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«Pour le Maroc, le programme de généralisation du préscolaire est un des chantiers prioritaires du système éducatif»

Suite aux mesures prises dans les pays du monde entier pour contenir la propagation du Covid-19, des millions d’enfants se sont retrouvés depuis plusieurs semaines privés d’écoles. Face à cette situation, l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco) a lancé une coalition mondiale pour pallier la fermeture massive des établissements scolaires et universitaires à cause du Covid-19 et continue de chercher les moyens d’aider les élèves du monde entier à poursuivre leur scolarité. Golda El Khoury, directrice du Bureau de l’Unesco à Rabat et représentante de l’Unesco pour le Maghreb, revient sur les principales actions de l’Organisation dans ce sens en rappelant l’expérience du Maroc.

«Pour le Maroc, le programme de généralisation du préscolaire  est un des chantiers prioritaires du système éducatif»

Le Matin : Depuis le début de la crise sanitaire, l’Unesco organise une série de webinaires suite à la fermeture des écoles dans le monde entier. Quelles sont les principales conclusions
de ces rencontres ?
Golda El Khoury
: En réponse à la pandémie de Covid-19 et la multiplication des fermetures d’écoles et d’universités, l’Unesco a convoqué une réunion ministérielle virtuelle le 10 mars 2020, qui a réuni des ministres et hauts responsables de l’éducation de plus de 73 pays, dont le ministère de l’Éducation nationale, de la formation professionnelle, de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique du Maroc. L’objectif étant à la fois d’intensifier la réponse à apporter de toute urgence et d’échanger autour des stratégies susceptibles de réduire au minimum la perturbation des systèmes éducatifs. Suite à cette réunion ministérielle, une série de webinaires a été lancée. Ces webinaires s’inscrivent dans cette réponse de l’Unesco au Covid-19 pour favoriser la coopération internationale et le partage des bonnes pratiques et des enseignements tirés. Leur objectif est de mutualiser les forces de toutes les régions du monde afin de soutenir les personnes engagées dans cette dynamique, que ce soit les enseignants, les familles ou les élèves.
Par exemple le 27 mars dernier, l’Unesco a consacré son deuxième webinaire sur la réponse éducative au Covid-19 à ceux qui interviennent en première ligne pour assurer la continuité de l’apprentissage. Ce colloque a rassemblé 159 participants de 33 pays pour étudier un large éventail de questions, allant de la formation et du soutien à fournir aux enseignants au problème de l’apprentissage à distance dans des zones disposant d’un accès faible, voire nul à Internet. Ce webinaire a été organisé par l’Institut international de l’Unesco pour le renforcement des capacités en Afrique.
Les webinaires ont d’ailleurs porté sur différentes thématiques et ont permis d’étudier un large éventail de problématiques, allant de l’appui psychologique, la formation et le renforcement des capacités au problème de l’apprentissage à distance en zones reculées et dans les familles les plus démunis. En effet, je tiens à rappeler que dans cette situation exceptionnelle, aucune approche n’est valable pour tous les pays, ces webinaires ont permis d’apprendre les uns des autres, ont permis d’établir une communauté de pratique très large en impliquant différents acteurs, et ont permis également de souligner l’importance de construire des systèmes éducatifs résilients sur le long terme.

Que pensez-vous du modèle de e-learning suivi par le Maroc ?
Si le Maroc a pu se lancer rapidement, cela s’explique par le fait qu’en 2005 le pays a lancé le programme GENIE (Généralisation des technologies d’information et de communication dans l’enseignement au Maroc) qui a d’ailleurs été récompensé du Prix Unesco-Roi Hamad bin Isa Al Khalifa en 2017 pour ses travaux dans l’utilisation innovante des technologies de l’information et de la communication (TIC) dans l’éducation. Grâce donc à la mise en œuvre de ce programme, le Maroc a accumulé une expérience dans l’informatisation des établissements scolaires et universitaires, y compris en milieu rural. Le ministre de l’Éducation nationale, Saïd Amzazi, a pu relever le challenge d’être au rendez-vous, en démarrant l’enseignement à distance le premier jour de l’arrêt de la scolarité, soit le lundi 16 mars. En effet, le ministère a mis en place un plan d’action national pour assurer la production du contenu numérique au quotidien et en plusieurs langues (arabe, amazigh, français et anglais) pour tous les niveaux et tous les cycles scolaires. Bien sûr, il y a des défis à surmonter imposés par cette situation exceptionnelle et qui sont partagés avec tous les pays du monde. Le succès de l’enseignement à distance est impossible sans une formation de qualité et un accès égal aux ressources d’enseignement en ligne. En outre, le Maroc ayant réussi à développer du contenu pédagogique numérique, est prêt, en partenariat avec l’Unesco, à partager les bonnes pratiques, son expérience et son expertise, avec le continent africain et le monde arabe.

Quels sont les points qu’il faut améliorer pour assurer un meilleur apprentissage des élèves ?
L’Unesco a produit plusieurs outils d’appui pour l’apprentissage à distance qui ont été partagés avec les ministères de l’Éducation des pays de la région pour assurer la continuité d’une éducation à distance de qualité durant cette période. Et nous avons émis des recommandations, comme, entre autres, assurer le caractère inclusif des programmes d’apprentissage à distance, protéger la confidentialité et la sécurité des données, mettre en place des solutions aux problèmes psychosociaux avant de dispenser l’enseignement, créer des communautés et favoriser le lien social. Pour arriver à assurer un meilleur apprentissage des élèves, il faut réunir les forces pour couvrir toutes les composantes du système éducatif. Il faut également combiner les approches appropriées et mettre en place des mesures pour garantir que les élèves, notamment ceux qui ont des besoins spécifiques ou issus de familles à faibles revenus, ont accès aux contenus
d’apprentissage à distance. L’appui psychologique et psychosocial sont aussi importants pour garantir des interactions sociales régulières, favoriser les mesures de protection sociale et répondre aux problèmes auxquels les enseignants, les élèves et les familles risquent d’être confrontés en situation d’isolement, comme le sentiment de solitude ou de détresse. Le ministère de l’Éducation a par exemple mis à la disposition de toute personne qui a besoin d’assistance un numéro vert gratuit.

D’après vous, quels impacts aura cette situation sur les élèves du préscolaire ?
Pour le Maroc, le programme de généralisation du préscolaire est un des chantiers prioritaires du système éducatif. Dans ce cadre, L’Unesco est en train de répertorier les meilleurs pratiques et appuyer les États membres dans les besoins qu’ils expriment et leurs priorités. Plusieurs outils s’offrent aux parents qui veulent accompagner leurs enfants. Toutefois, le préscolaire se présente comme un élément délicat et compliqué pour les gouvernements, car c’est un engagement à plein temps pour les parents et c’est assez difficile d’amener les petits enfants à cet âge à comprendre que la maison devient l’école.

Comment va agir la Coalition mondiale de l’éducation pour assurer un meilleur apprentissage à distance, notamment au Maroc ?
La Coalition est née du besoin partagé entre tous les pays qui ont participé à la réunion ministérielle virtuelle du 10 mars 2020, pour assurer une continuité pédagogique inclusive. À cet effet, le 25 mars 2020, différents partenaires multilatéraux, du secteur privé, de la société civile et des agences des nations unies se sont engagés dans cette dynamique d’enseignement à distance afin de ne laisser personne derrière. Ces partenaires de technologie, de connectivité et de contenu se sont réunis pour mieux aider les pays à offrir un enseignement à distance inclusif, créatif et aligné sur les programmes nationaux, tout en tirant parti des approches technologiques, en ligne et hors ligne. Le Bureau de l’Unesco pour le Maghreb s’engage avec les différents ministères de l’Éducation des pays de la région pour définir conjointement leurs besoins et mettre en place un plan d’action qui viendra soutenir les efforts déployés par les différents pays.

Enfin, pouvez-vous nous parler de l’engagement de l’Unesco depuis le début de cette crise afin de relever les défis liés à la communication et l’information, notamment les questions d’accès à l’information sanitaire,
la désinformation et la sécurité des journalistes ?

Comme vous le savez, les médias libres et professionnels, le renforcement du droit à l’accès à l’information, notamment sanitaire, ainsi que la lutte contre la désinformation, jouent un rôle encore plus crucial en situation de crise. À cet effet, en tant qu’agence des Nations unies ayant pour mandat spécifique de promouvoir «la libre circulation des idées par le mot et par l’image», l’Unesco s’est engagée, depuis le début de la crise Covid-19, dans le processus de mise en place d’initiatives permettant aux médias traditionnels et nouveaux médias, dans leur diversité et pluralité, ainsi qu’aux journalistes, de faire face aux défis posés par la crise actuelle.
En réponse immédiate, l’Unesco a créé un «centre de ressources» en ligne regroupant une sélection de réponses au Covid-19, et un Hackathon  #CodeTheCurve, ouvert aux jeunes développeurs afin d’unir leurs forces en mettant leurs compétence, créativité et esprit d’entrepreneuriat au service du développement de solutions numériques pouvant aider à relever les défis actuels de la pandémie. Aussi, nous considérons que la sécurité physique et psychologique des journalistes doit passer avant tout. Cela se reflète d’ailleurs à travers les mesures de sensibilisation mondiales et le renforcement des capacités que nous avons lancé, ainsi qu’à travers une série d’actions s’inscrivant dans le cadre du Plan d’action des Nations unies sur la sécurité des journalistes et la question de l’impunité.
Enfin, au Maghreb, en plus de l’accompagnement des diverses campagnes lancées à l’échelle mondiale, nous appuyons la société civile dans les pays de la région, pour le lancement d’une initiative innovante avec les réseaux de jeunesse et les radios associatives. Je reste convaincue que les jeunes femmes et les jeunes hommes sont des acteurs incontournables dans le processus de réflexion et de riposte face à la crise, et ils seront la pierre angulaire des mécanismes fondamentaux post-crise. Ils ont la créativité, le potentiel et la capacité nécessaires pour changer les choses pour eux-mêmes, pour leurs sociétés et pour le reste du monde. 

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