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Pourquoi le Maroc doit investir massivement dans la formation et la recherche en IA

Les récentes avancées technologiques en intelligence artificielle (IA) ont contribué à mieux gérer la pandémie du coronavirus. Le professeur Maha Gmira à l’École de l’ingénierie digitale et de l’intelligence artificielle, relevant de l’Université Euromed de Fès, revient sur les récentes avancées technologiques en IA qui ont aidé à mieux gérer la pandémie du coronavirus. Elle souligne ainsi l’importance pour le Maroc d’investir massivement dans la formation et la recherche en IA.

Ces dernières décennies, le monde a connu plusieurs épidémies et pandémies (SARS, Ebola, Zika, etc.) qui ont eu de multiples conséquences néfastes, voire désastreuses en termes de nombre de vies perdues. Cependant, à la différence du Covid-19, leur propagation et leur étendue se sont restreintes à certaines parties du monde. Nous vivons actuellement une situation sans précédent, puisque le Covid-19 s’est propagé avec une vitesse inouïe dans le monde entier, causant ainsi une surcharge des systèmes de santé, des mesures de confinement pour plus de trois milliards de personnes avec un impact négatif sur l’économie et sur les sources de revenus des ménages. Face à cette crise mondiale, médecins, scientifiques et ingénieurs, notamment les spécialistes en Intelligence artificielle (IA), ont présenté de nombreuses solutions pour prévoir, suivre et gérer la pandémie et atténuer ses impacts négatifs. Cet article présente, de manière non exhaustive, les récentes avancées technologiques majeures en IA pour contribuer à mieux gérer cette pandémie.

Optimiser le processus 

de dépistage actuel

Des chercheurs de l’institut de recherche et d’innovation du géant chinois Alibaba, DAMO, ont développé un outil d’analyse d’imagerie médicale (CT Scan : Computed Tomography Scan) pour diagnostiquer le Covid-19. Cet outil utilise des algorithmes d’apprentissage profond (deep learning) pour distinguer les lésions causées par le Covid-19 de celles dues à d’autres pathologies potentielles (pneumonies bactérienne, virale, etc.). L’outil a été déployé sur plus 5.000 CT Scan de patients chinois et a pu détecter, avec une grande précision, le Covid-19 en seulement 20 secondes.

Anticiper la propagation 

du Covid-19

Suite à l’éclosion du SARS (Severe Acute Respiratory Syndrome) en 2003, qui a duré six mois et tué plus de 774 personnes, le professeur Kamran Khan de l’Université de Toronto (Canada) a conçu le logiciel BlueDot pour suivre, localiser et conceptualiser la propagation des maladies infectieuses. BlueDot a ainsi été capable de détecter et signaler un groupe de cas de «pneumonie inhabituelle» dans un marché de Wuhan, en Chine, bien avant que l’OMS signale l’émergence d’un nouveau coronavirus. En outre, il a correctement prédit la propagation du virus de Wuhan à Bangkok, Séoul, Taipei et Tokyo, prémices de la résurgence d’une pandémie planétaire.

En utilisant des techniques de l’IA, telles que le traitement automatique du langage naturel et l’apprentissage automatique, BlueDot traite, toutes les 15 minutes, des données de centaines de milliers de sources (Big Data) : déclarations d’organismes de santé publique, médias numériques, données de compagnies aériennes mondiales, données démographies, etc. Ces techniques de l’IA ont permis à BlueDot, par exemple, de prédire avec succès la propagation du virus Zika en Floride en 2016, six mois avant que cela ne se produise. Le logiciel a également pu prédire que l’épidémie d’Ebola qui a sévi en 2014 se propagerait au-delà de l’Afrique de l’Ouest.

Assurer le respect 

des consignes de sécurité

Dans les provinces chinoises touchées par le Covid-19, des robots et des drones 5G équipés de haut-parleurs et de caméras ont été déployés dans les aires publiques pour assurer le respect des consignes de sécurité. Ces robots sont capables de prendre, simultanément, la température de 10 personnes à moins de 5 mètres en utilisant des rayons infrarouges et des algorithmes d’analyse de changement de la couleur faciale, et ce avec une marge d’erreur de 0,5 degré Celsius. En cas d’anomalie, le robot déclenche une alerte et l’envoie aux centres spécialisés.

Contrôler la propagation 

du Covid-19 grâce au contact tracing

De nombreux pays et géants du numérique mènent une course effrénée vers le développement d’une application de «contact tracing» pour contrôler la progression du Covid-19. Il s’agit d’une technologie qui utilise le Bluetooth des téléphones portables pour enregistrer les personnes ayant été exposées, durant les 21 derniers jours, à une personne infectée. L’application peut aussi géolocaliser les centres de la pandémie et leur évolution dans le temps. Une telle application peut s’avérer d’une très grande utilité pour limiter la propagation du virus, mais également pour accompagner les mesures de déconfinement progressif et par choix de critères croisés et sélectifs. 

Comprendre l’évolution 

du Covid-19 

Le Covid-19 est composé d’un génome (quelques dizaines de gènes) entouré d’une couronne de protéines. Il ne s’exprime qu’à l’intérieur d’une cellule pour lui faire produire plusieurs de milliers de copies de son génome puis des particules virales qui répandent par la suite l’infection. Lors de sa transmission de l’animal à l’humain, sa structure interne mute et rends encore plus complexe le mécanisme responsable du phagocytage de la cellule. À l’aide des techniques de traitement des données massives (Big Data), on tente de comprendre l’expression du virus à l’intérieur de la cellule et aussi d’identifier les principaux groupes (clusters) de mutation du Covid-19, offrant une meilleure compréhension desdits mécanismes, nécessaires pour tout traitement ou production de vaccin.

Le Covid-19 demeure une crise sanitaire d’ampleur grave et incertaine. Le monde vit une situation imprévisible et sans précédent et il ne fait aucun doute que la lutte contre cette pandémie nécessite des compétences multidisciplinaires et une coopération internationale, notamment scientifique. À travers les exemples cités dans cet article succinct, on relève le rôle important de l’IA dans l’aide à la prise de décisions basées sur la modélisation mathématique, le deep learning et le traitement des données massives. 

Le Maroc doit investir massivement dans la formation et la recherche en IA, qui devient un outil incontournable pour presque tous les secteurs d’activité et à fortiori celui de la santé. C’est pour doter le pays et la région de spécialistes dans ce domaine que l’Université Euromed de Fès avait ouvert depuis septembre dernier la première École d’Ingénieur du continent complètement dédiée à l’IA. 

L’Académie Hassan II des sciences et techniques avait proposé, de son côté, depuis plusieurs années, la création d’une Institution nationale de recherche biomédicale, et elle en a reformulé la proposition tout récemment. Elle prône également la constitution d’un groupe de travail multidisciplinaire sur les études épidémiologiques, incluant les spécialistes de l’ingénierie digitale et de l’intelligence artificielle.

Cette pandémie est aussi l’occasion pour notre pays de réfléchir sur son système de recherche-innovation et sur la création de structures et de task-forces capables d’aider le pays dans des situations de crises et aussi d’accompagner son développement. Il faut éviter l’émiettement de moyens et fédérer les efforts et réunir les compétences dans des structures flexibles et pérennes et consolider notre souveraineté, y compris dans les domaines scientifiques et technologiques et notamment dans le secteur de l’intelligence artificielle. 

*Pr Maha Gmira Ph.D., ing.,

École de l’ingénierie digitale et de l’Intelligence artificielle, chercheuse associée au RIEMAS

Université Euromed de Fès

[email protected]

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