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«Notre objectif est d’avoir des honoraires fixes pour pouvoir travailler sur une base claire et transparente»

Le Conseil national de l’Ordre des notaires annonce une série de grèves en protestation contre la décision de plafonner les honoraires. Dans un entretien accordé au «Matin», le président du Conseil régional des notaires de la région de Béni Mellal-Khénifra, Maître Mohamed Labdaoui, explique la position de la profession et les raisons de la colère de ses pairs.

«Notre objectif est d’avoir des honoraires fixes pour pouvoir travailler  sur une base claire et transparente»
Ph. SEDDIK

Le Matin : Vous annoncez des grèves contre le plafonnement des honoraires. Ne craignez-vous pas que l’opinion publique pense que votre démarche est dictée par l’appât de gain ? D’autant que ces derniers temps certains notaires ont défrayé la chronique par leur conduite qui est loin d’être exemplaire ?
Mohamed Labdaoui :
Vous avez bien fait de poser cette question. Cela va me permettre d’éclairer l’opinion publique sur un certain nombre de points, notamment le mouvement de grève que nous devons entamer. Dans les faits, il est dans l’intérêt du citoyen et celui de l’investisseur national ou étranger. Notre objectif est d’avoir des honoraires fixes, clairs afin de pouvoir travailler sur la base de la transparence et pour que nos clients sachent d’avance ce qu’ils doivent payer chez les notaires pour les transactions qu’ils veulent accomplir. S’agissant de l’avis du Conseil de la concurrence, c’est un avis consultatif et nous considérons qu’il a mal interprété l’article 15 de la loi régissant la profession de notaire. Cet article stipule que «le notaire a le droit de percevoir des honoraires dont le montant et les modalités de perception sont fixés par voie réglementaire». Ce décret est un régulateur et une forme de protection pour tous les usagers des offices notariaux. C’est de cette manière qu’on peut établir un contrat de confiance clair sur une base légale.

Les discussions avec le gouvernement avaient très bien avancé à un certain moment. Quelle a été la véritable cause de la rupture du dialogue ?
Je tiens à rappeler que la loi qui régit actuellement la profession date de 2011. Elle a été mise en vigueur depuis 2012 et nous avons attendu presque huit années pour avoir un décret qui réglemente et qui fixe les honoraires du notaire. Pendant toutes ces années, il y a eu beaucoup de changements au niveau gouvernemental. C’est un décret qui sort de l’ordinaire puisqu’il a été élaboré sous l’égide de trois ministres, à savoir Mustapha Ramid, Mohamed Aujjar et enfin l’actuel ministre, Mohamed Ben Abdekader. Il a donc fallu huit ans pour avoir ce décret. Nous avons tenu pas moins de 52 réunions de concertation avec tous les secteurs. Nous sommes parvenus à un consensus sur des honoraires qui sont fixes et équitables. Le problème s’est posé quand on a envoyé le projet au secrétariat général du gouvernement. La rupture a commencé quand on nous a refusé un droit légitime et qui est un fondement de la loi qui régit notre profession. Le deuxième point, c’est que nous avons toujours exigé de faire la distinction entre deux points. Le premier concerne les actes qui sont usuels dans les études des notaires et qui doivent avoir une tarification fixe et claire. Le deuxième point concerne les actes ne figurant pas sur cette grille et qui doivent faire l’objet d’une convention entre le client et le notaire déterminant les honoraires à l’amiable.

En faisant grève, beaucoup de transactions ne seront pas accomplies. Donc c’est le citoyen qui payera les frais de votre désaccord avec le gouvernement. N’est-ce pas là un chantage fait au gouvernement ?
Il ne s’agit pas d’un chantage. Nous avons toujours pris en considération l’intérêt du citoyen. Il faut rappeler que le notaire est investi de l’autorité publique et assure un service public, même s’il exerce dans un cadre libéral. D’ailleurs, nous ne pouvons pas considérer la profession de notaire comme une profession libérale au sens propre et, de ce fait, nous ne pouvons pas la soumettre à la loi de l’offre et de la demande. De plus, il y a une incompatibilité entre l’exercice du notariat et du commerce. Comment peut-on imaginer soumettre le notaire à la loi de l’offre et de la demande alors qu’on lui interdit de faire de la publicité ? Il est nommé par l’État et investi par l’autorité publique pour conférer l’authenticité aux conventions qu’il reçoit, donc le statut du notaire a une certaine particularité qui justifie ce besoin d’avoir des honoraires réglementés et fixes. Si on ne fixe pas ces honoraires, on va se retrouver dans une anarchie qui va porter préjudice à l’investisseur et au citoyen. C’est d’ailleurs notre principal souci.  Contrairement à ce qu’il se dit sur cette volonté de vouloir gagner plus d’argent, on veut plutôt travailler dans la transparence et sauvegarder l’impartialité du notaire en traitant les dossiers. Il faut rappeler que le notariat marocain est membre de l’Union du notariat international latin et que l’on considère le notaire comme un juge de prévention des litiges et un juge volontaire qui participe à la stabilité des transactions, à la sécurité juridique, à la paix sociale et tous ces éléments doivent être pris en considération.

Lors de votre dernière conférence de presse à Casablanca, vous aviez dit que le problème se pose «lorsque des notaires commencent à percevoir des rémunérations inférieures au tarif en vigueur». Ne pensez-vous pas qu’il s’agit là d’un échec de l’Ordre qui n’arrive pas à imposer une certaine discipline parmi ses membres ?
Non ! il ne s’agit pas d’un échec. Cela fait des années que nous avons entrepris d’améliorer les conditions de travail et d’améliorer la qualité de nos prestations. Nous visons l’excellence, nous avons procédé à la digitalisation, nous visons aussi bientôt d’avoir l’acte électronique. Nous considérons que la loi 32.09 régissant actuellement la profession est pénalisante et qu’elle représente un obstacle à l’évolution pour rendre notre pays plus attractif, à l’instar des pays développés. En ce qui concerne les citoyens, nous ne voulons pas qu’ils se retrouvent dans une jungle où il n’y a pas de réglementation qui détermine des honoraires fixes et clairs et qui laisse la porte ouverte pour facturer les honoraires à la tête des clients.

Si le gouvernement refuse de faire des concessions ou de revenir sur sa décision, jusqu’où le Conseil est-il prêt à aller dans ce bras de fer ?
Vu que nous sommes convaincus de la légitimité de nos revendications, nous allons user de tous les moyens possibles et légaux pour faire valoir nos droits. La grève est d’ailleurs une expression de colère pour faire entendre notre voix. Nous sommes dans un État de droit et la Constitution préconise l’approche du partenariat avec tous les acteurs. Le dialogue est donc l’unique moyen qui permet d’aboutir à un équilibre. Je rappelle que nous rendons un service important à l’État en étant des collecteurs des recettes à titre gratuit et nous sommes fières d’accomplir cette noble mission.

La profession de notaire est très fermée. Les règles pour y accéder ne sont pas claires pour tout le monde. Est-il vrai que pour devenir notaire il faut être coopté ? Ne s’agit-il pas là d’une entorse au principe de l’égalité des chances et de méritocratie ?
Détrompez-vous, ce n’est pas la réalité de la profession. Les statistiques en disent long sur la question. Depuis 2012 et jusqu’à aujourd’hui, le nombre de notaires a progressé de manière rapide. Nous avons enregistré une hausse de 150%. Il y a eu une ouverture de la profession à toutes les classes sociales. La profession n’est plus réservée à une certaine élite de la société et je suis d’ailleurs la preuve vivante de cette réalité. Je suis issu de l’école publique et je suis fier d’être un pur produit de l’université marocaine. De plus, je suis issu de la classe moyenne et c’est une preuve vivante qui réfute nombre de préjugés autour de cette profession. 

Entretien réalisé par Ayoub Lahrache

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