous ces salariés affiliés à la CNSS bénéficieront d’une indemnité de 2.000 DH nets, des allocations familiales et de la couverture médicale, ainsi que du report du remboursement des échéances de crédits bancaires (consommation ou logement). Il vise aussi les TPME en difficulté. Ainsi, des mesures transitoires sont adoptées jusqu’à juin 2020, relativement à :
• La suspension des charges sociales.
• La mise en place d’un moratoire pour le remboursement des échéances bancaires et de leasing sans paiement de frais ni de pénalités.
• L’activation d’une ligne supplémentaire de crédit de fonctionnement octroyée par les banques et garantie par l’État, à travers la CCG.
Ceci dit, il est important de venir en aide aux auto-entrepreneurs, ces femmes que nous avons incitées à être dès le début dans le formel et pour lesquelles pour l’instant il n’y a pas de mesures. Il faut corriger cette injustice. Il n’est pas concevable que l’on fasse un point spécifique pour le secteur informel et rien pour ceux qui ont combattu et accepté d’être dans le formel à travers l’auto-entrepreneuriat. Il est aussi important pour les PME que le gouvernement considère le Covid-19 comme un cas de force majeure s’agissant des marchés publics, et ce pour arrêter les délais et surtout le risque de pénalités en cas de dépassement.

Le décret-loi, qui a proclamé l’état d’urgence sanitaire, comporte dans l’une de ses dispositions la suspension, jusqu’au 21 avril, de l’ensemble des délais légaux et réglementaires. Est-ce que c’est une mesure qui est bien accueillie par le monde des affaires ?
Bien entendu, il aurait été difficile qu’il en soit autrement, confinement oblige, d’autant plus que sur ce qui précède, il est question d’aller jusqu’à fin juin 2020 pour les TPME… Nous ne doutons pas que ces délais doivent être étendus à l’ensemble des secteurs qui présenteraient des sinistres prononcés. En effet, toutes nos entreprises ne peuvent pas se prévaloir de moyens alternatifs digitaux conformes à la loi pour tenir leur réunion, comme par exemple les conseils d’administration ou les assemblées générales.

Pensez-vous que ce soit suffisant, étant donné que l’une des mesures prises par le Comité de veille économique donne un délai plus long, jusqu’à fin juin, concernant les échéances fiscales au profit des TPE et PME ayant un chiffre d’affaire de moins de 20 millions de DH ?
Ce n’est jamais assez. Mais dans cette situation de crise – vous constatez avec moi un élan de solidarité nationale –, il est primordial de soutenir l’économie nationale. Tous les moyens qui concourent à cela doivent être mis en œuvre. Plus haut, j’ai fait état des propositions qui ne sont pas encore comprises dans le chantier du CVE. Nos discussions se poursuivent. Nous ne manquerons pas de clarifier et d’apporter les précisions qu’il sied pour tranquilliser les TPE, PME et auto-entrepreneurs. Dans une crise pareille, il est important que la sérénité soit maintenue. Il ne sert à rien de céder à la psychose. Nous allons participer avec notre coalition à travers l’association de l’Union des auto-entreprenurs à une émission radio «Al Mokawil» 3 fois par semaine sur la station MFM pour apporter notre expertise et aussi des outils (formations, mentoring, connexions) pour faire du business à la communauté des entrepreneurs. Nous devons passer du partage d’information au développement du business en leur donnant les armes pour faire de cette crise sanitaire une opportunité. L’objectif est d’être prêt après le confinement pour retrouver nos marchés. Pour notre coalition, ils passeront obligatoirement par une logique de «Compétition».

En tant que président de l’Union des auto-entrepreneurs, pensez-vous qu’il y aura d’autres délais aussi importants qui seront concernés par l’article 6 du décret-loi ?
Comme vous le savez, nous suivons avec attention les clarifications que fournira la Direction générale des impôts (DGI) pour ce qu’on pourrait qualifier de zones d’ombre autour de l’article 6 du décret-loi 2.20.293. 
Certes, la période de l’état d’urgence sanitaire se termine le 20 avril, mais la DGI pourrait par exemple permettre aux entreprises qui veulent soutenir leur personnel à l’arrêt, et ce jusqu’au 30 juin, en plus des 2.000 DH/mois accordés par l’État, de verser à ce personnel une manne supplémentaire en franchise de taxe et cotisation sociale, dès lors que le salaire mensuel ne dépasse pas 6.000 DH net. Il n’en reste pas moins que toutes les entreprises qui le peuvent doivent encore plus aujourd’hui qu’hier s’acquitter de leur devoir, quant aux autres, un délai supplémentaire serait plus approprié, encore une fois compte tenu de la crise.

Quelles appréciations portez-vous sur les mesures proposées en général par le Comité de veille économique ?
Le CVE n’a pas tourné le dos au secteur privé. C’est de bon augure. L’OCDE avertissait que cette pandémie pourrait faire chuter la croissance mondiale de 2,4% en 2020, soit son niveau le plus bas depuis les crises financière et économique de 2008. C’est dire que l’heure est grave. 
Il ressort de la déclaration finale du Sommet extraordinaire des Chefs d’État du G20 un engagement ferme de mettre en œuvre tout ce qui est nécessaire pour surmonter la pandémie et préserver l’économie mondiale en y injectant 4.800 milliards de dollars. Notre pays s’inscrit dans cette tendance.

Face à cette situation, créée par les effets de la pandémie, la menace qui plane sur l’activité économique grandit de jour en jour. Comment en voyez-vous les conséquences dans les mois qui viennent ?
Je ne vais pas verser dans la prophétie, mais toujours est-il qu’avec des circuits commerciaux bloqués ou très ralentis, si le Covid-19 continue de faire des ravages, les semaines qui viennent risquent d’être dures pour nous tous. Fort heureusement, des mesures sont prises un peu partout, soit pour des tests massifs, soit pour des traitements à base du protocole du Dr Didier Raoult à la chloroquine, et augurent de lendemains meilleurs. Croisons les doigts et suivons à la lettre les instructions des scientifiques qui œuvrent d’arrache-pied pour trouver des traitements efficaces. En attendant, faisons preuve de résilience, grâce notamment au télétravail. Et privilégiant de «rester chez soi» chaque fois que notre travail le permet, cela va concourir à lever le confinement. Ce qui est important, c’est d’éviter de repartir dans son business «as usual» après cette pandémie. Il est impératif de préparer nos entreprises à travailler différemment et cela passe déjà par le fait d’apprendre à travailler ensemble pour être plus agiles et résilients tout en préservant nos ressources par la mutualisation. Nous militons par le développement de clusters de type PME Impulse.

Est-ce que vous pensez que les grandes entreprises seront autant touchées que les TPE-PME ?
Ce qui est sûr, c’est que cette crise n’épargnera personne. Tout dépendra de la résilience des unes et des autres. Si les mesures du CVE sont bien enclenchées, les dégâts collatéraux seront moindres pour les TPME. La grande entreprise a certes une assise financière plus solide et peut mieux résister selon les secteurs, voire les branches, à condition que la crise ne se prolonge pas. D’autant qu’elle a aussi montré qu’elle pouvait plus facilement enclencher le télétravail et rendre opérationnel son plan de continuité, ce que ne peut pas toujours faire valoir la PME.

Qu’en est-il de l’informel ?
Ce secteur n’est pas omis dans les mesures d’accompagnement. Cette frange de la population est directement touchée par le confinement. La difficulté réside dans l’identification des cibles. 
Le CVE s’est employé à mettre en place une équipe technique pour préparer les procédures de mise en œuvre de la plateforme pour leur venir en aide, la décentralisation aidant. Ce qui est important, c’est que chacun d’entre nous a dans son écosystème des personnes fragiles souvent dans l’informel. 
Nous devons ici appliquer la politique du colibri et chacun doit faire sa part sans attendre l’État. Il y a urgence à mettre de l’humain dans nos actions et soutenir ces entrepreneurs de l’ombre qui souvent ont pour seule assurance leur santé et bien sûr l’obligation d’aller travailler tous les jours ! 

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