Management & Carrière : La santé et sécurité au travail est aujourd’hui plus que jamais un enjeu crucial dans ce contexte de crise sanitaire, notamment pour un déconfinement sécurisé. À votre avis, comment les entreprises devront-elles aborder cet enjeu et cette phase critique ?
La multiplication des foyers professionnels, ces dernières semaines, a démontré que nombre d’entreprises ne s’étaient pas bien préparées pour la reprise des activités ou ont tout simplement ignoré les risques, mettant ainsi en danger leurs collaborateurs. Qu’en pensez-vous ? Où se situe donc la frontière entre la responsabilité de l’employeur et celle de l’employé ?
Nous sommes face à une responsabilité collective. De mon point de vue, les directions d’entreprises doivent être directement impliquées et ce au plus haut niveau. C’est un sujet sérieux et critique qui nécessite d’être bien préparé et pensé de bout en bout afin de ne laisser aucune brèche dans le dispositif. Cela requiert, entre autres, une identification précise des risques, la formation des collaborateurs en conséquence, et cela de façon adaptée aux contraintes et aux enjeux de chaque secteur d’activité. Concrètement, le parcours complet du collaborateur doit être analysé en termes de risques de santé et de sécurité, et ce, à partir du moment où il quitte son domicile jusqu’au moment où il y retourne. Cela inclut notamment une réflexion relative à son transport, aux mesures de distanciation dans les espaces collectifs de travail et à l’utilisation des dispositifs de protection individuels (EPI). De plus, l’environnement de travail doit être «sécurisé» grâce à des opérations préventives de nettoyage et de désinfection avec des produits spécifiques, et à la remise en route des systèmes de climatisation selon une procédure spécifique. Une bataille ne peut se gagner sans un plan réfléchi à 360 ° et dans la limite du possible exhaustif. Prévenir la propagation du virus ne peut se faire que si l’étape de préparation est robuste, il n’y a pas de place pour de l’approximatif. Quant à la responsabilité de l’employé, il a évidemment celle de prendre conscience de sa propre protection et de ne pas mettre en risque ses collègues. Culturellement, il faut lutter contre toute facilité ou penchant à évoquer la fatalité. L’adage qui veut que prévenir vaut mieux que guérir prend ici tout son sens.Comme vous l’avez précédemment évoqué, Sodexo Maroc a préparé pour ses clients un programme de reprise d’activité post-confinement qui répond justement aux enjeux d’hygiène, de sécurité, de bien-être et de productivité. Dites-nous en plus.
Le retour sur les lieux de travail en toute confiance est au cœur de notre programme de reprise d’activité «Rise with Sodexo». L’enjeu est d’accompagner nos clients et leurs collaborateurs avec une approche pensée de A à Z pour répondre aux impératifs organisationnels imposés par le Covid-19. Le programme inclut le réaménagement des espaces, le déploiement d’une signalétique informative, l’adaptation de la restauration avec des menus simplifiés ou à emporter avec l’élimination de tous les points contacts risqués (par exemple le fait de retirer les carafes d’eau, l’accès aux distributeurs automatiques, ou la suspension des salades bars). Tout a été réfléchi dans les moindres détails. Nous avons également lancé des opérations de nettoyage et de désinfection préventive, en plus de renforcer la sécurité des systèmes de climatisation. Nous avons la chance de bénéficier de l’expérience internationale de notre Groupe actif dans des pays touchés par la pandémie avant le Maroc. Notre programme local de reprise se nourrit de l’expérience et de l’expertise de notre Groupe qui s’est doté d’un Conseil médical Consultatif dont la vocation est de proposer des orientations techniques et validation de protocoles en termes de prévention pour la santé et la sécurité au travail.Comment vos clients ont-ils accueilli ce programme et dans quelle mesure l’ont-ils adopté ?
Nos clients ont apprécié notre anticipation en la matière, nous les avons quelque part soulagés face au caractère relativement anxiogène que représente le retour de leurs collaborateurs sur les lieux de travail. Avant même les annonces de déconfinement progressif, nos responsables opérationnels avaient organisé des séances de travail avec nos interlocuteurs clients, au niveau des directions des ressources humaines et des moyens généraux, pour discuter les modalités de déploiement de notre programme. Chaque plan de reprise est d’ailleurs adapté de manière spécifique à chaque client. Nous avons également pensé à des signes d’attention pour accueillir à nouveau les collaborateurs de nos clients, à travers notamment des «Welcome Back gifts bags» contenant le nécessaire pour assurer les respects des gestes barrières (masques, gel hydroalcoolique, lingettes de désinfection des surfaces, crème pour les mains, etc.).Nous sommes ravis de voir que l’ensemble des clients que nous avons accompagnés à travers notre programme de reprise d’activité ont passé avec succès les contrôles des autorités locales, avec des retours élogieux.Notre vocation d’amélioration de la qualité de vie au travail a pris un sens nouveau, plus concret et plus pragmatique.De manière générale, un grand nombre de salariés restent encore réticents à un retour sur les lieux du travail, étant peu confiants quant à la sécurité des locaux. Comment l’employeur peut-il restaurer la confiance et rassurer ses employés ?
Nous pensons qu’il est indispensable de maintenir les échanges humains et le lien social. D’ailleurs, le télétravail ne peut être généralisé à l’ensemble des secteurs d’activité (industries, hôtellerie, santé, etc.). De manière générale, je reste convaincue que le télétravail ne peut être envisagé que comme une solution alternative temporaire ou au mieux, pour certaines entreprises tertiaires, comme une solution combinée avec du présentiel (Flex Office). Certains employeurs sont en train d’adopter le télétravail comme «nouveau dogme», guidés en cela par l’opportunité d’alléger des coûts de fonctionnement. Cette vision est très court-termiste. J’alerte sur le fait que le télétravail appréhendé uniquement par des préoccupations économiques mènera à un isolement social et professionnel, car il ne garantit pas aux employés des conditions de travail égales. C’est la raison pour laquelle nous sommes aux côtés des employeurs conscients que la préservation du lien social est une condition de la performance, du bien-être des collaborateurs, et du succès de leur organisation.Sodexo Maroc prône la qualité de vie au travail. Comment ce volet va-t-il se décliner désormais dans l’entreprise post-Covid-19 ? Y aura-t-il une nouvelle normalité pour ce concept ?
Il y a une prise de conscience que nos métiers ne sont pas une commodité, mais présentent un caractère essentiel au bon fonctionnement des organisations. Notre mission d’amélioration de la qualité de vie au travail est partie intégrante de notre métier. Pour Sodexo, il s’agit donc de continuer à décliner notre expertise en restauration, propreté et maintenance des infrastructures de nos clients en lien avec notre culture de maîtrise des risques et de renforcement du lien social. L’importance de nos services vis-à-vis du bien-être des collaborateurs et de la performance des organisations a été mise en lumière durant la crise et nous espérons que cette prise de conscience perdurera dans le temps.