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L’AMMAIS alerte sur l’évolution rapide de la pandémie en Afrique

Face à l’augmentation du nombre de cas testés positifs dans le continent africain ces dernières semaines, Dr Khadija Moussayer, présidente de l’Association marocaine des maladies auto-immunes et systémiques (AMMAIS), a procédé à une analyse de la situation dans le but d’alerter sur l’évolution inquiétante de la pandémie en Afrique.

L’AMMAIS alerte sur l’évolution rapide de la pandémie  en Afrique
Les cas de contamination par le coronavirus en Afrique ne cessent d’augmenter. Le virus est aujourd’hui présent dans chacun des 54 pays du continent qui a franchi le 1er août la barre des 900.000 cas confirmés de Covid-19 avec près de 19.000 décès. 

Au vu de ces chiffres inquiétants, Dr Moussayer Khadija, présidente de l’Association marocaine des maladies auto-immunes et systémiques, a tenu à alerter sur l’évolution rapide de l’épidémie. «Longtemps moins impacté que le reste du monde, le continent africain fait face à une forte augmentation des cas ces quinze derniers jours. Des mesures précoces et strictes de confinement ont pourtant permis en général, dans un premier temps, de “geler” la progression de l’épidémie», affirme-t-elle. 

«L’Afrique, qui compte 1,2 milliard d’habitants (soit plus d’un sixième de la population mondiale), ne pesait à la mi-juillet que pour 5,45% des contaminations et seulement 2,8% des décès dans le monde. Bien que ces chiffres soient encore très inférieurs à ceux des États-Unis ou de l’Europe, le directeur des situations d’urgence sanitaire à l’Organisation mondiale de la santé (OMS), Michael Ryan, s’est récemment dit “préoccupé” par l’“accélération” des contaminations. L’OMS craint que l’Afrique ne puisse affronter la pandémie. Elle a averti, le 31 juillet, que l’assouplissement trop important des restrictions pourrait entraîner une résurgence de l’épidémie et a demandé aux gouvernements africains de renforcer les tests et la recherche des contacts», a rappelé Dr Moussayer.

Se basant sur les données fournies, notamment par le Centre pour la prévention et le contrôle des maladies de l’Union africaine, la présidente de l’AMMAIS a affirmé que l’Afrique a longtemps semblé bien mieux résister que les autres continents au coronavirus. Le premier cas a été, en effet, relevé le 15 février 2020 en Égypte, deux mois après qu’il ait été identifié «officiellement» pour la première fois en Chine. La maladie semblait y progresser plus lentement qu’ailleurs.

On l’expliquait alors par le climat où on disait que le virus résiste moins bien dans des conditions chaudes et sèches, et par la jeunesse de la population africaine. La lente progression de la maladie en Afrique a également été expliquée par la faible densité de population jointe au fait qu’elle se déplace moins que celle des pays développés et par une meilleure protection indirecte contre le virus du fait de l’emploi déjà courant des antipaludéens, dont la chloroquine. Mais la suite des événements a balayé toutes ces hypothèses. «Les prévisions économiques pour l’Afrique ne sont pas très encourageantes à court terme (selon la Banque mondiale et le Fonds monétaire international), l’aggravation de l’épidémie risque d’hypothéquer encore plus l’avenir, d’autant plus que ces pays ont souvent des structures hospitalières fragiles qui risquent d’être rapidement “dépassées”. Alors que le nombre de cas en Afrique augmente actuellement à un taux d’environ 6% par jour, de nouvelles politiques pour certains pays et des changements de comportements seront certainement nécessaires pour contrôler la pandémie», conclut Khadija Moussayer. 

 

Les pays de l’Afrique du Nord craignent une deuxième vague de contamination

Alors que l’Égypte domine difficilement la situation, la Tunisie, l’Algérie et le Maroc sont confrontés à une forte croissance des cas, ce qui contraint les autorités à revoir leurs mesures de déconfinement et à durcir les restrictions. Dr Moussayer analyse la situation dans ces pays soulignant qu’en pleine saison estivale, ces derniers craignent le pire.

 

Maroc

Après des records de nouveaux cas de contamination dépassant les mille les trois derniers jours de juillet, le Royaume enregistre des bilans légèrement moins lourds ces derniers jours, tandis que le nombre de décès continue d’augmenter.

La Société marocaine de médecine d’urgence (SMMU) et la Société marocaine d’anesthésie d’analgésie et de réanimation (SMAAR) estiment nécessaire de réserver exclusivement l’accès des cas graves au circuit hospitalier, les cas moins graves étant orientés vers les numéros verts, les services de Protection civile, les SAMU privés ou les médecins de ville.

 

Algérie

Depuis le début de la pandémie, le pays comptabilise plus de 30.000 cas et plus de 1.200 décès. Parmi les personnes touchées par le virus, on compte plus de 3.000 professionnels de la santé testés positif.

Depuis le début du mois de juillet, le nombre officiel de contaminations par jour a doublé par rapport à juin, soit aux environs de 500 cas, contre 250 précédemment. Nombre de médecins s’alarment publiquement de la situation catastrophique dans certains hôpitaux. Les autorités ont reconduit, le 27 juillet, pour 15 jours supplémentaires des mesures de confinement partiel dans 29 wilayas.

 

Égypte

Ce pays est l’épicentre de l’épidémie dans la région. Depuis la fin du mois de mai, on relève plus de 1.000 nouvelles infections chaque jour. Le Syndicat des médecins a mis en garde contre un «possible effondrement total» du système de santé si les autorités ne réagissent pas. 

Des mesures très strictes ont été prises, en imposant un couvre-feu nocturne depuis le 25 mars. Le pays a commencé son déconfinement seulement depuis le 1er juillet.

 

Tunisie

Au 30 juillet, le pays a compté 26 nouvelles contaminations, ce qui porte le bilan des cas confirmés à 1.514 et des décès à 50. Le couvre-feu a été levé et le pays est sorti du confinement le 4 mai dernier. La Tunisie, qui s’en sort plutôt mieux que ses voisins pour le moment, a néanmoins décidé le 27 juillet de réimposer un isolement obligatoire de trois jours aux voyageurs en provenance de pays à risque et qui ne pourraient pas justifier d’un test PCR négatif.

 

Les pays de l’Afrique subsaharienne dans la tourmente

Cette zone connaît depuis un mois une propagation rapide du Covid-19. Le taux de mortalité par habitant reste, cependant, encore faible par rapport à d’autres régions, ce qui s’explique par la jeunesse de la population puisque plus de 60% des habitants ont moins de 25 ans. Quelques exemples de la situation.

 

Afrique du Sud

L’Afrique du Sud est le pays le plus touché par le virus en Afrique avec, le 29 juillet, 459.761 cas de Covid-19 et 7 .257 décès, devenant ainsi le cinquième pays le plus atteint au monde.

Le taux de mortalité y est toujours faible avec 1,6% des cas. Le pays a pourtant entamé le 1er mai son déconfinement, mais les restrictions sont encore nombreuses. Face à l’augmentation des cas, un couvre-feu de 21 h à 4 h est à nouveau instauré dans tout le pays depuis le 13 juillet.

 

Bénin

Le 29 juillet, le Bénin enregistre 1 .770 cas de coronavirus dont 35 décès. 

Il faut noter que le pays est en pointe pour imaginer des solutions pour combattre les virus. Un médecin béninois a ainsi mis en place le Réseau d’échange entre médecins d’Afrique (REMA) qui est présent maintenant dans de nombreux pays d’Afrique de l’Ouest. Cette application (déjà disponible sous Android et en septembre sous iOS) fournit aux professionnels de santé un service de collaboration médicale à distance.

 

Burkina Faso

Peuplé de 20 millions d’habitants, il est le pays le plus touché en Afrique de l’Ouest en comptant au 29 juillet 1.105 cas confirmés et 53 décès.

 

Cameroun 

Le Cameroun, qui n’a pas imposé de confinement strict, est le pays d’Afrique centrale le plus touché avec 17.179 cas répertoriés, le 29 juillet, et 391 décès.

 

Kenya

Le nombre de cas a triplé en un mois, avec près de 18.000 contaminations confirmées, dont 285 décès. Le Président Uhuru Kenyatta a décidé dernièrement de prolonger d’un mois le couvre-feu et de ne rouvrir les écoles primaires et secondaires qu’en janvier 2021.

Dr Moussayer signalent, par ailleurs, deux cas atypiques et plutôt dramatiques. Il s’agit du Président de Madagascar, Andry Rajoelina, qui s’évertue à vanter les vertus d’une tisane contre le Covid-19 à base d’Artémisia annua. «On attend toujours une étude scientifique qui pourrait confirmer ces dires», indique-t-elle. En attendant, l’épidémie flambe dans le pays, même si cette tisane a été largement distribuée gratuitement. Quant à la Tanzanie, son Président, John Magufuli, affirme tranquillement que le coronavirus ne circule plus et donc qu’il n’y a pas de Covid dans son pays.

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Questions à Khadija Moussayer, présidente de l’Association marocaine des maladies auto-immunes et systémiques

«Face au risque réel d’un afflux brutal de malades dans les structures hospitalières qui les submergerait, une mobilisation générale des professionnels de santé est nécessaire»

Vous avez fait une analyse de la situation épidémique dans de nombreux pays africains, comment imaginez-vous l’avenir dans le continent, si cette progression des cas de contamination par le virus continue ?

Le pire n’est jamais certain, mais des pays africains vont avoir des difficultés à enrayer la pandémie, faute de structures hospitalières solides, de tests de dépistage en nombre suffisant, de régularité dans les procédures (causée par une corruption endémique)… et tout simplement de moyens financiers. Surtout quand on voit des exemples de grèves de professionnels de santé se plaignant de ne plus recevoir normalement leurs salaires ! La seule solution : une mobilisation de la communauté internationale au profit des pays d’Afrique Noire, en particulier.

 

Quelle lecture faites-vous des chiffres annoncés, durant ces derniers jours, au niveau national ?

Un déconfinement, confondu trop facilement avec une victoire définitive sur le virus, nous a amenés à beaucoup trop de négligence dans le respect des règles de distanciation et in fine à une explosion du nombre de contaminations. C’était malheureusement prévisible même si les autorités sanitaires ont tout fait pour combattre ce relâchement. Face au risque réel d’un afflux «brutal» de malades dans les structures hospitalières qui les submergerait, une mobilisation générale des professionnels de santé est nécessaire, y compris de la médecine de ville en cabinet, qu’on a un peu trop oublié au début de la crise et qui peut parfaitement assurer le suivi des malades à domicile.

 

Quels conseils pouvez-vous donner aux lecteurs pour éviter le pire ?

Respectez les gestes barrières plus que jamais et même plus que pendant le confinement : distance d’au moins un mètre lors d’une discussion avec une autre personne, nettoyage des mains à chaque fois que vous venez d’être en contact avec des objets susceptibles d’avoir été touchés précédemment par d’autres et port du masque.

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