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L’impact du confinement sur les enfants décrypté par les spécialistes

Confinement, changement de rythme de vie, deconfinement sous le signe de la peur... les enfants ont subi un grand chamboulement durant les derniers mois. Ceci n’a pas été sans conséquences sur leur santé physique et mentale. Afin de décrypter ce sujet, la Fondation Attijariwafa bank a organisé récemment une rencontre virtuelle sur le thème «Du confinement au déconfinement : quels impacts sur la relation parents/enfants ?»

Diffusée sur la chaîne YouTube d’Attijariwafa bank, cette sixième conférence du cycle «Échanger pour mieux comprendre» Spécial Covid-19 a réuni Houda Hjiej, pédopsychiatre, Houda Sayegrih, psychomotricienne, Karim Ouali, médecin nutritionniste, et Sonia Benkabbou, psychologue. Cette dernière a pointé du doigt la redistribution des rôles dans la famille et la disparition des aides. Les parents, notamment les femmes, se sont retrouvés submergés et obligés de jongler entre responsabilités familiales, professionnelles, scolaires… sans oublier le facteur stress. 
Pour elle, l’effet négatif du télétravail n’est pas à négliger non plus, dans le sens où il a pris de l’ampleur dans l’espace-temps. De ce fait, il n’y avait plus de limite entre vie professionnelle et vie personnelle. Cette nouvelle réorganisation a eu un impact certain sur la vie de couple et sur la dynamique familiale. «À travers mes consultations, j’ai constaté une hausse des violences conjugales et des violences sur les enfants», souligne Sonia Benkabbou.
Selon Houda Sayegrih, plusieurs enfants ont réagi par l’agitation face à l’anxiété qu’ils ressentaient : «Dès le deuxième mois de confinement, il y a eu une recrudescence des demandes de consultations. Lors du premier mois, avec l’arrêt des écoles, les enfants pensaient être en vacances. Mais face au prolongement du confinement, deux symptômes principaux sont apparus chez eux : l’agitation réactionnelle et les troubles attentionnels dus à leur surexposition aux écrans. Les enfants n’ont pas les bons mots pour expliquer ce qu’ils ressentent, c’est leur corps qui a pris le relais pour exprimer leur anxiété». 
De son côté, Houda Hjiej a confirmé la souffrance des adolescents et pré-adolescents. La pédopsychiatre responsable de l’unité adolescents à l’hôpital Abderrahim Harouchi a attiré l’attention sur la hausse des hospitalisations, des cas de tentatives de suicide et des troubles de conduite. Selon elle, le nombre des consultations a triplé après le confinement. Parmi les consultants, il y a surtout des adolescents fragiles qui étaient déjà en suivi. Dr Hjiej souligne que ces jeunes sont revenus après le confinement en état aggravé. Les adolescents en bonne santé ont aussi été impactés par le confinement et l’arrêt de la scolarité. «Les adolescents ont besoin de se mettre en retrait pour s’auto-réguler, or le confinement ne leur a pas donné cette possibilité de s’extraire pour réguler leurs émotions. Mais il faut reconnaître que sans les réseaux sociaux, l’impact aurait été plus grave. Les adolescents ont ainsi réussi à garder un contact avec l’extérieur, les réseaux sociaux étaient leur seule échappatoire», explique la pédopsychiatre. Selon elle, il fallait inciter les adolescents et pre-adolescents après le confinement à aller vers la vie réelle et pousser les parents à organiser des rencontres avec les amis et cousins. Outre le côté psychologique, Karim Ouali a attiré l’attention sur les conséquences du confinement sur la santé physique. 
«Il y avait un rush de consultation pour l’obésité après le déconfinement, car il y a eu un chamboulement total de l’horloge biologique», a-t-il souligné. Ce médecin nutritionniste a pointé du doigt la désorganisation totale du planning journalier et des moments de repas ainsi que l’absence de l’activité physique. Le sommeil des parents était perturbé. Ils devaient souvent travailler le soir pour s’occuper des enfants dans la journée. Les habitudes de faire les courses ont aussi changé. Les familles marocaines se sont retrouvées enfermées avec un stock de denrées alimentaires qui n’est pas forcément sain. Ce nouveau régime alimentaire a participé à la baisse de l’immunologie nutritionnelle, selon Karim Ouali. 
Après l’analyse, les quatre panélistes ont formulé des recommandations, pour cette période de déconfinement, mais aussi dans le cas où l’on serait amené à revivre une situation similaire. Ils ont insisté sur la nécessité d’ouvrir des espaces de parole pour les enfants pour qu’ils puissent exprimer leur vécu, et de produire des spots de sensibilisation destinés aux enfants et aux parents.

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Suggestions de Houda Hjiej, pédopsychiatre

Cela fait quatre mois que les enfants sont à la maison et le désir de faire des choses est épuisé. S’il n’y a pas actuellement un accompagnement de la part des parents pour cibler la socialisation et l’échange avec l’autre, les enfants risquent de s’isoler. Les parents doivent  réactiver la vie sociale des enfants et  les aider à organiser leurs journées.  Après le travail, les parents peuvent prendre un moment pour eux et après réserver du temps pour leur enfant pour échanger avec lui sur ce qu’il a fait sur les réseaux sociaux et comment il a passé sa journée.

Conseils de Houda  Sayegrih, psychomotricienne

Attention aux écrans ! Il est primordial d’accorder du temps aux enfants. Les parents ont tendance à garder les enfants à la maison par peur du virus, donc n’oublions pas de jouer avec eux quand on rentre du travail. On peut alterner entre des moments de jeu calmes et autres dynamiques.
Il faut rétablir une rythmicité dans la vie, même si les parents travaillent en favorisant l’autonomie de l’enfant au maximum. N’oublions pas que le dessin est un canal d’expression important pour les enfants.
Ce n’est pas grave si les enfants s’ennuient. Ceci fait partie de leur développement pour découvrir d’autres passions et centres d’intérêt. Il ne faut pas s’inquiéter au sujet des apprentissages scolaires. Faisons confiance aux enfants et à leurs capacités de se rattraper.

Conseils de Karim Ouali, médecin nutritionniste

L’apport énergétique ne doit pas être trop élevé ou trop bas, tout en faisant attention à l’apport  protidique. Un manque de protéines entraîne une faiblesse pour lutter contre les risques infectieux. Il ne faut pas oublier les sources de protéines végétales comme les légumineuses, les céréales et les oléagineux  qu’on peut garder  facilement chez soi, contrairement aux protéines animales qui augmentent le taux d’inflammation. L’astuce est simple : il faut toujours avoir dans le même jour un produit céréalier avec un produit féculent. Il ne faut pas oublier de boire de l’eau et toujours se rappeler que la diversité est la clé d’une bonne alimentation. Les fruits et légumes sont la base d’une alimentation riche en vitamines et micronutriments. Les fast food et acide gras saturés  alourdissent  notre immunité et favorisent l’obésité. 
S’agissant des micronutriments il faut favoriser tout ce qui a des propriétés anti-inflammatoire. On doit privilégier les ingrédients disponibles dans les cuisines marocaines,  comme le curcuma, le thym, le gingembre, le fenugreg, la menthe et la noix de muscade. Il faut aussi consommer les vitamines qui se trouvent dans les aliments naturels. En faisant  ses courses, on doit aller vers tout ce qui est sain pour la santé et éviter le snacking.  Il faut essayer de garder le rythme des trois repas principaux et éviter le grignotage. On doit  manger doucement et éviter les écrans  au moment du repas  pour donner l’exemple aux enfants. Il faut également  trouver un moment pour bouger chez soi pour au moins une demi-heure. Il ne faut pas inverser son rythme circadien. Il faut dormir avant minuit et se réveiller tôt. Il faut dîner au moins 2 h avant de dormir et éviter au moins 30 minutes avant de dormir toute source de lumière comme les écrans. Les gens qui ont perturbé leur cycle de vie peuvent  revenir doucement à la norme pour s’y habituer.

Recommandations de Sonia Benkabbou, psychologue

Il faut garder une séparation entre les vies personnelle,  professionnelle et  familiale.  L’adulte doit avoir un moment pour soi afin d’avoir du temps après à consacrer à son enfant et partager des moments avec lui. Aujourd’hui,  les parents sont pris par leurs emplois et perdent de vue ce qui est central : les enfants. On devrait faire des capsules pour sensibiliser  les employeurs à  minimiser le stress sur les employés et à  faire la séparation entre le temps professionnel et celui consacré à la famille.

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