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«Le Maroc s’est réinventé face à la crise du Covid-19»

Pour clore la saison, l’émission «L’Info en Face» a donné la parole au président-directeur général du Groupe le Matin, Mohammed Haitami. Après avoir analysé la situation du secteur de la presse qui pâtit lourdement de la crise du Covid-19, M. Haitami a livré sa lecture de l’actualité politique, économique et sociale. L’invité de Rachid Hallaouy a également partagé sa réflexion sur les grandes orientations économiques qui se dessinent pour le Maroc dans un contexte mondial des plus incertains. Saluant le travail remarquable des autorités en matière de lutte contre la propagation de la pandémie, M. Haitami n’a toutefois pas caché son inquiétude compte tenu de l’évolution des chiffres des contaminations ces derniers jours. Devant le risque d’une deuxième vague, il a appelé les citoyens à redoubler de vigilance et à être à la hauteur de la responsabilité civique qui est la leur.

 

Entreprises de presse : la crise existentielle était là bien avant le Covid-19

En 100 jours de confinement, l’impact a été très fort dans le secteur de la presse, qui vivait déjà des problèmes majeurs bien avant le déclenchement de la pandémie du Covid-19. Dans ce sens, le PDG du Groupe le Matin rappelle que «la presse papier vivait une crise existentielle». «Le modèle économique a changé et il n’y a pas de modèle alternatif. Même quand on parle de numérique ou de presse digitale, la monétisation ou la façon de faire du revenu n’est pas la même que dans un format classique avec des ventes et des recettes publicitaires», a-t-il souligné. 

Pour Mohammed Haitami, avec un lectorat qui se rétrécit continuellement, il est aujourd’hui normal d’avoir moins d’annonceurs. Avant le Covid-19, on s’employait à gérer cette équation difficile.  Si bien que de nombreux groupes, dont le nôtre, ont essayé de faire une transition digitale, précise-t-il. «Or, en pleine transition, en pleine recherche de relais de croissance et de création de valeur cette pandémie est survenue révélant un certain nombre de fragilités, mais ouvrant aussi des opportunités, y compris pour les entreprise de presse», affirme M. Haitami. 

Évoquant la santé du secteur en général et du Groupe le Matin en particulier, l’invité de Rachid Hallaouy a affirmé que les chiffres étaient parlants, qu’ils traduisaient les difficultés que traverse le secteur. Avec la décision des autorités d’arrêter l’impression de la presse papier dans le cadre des mesures sanitaires, les journaux ne pouvaient plus sortir. Une décision difficile mais tout à fait légitime, a souligné M. Haitami, car «Même si on avait continué à imprimer nos journaux, nous n’aurions pas pu les diffuser et les vendre, puisque les cafés étaient fermés, la circulation entre les villes coupée…»

«Pour limiter les dégâts et assurer la continuité de notre travail, tout le monde au sein du Groupe s’est mobilisé et d’énormes sacrifices ont été consentis. Nous avons adopté le télétravail, nos éditions étaient réalisées à distance et nous avons ouvert nos plateformes au public», a-t-il expliqué. De même, «Face à l’effondrement des ventes, nous avons continué à supporter toutes les charges liées à la production du contenu audiovisuel ou écrit et nous avons maintenu l’ensemble de nos effectif », a-t-il confié, rappelant que le chiffre d’affaires était de l’ordre de zéro pendant la période du confinement. Toutefois, tout n’est pas négatif dans cette crise. Mohammed Haitami y voit quelques éléments positifs porteurs d’espoir. En effet, la solidarité des collaborateurs qui ont accepté une baisse de leurs salaires ainsi que la constatation d’une grande amélioration de la qualité des contenus au niveau de tous les supports sont des points important à retenir de cette crise, selon le même responsable.

 

Le télétravail : un facteur d’amélioration de la qualité

À quelque chose, malheur est bon. Certes, le confinement a chamboulé les habitudes de travail des journalistes, mais il aura permis une amélioration de la qualité du contenu éditorial. «Cette amélioration est due notamment au télétravail qui a créé une nouvelle situation en déchargeant les effectifs de nombreuses contraintes, en particulier le transport». Selon M. Haitami, le fait de rester chez soi a changé également la relation au travail. «Aujourd’hui, donner un rendu depuis la maison permet de faire preuve d’ingéniosité, puisqu’il faut composer avec un environnement nouveau qui n’est pas forcément similaire à celui du bureau», a-t-il souligné, en rappelant que le Groupe était encore en télétravail.

Mais ce changement dans le mode de travail n’a pas été facile au départ. Des retards de bouclage, dus notamment à des problèmes de connexion internet à domicile, ont été constatés. «Nous nous sommes penchés sur ces nouvelles contraintes en concertation avec les représentants du personnel et en lançant un sondage auprès des collaborateurs. Ainsi, nous avons proposé des solutions en équipant nos collaborateurs de matériel informatique chez eux et en mettant à leur disposition des connexions internet haut débit», a expliqué le responsable du Groupe.

 

Gestion de la crise : le Maroc a fait un sans faute

La crise liée à la pandémie du Covid-19 a nécessité une grande mobilisation et une forte réactivité. Mohammed Haitami estime ainsi que le Royaume a réussi à mettre en place quelque chose de très important et que tout chef d‘entreprise voudrait mettre en place, à savoir l’agilité. Cette capacité de pouvoir réagir rapidement à une situation et donner une réponse adéquate et spécifique. Selon lui, l’idée aujourd’hui est de faire en sorte que la vie normale reprenne ses droits, mais tout en restant extrêmement prudent. «L’administration territoriale doit être plus réactive, sachant qu’on est dans une situation où tous les rôles sont en train de changer. L’agent d’autorité a aujourd’hui un autre rôle, les médias ont un autre rôle également», a-t-il souligné tout en se félicitant du parcours sans faute fait par notre pays. Tout en minimisant l’importance des critiques faites aux mesures prises par l’État, M. Haitami a estimé que «la crise a été bien gérée», citant à cet égard l’exemple des aides financières distribuées à plusieurs millions de Marocains, la réactivité des industries pour faire face à la pandémie ainsi que les aides octroyées à une quinzaine de pays africains frères et amis. Mieux encore, selon lui, face à la paralysie du tourisme, à la chute considérable des revenus des métiers mondiaux du Maroc, à  la baisse des transferts des MRE, le Maroc a eu des réponses efficaces, a indiqué M. Haitami.

 

Royal Air Maroc, un outil de souveraineté 

Le secteur du transport aérien a été fortement impacté par la crise. Tous les opérateurs internationaux ont été contraints de mettre en place des plans de redressement. La compagnie aérienne nationale Royal Air Maroc n’a pas été épargnée, c’est pourquoi l’État a décidé de lui consacrer 6 milliards de dirhams dans le cadre d’un plan de sauvetage. Selon M. Haitami, il s’agit d’un choix souverain qui dépasse les calculs financiers, car «RAM est considéré comme un outil de souveraineté et l’un des vecteurs qui ont permis au Maroc de rayonner en Afrique». «Sans cette compagnie, les banques n’auraient pas pu se développer en Afrique», a-t-il affirmé, ajoutant par ailleurs que ce soutien est une preuve de la réactivité de l’État marocain.

Revenant sur la stratégie de la compagnie aérienne pour gérer cette crise et qui prévoit, entre autres, de se séparer d’une partie de sa flotte, M. Haitami a été catégorique. «Ce que je peux vous dire, c’est que quand ça va mal on dégraisse, quand ça va mieux on achète», a-t-il martelé. Toutefois, il s’est interrogé sur les chances de RAM de pouvoir vendre ses appareils sur un marché où déjà 18.000 avions d’occasion sont en vente. Défendant cette opération, il a affirmé que ce qui est vendu aujourd’hui peut être racheté demain.

 

Le Maghreb : les responsables du blocage seront jugés par l’Histoire

Au moment où le rêve de la construction du grand maghreb ne s’est toujours pas concrétisé, le Maroc a fait le choix d’avancer. Le Royaume a en effet diversifié ses partenaires et a dépassé la question des frontières pour s’ouvrir sur ses horizons européen et africain. Toutefois, le-non-Maghreb reste une véritable déception. Pour Mohammed Haitami, «il y a une grande amertume pour cette non-construction du Maghreb et il y aura un procès devant l’Histoire de ceux qui sont derrière ce blocage». 

Car selon lui, la construction de cette union aurait pu éviter plusieurs problèmes aux pays de la région. «Ce qui se passe actuellement en Libye ne se serait pas passé si l’Union maghrébine avait été mise en place», souligne M. Haitami, qui affirme que le Maroc ne fait plus une «fixette» sur l’ouverture des frontières. Le Maroc continue d’avancer et s’est ouvert sur d’autres horizons «et ce n’est pas le Covid-19 ou d’autres problèmes qui vont arrêter cette marche».

 

La flexibilité de l’emploi pour recruter facilement

Perte d’emploi, baisse des recrutements… la pandémie du Covid-19 va inéluctablement accentuer le chômage. Le gouvernement a été le premier à évoquer la limitation des recrutements au niveau de plusieurs secteurs publics. Dans ce cadre, cette crise sanitaire, qui a mis au jour, selon M. Haitami, certaines difficultés liées notamment au Code du travail, pourrait accélérer certaines réformes longtemps revendiquées par le patronat. Dans ce sens, il a rappelé que la CGEM défend une idée selon laquelle «si vous avez une flexibilité de l’emploi ou la possibilité de vous séparer d’un employé, sous certaines conditions, vous allez recruter plus facilement». Mais un juste milieu doit être trouvé avec les partenaires sociaux et l’État qui doit jouer le rôle de l’arbitre, a-t-il affirmé.

Pour réformer l’emploi, plusieurs pistes sont possibles. Parmi lesquelles : encourager les accords sectoriels tenant compte des spécificités des activités saisonnières par exemple, a estimé M. Haitami, rappelant qu’au-delà des deux principales formes de contrat de travail en vigueur au Maroc, à savoir les contrats CDI (contrat à durée indéterminée) et CDD (contrat à durée déterminée), d’autres formes de contrat de travail étaient possibles et sont appliquées dans plusieurs pays. Il a plaidé dans ce sens pour un modèle marocain «tenant compte de nos spécificités en termes d’éducation et de formation». Selon lui, cette formation ne rend pas les gens fortement «employables», d’où l’importance des stages pour permettre à ceux-ci de le devenir.

 

Un Maroc qui se réinvente

«Le Maroc est en train de se pencher sur son passé pour mieux appréhender son avenir», a souligné Mohamed Haitami, faisant savoir qu’il y avait une véritable reprise de confiance entre les citoyens et l’État. Ce dernier a été à la hauteur des aspirations avec une communication transparente sur la pandémie, ce qui lui a donné de la crédibilité. Mieux encore, cette crise a prouvé que l’administration marocaine avait la capacité de s’améliorer, de changer et de se moderniser, comme en témoignent, selon lui, les transformations majeures qui ont eu lieu en si peu de temps. «Lorsque vous transformez l’administration, vous donnez de l’élan à l’entreprise».

Revenant sur les propositions «pertinentes» de la CGEM pour une sortie de crise, M. Haitami a affirmé que le secteur privé avait mis sur la table un certain nombre de réformes qui sont demandées depuis des années et qu’il était temps de les voir se concrétiser. La CGEM défend la préférence nationale et la commande publique et «c’est légitime», a-t-il indiqué, rappelant que tous les pays avaient fait la même chose. «Les industriels marocains ne demandent qu’à avoir des opportunités de produire et il n’y a pas de contradictions entre les volontés de l’état et du patronat», a-t-il conclu. 

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