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«La mondialisation est dynamisée par les interdépendances, y compris la pandémie de Covid-19»

Est-ce qu’on peut parler de «démondialisation» ? Est-ce qu’on peut défendre la thèse d’un «délitement de la mondialisation qui se traduit par l’émergence d’un système dominé par des actions menées de manière unilatérale ?» Des experts des deux bords, de Paris et de Rabat, ont essayé d’apporter des éléments de réponse à ces questions qui sont devenues d’actualité, étant donné que «la crise sanitaire de Covid-19 a pris une nouvelle ampleur et a radicalement changé l’ordre de l’économie mondiale».

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Un débat a eu lieu mardi et a été diffusé en deux temps, à partir de Paris et de Rabat dans le cadre des débats des «Dialogues stratégiques» organisés depuis 2016. En effet, le Policy Center for the New South et le HEC Center for Geopolitics organisent chaque année deux éditions de ces rencontres. Cette neuvième édition a focalisé sur le concept de «démondialisation» en analysant «les nouveaux paradigmes de l’ordre mondiale, entre mondialisation et protectionnisme» (volet mis en avant à partir de Paris, voir : www.lematin.ma) et «démondialisation et sécurité économique face aux défis de la Covid-19». Ce dernier volet a été développé par des experts marocains à partir de Rabat. Il s’agit de l’ancienne ministre de la Femme et de la famille et ancienne ambassadrice, Nouzha Chekrouni, l’ancien ministre de l’Économie et des finances, Fathallah Oualalou, l’ancien ambassadeur du Royaume auprès des Nations unies, Mohammed Loulichki, et l’économiste et membre de la Commission spéciale sur le modèle de développement, Larabi Jaïdi. La rencontre a été clôturée par Karim El Aynaoui, le président de Policy Center for the New South. Ce dernier a souligné, dans ce sens, que la mondialisation «c’est aussi la densification et l’explosion du trafic commercial ainsi que du déplacement de biens, avec une forte intensité en carbone. Cette question ne peut pas être étudiée sans le climat, l’ordre mondial et la place du Sud dans sa reconfiguration», a-t-il déclaré. De même, par rapport à la pandémie de Covid-19, il a parlé d’une forte demande de sécurité de la part des populations, «une demande des biens de base que l’on considérait comme garantis, tels que la question alimentaire, le domaine médical également», a-t-il dit.

Ce qui conforte les analyses des autres experts intervenants. En effet, les participants à cette session de Rabat de la neuvième édition des Dialogues stratégiques ont noté que la crise sanitaire a dévoilé les défaillances d’une mondialisation en pleine redéfinition et a fait prendre conscience de la montée des risques, notamment la résurgence du protectionnisme et la perte de contrôle de secteurs stratégiques. Ils ont fait observer que les pays du Sud, animés par la logique de l’attractivité, n’interviennent pas dans le notion de relocalisation, mais plutôt dans la logique de reconquête du marché intérieur à travers le concept d’import-substitution ou encore d’industrialisation par substitution aux importations, précisant toutefois que cette attitude économique ne devrait pas être être inspirée par une idée de protectionnisme afin de préserver la qualité des produits et développer la chaine de valeur. Ils ont estimé que pour réussir sa stratégie, un pays, quel qu’il soit, n’a d’autre choix que de s’ouvrir. Selon eux, l’industrie des pays du Sud est appelée à s’insérer dans la logique 4.0 qui correspond à une façon d’organiser les moyens de production orientée vers l’innovation afin d’intégrer la dynamique de la chaine de valeur internationale, en plus de la nécessité de promouvoir le rapprochement entre l’industrie et les services qui sont deux secteurs différents mais complémentaires, du fait que la plupart des produits industriels incorporent des services. S’agissant du concept de mondialisation, les experts marocains ont estimé qu’il a transformé le monde en un village global et qu’il a créé une interdépendance et une interconnexion entre les États en offrant des opportunités économiques et en posant des défis communs. «Car, en tant que processus à la fois incontournable et irréversible, elle permet une ouverture économique sur le monde et se présente comme une promesse de développement multilatéral à même de réduire les disparités entre les pays du monde.

La mondialisation interpelle du fait que depuis que les organisations internationales ont commencé à coordonner la coopération et à construire les interdépendances entre les États, elle a créé des marginaux et des laissés pour compte, notamment en Afrique où plus de 400 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté», ont-ils expliqué. Ainsi, selon eux, ce concept sert les intérêts des pays développés en enrichissant les plus riches sans pour autant offrir une vie décente aux plus défavorisés. Une situation qui poussé à faire émerger des mouvements de contestation de par le monde qui sont empreints d’une remise en cause de la démocratie représentative, d’une désaffection vis-à-vis des élites gouvernantes et d’un recul manifeste des valeurs humaines qui ont présidé à la création des institutions multilatérales telles que celles de la solidarité et la coopération pour le développement. «Cette situation a également poussé à la réflexion à des alternatives à la mondialisation, à l’instar d’un “retour en autarcie”, des appels à la démondialisation, à la relocalisation, au repli national, au renforcement de la souveraineté économique ou encore de l’autonomie industrielle», a-t-il été défendu lors de ces Dialogues. Par rapport à la pandémie, ils ont avancé que cette crise inédite et mondialisée a été à l’origine de la mobilisation des États contre la pandémie et nécessitera inéluctablement une refondation du monde post-crise, notant à cet égard que le monde est sur le point d’assister à la confirmation de quatre tendances pressenties depuis le début du siècle.

Il s’agit de la montée de la Chine et de l’Asie. La deuxième tendance s’articule autour d’une nouvelle bipolarité qui s’installe entre la Chine et les États-Unis avec tout son lot de tensions. Le recul de l’Europe, qui fait preuve d’une forme d’inertie et le chamboulement régressif en Méditerranée représentent la troisième tendance. Alors que la quatrième réside dans le numérique et l’intelligence artificielle, en tant que forces motrices de la mondialisation pilotées par le GAFAM américain (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft) et le BATX chinois (Baidu, Alibaba, Tencent et Xiaomi). En somme, les participants ont démenti les affirmations selon lesquelles l’on assisterait à une démondialisation ou que le monde aurait besoin de décroissance. Ils ont plutôt considéré que la mondialisation est dynamisée par des interdépendances inévitables, la pandémie elle-même étant un résultat de la mondialisation. 

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