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Quand l’innovation se conjugue au féminin

Après avoir honoré le rôle de la femme marocaine dans l’industrie, le Club des femmes ingénieurs de l’EMI (CFIE) fait le choix de mettre la lumière sur l’Innovation au féminin pour braquer les projecteurs sur la contribution active de la femme à l’une des tendances les plus actuelles au niveau national et mondial. La «Rencontre annuelle de la femme ingénieur» qu’organise cette année le CFIE, branche féminine de l’Association des ingénieurs de l’École Mohammadia d’ingénieurs (AIEM), est en effet une belle occasion de braquer les projecteurs sur la contribution de la femme à l’écosystème national de l’innovation, de mettre en avant ses réalisations et ses succès, d’analyser et de proposer des solutions aux challenges rencontrés pour l’émancipation de la femme dans ce domaine. Éclairage avec Hayat Elkird, membre du Club des femmes ingénieurs de l’EMI.

Quand l’innovation  se conjugue  au féminin
Hayat Elkird, membre du Club des Femmes Ingénieurs de l’EMI.

Le Matin : Tout d’abord, un mot sur la journée du 8 mars...
Hayat Elkird :
D’abord, la Journée du 8 mars, Journée internationale de la femme, n’est pas une fête ni une occasion pour offrir le chocolat et les fleurs, mais plutôt une célébration des réalisations des femmes et une mise au point du chemin parcouru.

Cette journée est une opportunité pour la femme pour stimuler l’accélération du progrès en matière d’égalités et combattre tous les stéréotypes fondés sur le genre tout en impliquant les hommes dans ce changement souhaité. 
Dans ce cadre, le Club des femmes ingénieurs de l’École Mohammadia créé en 2009, le premier groupement de femmes ingénieurs du Maroc et branche féminine de l’Association des ingénieurs de l’École Mohammedia, a pour mission de mobiliser toutes les femmes ingénieurs au service du développement de notre pays. 

Quelle lecture faites-vous de l’évolution de la situation des femmes au Maroc ?
Durant ces 20 années de règne de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, la femme marocaine a connu une évolution historique et a bénéficié de plusieurs réformes institutionnelles et sociétales lui garantissant des droits qui favorisent son affranchissement et sa contribution au développement du pays. 
D’ailleurs, nous constatons l’implication et la participation active de la femme dans tous les domaines économiques et même dans ceux à forte dominance masculine. Je cite à titre d’exemple l’évolution de l’effectif féminin dans l’École Mohammadia d’ingénieurs (EMI) qui a évolué de moins de 10% à plus de 50% ces dernières années dans les filières dites «masculines», en l’occurrence le génie civil ou le génie mécanique à titre d’exemple.
Aussi, une certaine évolution est constatée dans les arènes politiques, économiques et sociales ainsi que l’accès des femmes aux postes de responsabilité dans les administrations publiques et le secteur privé. 
Il y a lieu de féliciter, également, les différentes initiatives des associations et coopératives féminines qui œuvrent pour le développement de la femme dans le milieu rural et pour son autonomisation. Cependant, un long chemin à parcourir par la femme marocaine pour obtenir la parité, casser ces blocages culturels et sociétaux qui freinent son évolution et combattre les stéréotypes liés à la dimension genre. 
En effet, nous remarquons clairement la faible représentation de la femme dans les postes de prise de décisions, l’écart dans les salaires et les évolutions professionnelles à compétences égales ou encore le faible taux de l’entrepreneuriat féminin. L’image de la femme dans les médias nécessite encore un effort considérable. Ce constat est illustré par l’écart de taux de chômage (8,3% chez l’homme et 15,2% chez la femme en 2018) ainsi que dans la rémunération et l’évolution professionnelles à compétences égales. En plus, la femme évolue dans un milieu ou ni la culture ni l’infrastructure n’aident à concilier vie familiale et vie professionnelle. 
Également, des efforts considérables à déployer pour développer la femme au milieu rural, sa notoriété et son autonomisation, et ce à travers l’éducation, la scolarisation et la création de la richesse. J’estime que nous possédons tous les atouts pour faire évoluer la place de la femme dans notre pays et vaincre la problématique de la parité dans tous les secteurs d’activités.

Sur le thème de la Rencontre annuelle de la femme ingénieur, pourquoi le choix de conjuguer l’innovation au féminin ?
Premièrement, nous avons choisi le thème de l’innovation, vu la conjoncture actuelle qui nécessite une rupture et qui requiert une forte transformation à l’échelle de l’économie et de la société. Le Maroc doit améliorer sa capacité d’innovation et il a besoin de ses femmes et ses hommes pour y contribuer à pied d’égalité. Deuxièmement, nous partons d’un constat que malgré la grande contribution de la femme dans les différents chantiers de transformation, d’amélioration et d’innovation au sens large, sa représentation reste souvent confinée dans le middle management et son image dans l’écosystème d’innovation n’est pas suffisamment développées malgré quelques exceptions qui constituent des modèles de réussite sur lesquels il faudra capitaliser. Ce constat n’est pas spécifique au Maroc et est partagé par les différents experts de la question genre dans le monde.
 
Pensez-vous que la femme est assez présente dans l’écosystème de l’innovation ? Si non, quels seraient les points de blocage ?

Actuellement, le Maroc vit une transition vers de nouveaux concepts tels l’éco-innovation, l’économie circulaire et le développement durable, ainsi que des problématiques nouvelles de management des organisations telles que la responsabilité sociétale des entreprises. La transformation digitale n’est pas en reste avec une nouvelle dynamique aussi bien dans le secteur public que privé. 
Nous sommes dans le terrain avec un réseau de 2400 femmes ingénieurs et nous constatons leurs implications et leur forte contribution dans ces différents chantiers structurants. La femme, au regard de ses qualités en terme d’empathie, d’écoute, de travail d’équipe, de gestion des changements et des conflits, apporte une très forte valeur ajoutée dans ce contexte. D’ailleurs, nous constatons une prédominance des femmes qui pilotent les projets de transformations. 
Sur la scène entrepreneuriale, le taux d’entrepreneuriat féminin serait de l’ordre de 8% avec un grand potentiel d’évolution et un long chemin à parcourir.
Aussi, il y a des femmes qui ont honoré le drapeau marocain à l’international dans le domaine de la recherche scientifique et des startups féminines qui ont brillé à l’échelle nationale et internationale. Toutefois, de manière générale la représentativité de la femme sur l’écosystème de l’innovation reste encore insuffisante. 
Plusieurs facteurs rentrent en jeu. D’abord, il y a lieu de préciser que la fonction innovation n’a pas encore eu la place qu’elle mérite dans les organisations, tous genres confondus alors que c’est le vecteur incontournable pour le développement de l’économie du pays. L’écosystème d’innovation est en cours de construction. Ensuite, il s’agit des mêmes problématiques genre évoquées plus haut qui impactent la position de la femme aussi bien dans l’innovation que dans d’autres domaines. 

La femme ingénieur au Maroc

Si l’on considère le plus grand groupement des ingénieurs au Maroc représenté par l’AIEM (Association des ingénieurs de l’École Mohammadia) qui compte 10.500 lauréats, la gent féminine représente 20% avec 2.400 femmes ingénieurs. Ce taux est d’ailleurs en forte évolution avec 44% de femmes dans les rangs des étudiants en sciences de l’ingénieur toutes institutions confondues. Cette quasi-parité au niveau des études supérieures tend à diminuer au fur et à mesure de l’évolution professionnelle d’après une étude que nous avions menée en 2019 par le Club des femmes ingénieurs de l’EMI.

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