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Quelles précautions prendre chez les personnes âgées ?

Cette année, en plus des questions habituelles que l’on peut se poser concernant la possibilité du jeûne des personnes âgées durant le mois sacré du Ramadan, s’ajoute les inquiétudes concernant la crise sanitaire du Covid-19.

Quelles précautions prendre chez les personnes âgées ?

Les personnes âgées sont particulièrement fragiles face au coronavirus. Durant le mois du Ramadan, elles sont appelées à prendre encore plus de précautions que les plus jeunes. «Le Ramadan est en général sans danger pour les pratiquants et l’âge n’est pas en soi un obstacle à son bon respect. Il existe des contre-indications absolues, quel que soit l’âge, en cas de diabète traité à l’insuline et non équilibré, d’insuffisance rénale, de maladie cardiaque... et de toute autre pathologie ne supportant pas un jeûne même court. Il est sage, en tout état de cause, de faire le point avec son médecin traitant pour ne pas mettre sa santé en péril, et de faire preuve de responsabilité, surtout après 75 ans, âge où le jeûne est plutôt à déconseiller», souligne Khadija Moussayer, spécialiste en médecine interne et en gériatrie, et présidente de l’Association marocaine des maladies auto-immunes et systémiques (Ammais). «Les personnes âgées de plus de 60 ans ainsi que leur entourage doivent par contre savoir que leurs paramètres physiologiques, très différents d’une personne plus jeune, les obligent à plus de vigilance et même de sagesse, surtout dans cette période difficile de l’épidémie du coronavirus. Si les personnes en bonne santé doivent pouvoir jeûner pendant ce Ramadan, comme les années précédentes, les patients atteints de Covid-19 devraient toutefois envisager de ne pas le faire. Ils doivent suivre les dérogations prévues par la religion, en concertation là aussi avec leur médecin, comme pour toute autre maladie», ajoute-t-elle.

Pendant le mois du Ramadan, les personnes âgées ont souvent tendance à diminuer leur apport alimentaire sans que leurs besoins énergétiques soient réduits. Or, contrairement aux idées reçues, les besoins énergétiques des personnes âgées sont presque identiques à ceux de l’adulte jeune, soit 2.000 kcal/j pour l’homme et 1.800 kcal/j pour la femme contre respectivement 2.800 et 2.200 à 30 ans. De ce fait, la conjonction d’une baisse de l’appétit et l’observation de longues heures de jeûne peuvent compromettre l’état nutritionnel de la personne âgée et mener à une spirale de conséquences fâcheuses. «La personne âgée ne doit donc pas restreindre sa consommation alimentaire habituelle après la rupture du jeûne sans d’ailleurs verser dans des excès tout aussi nocifs, quel que soit l’âge ! Elle ne doit pas non plus baisser ses apports en eau. Les pertes en eau de la personne âgée sont aussi plus importantes à cause de la plus forte résistance du rein à l’action d’une substance qui limite les pertes en urine (l’hormone antidiurétique). De plus, les mécanismes de régulation sont moins bien assurés, et l’élimination des surplus de sucre ou de sodium s’accompagne d’une plus grande perte en eau. L’équilibre hydrique est également menacé par certains médicaments (diurétiques, neuroleptiques…). Pour toutes ces raisons, les besoins en eau de boisson sont toujours plus élevés chez la personne âgée que chez l’adulte jeune (1,7 l/j contre 1,5 l/j), d’autant plus que les signes d’une déshydratation, en particulier lors du Ramadan, sont souvent tardifs et pas toujours faciles à interpréter», explique Khadija Moussayer. 

La présidente de l’Ammais appelle également les personnes âgées à faire attention à la fonte du capital musculaire. Ce phénomène, la sarcopénie, a des répercussions considérables par les faiblesses qu’il provoque, telles que des risques infectieux par baisse des réserves protéiques nécessaires aux défenses immunitaires, chutes et fractures éventuelles compromettant l’autonomie de la personne âgée. Il est ainsi conseillé de consommer des protéines animales (viandes, poissons…) et/ou végétales (amande, pistache, noix de cajou, haricots rouges, lentilles, pois chiches…). 

Dr Moussayer recommande aussi de bien dormir et de rester actif pendant ce mois. «Pour parer aux conséquences de la sédentarité durant le confinement exigé par l’épidémie du coronavirus, il est conseillé de se lever toutes les 30 minutes au minimum pour marcher pendant 4 ou 5 minutes et de faire des exercices de souplesse et de renforcement musculaire, au moins pendant 15 minutes par jour : même dans un espace restreint, c’est un bon moyen de maintenir la masse musculaire. Cette activité physique a également un impact positif sur le sommeil et sur le moral en général», recommande-t-elle. 


Les médicaments et le jeûne

Les médicaments restent en plus grande quantité et plus longtemps dans l’organisme d’une personne âgée. Leur élimination rénale ralentie, leur accumulation dans les graisses et leur passage plus agressif dans le cerveau rendent de fait les personnes âgées beaucoup plus fragiles face aux médicaments. Ainsi, le paracétamol s’élimine deux fois plus lentement, le diazépam (valium) quatre fois plus lentement : il faut 80 heures – 3 jours ! – pour éliminer la moitié de la dose donnée de ce dernier médicament qui, avec une prise quotidienne, peut s’accumuler jusqu’à l’intoxication. 

L’observance du Ramadan se révèle ainsi toujours problématique face à la prise de médicaments, même anodins en apparence. Surtout quand on sait que l’intoxication médicamenteuse est responsable d’un tiers des hospitalisations des personnes âgées dans les pays développés ! Une étude réalisée en France en 2015 par l’association et revue renommée «Que Choisir» a même montré que 40% des prescriptions médicales pour les personnes âgées étaient inappropriées et donc potentiellement dangereuses ! Il faut donc toujours consulter son médecin sur la bonne prise de son traitement lors du Ramadan.


Questions à Khadija Moussayer, présidente de l’AMMAIS

«Il faut adopter autant que possible de nouvelles heures de sommeil identiques et régulières d’un jour à l’autre»

Rencontrez-vous des problèmes avec vos patients âgés pendant le mois du Ramadan ?

Je suis souvent amenée à batailler ferme avec des personnes âgées qui s’obstinent plus que de raison à observer le jeûne, malgré leur grand âge et/ou leurs pathologies. On ne peut que comprendre leur désir de participer à ce grand moment d’élan spirituel, mais il faut malheureusement savoir dire «stop» à un moment. Je dois d’ailleurs dire que j’ai en général le soutien de leurs enfants à cet égard. Les corps s’épuisent en effet au fur et à mesure des jours de jeûne et je constate fréquemment que les reins n’arrivent plus à suivre, les cœurs peinent à la tâche, les diabètes ne sont plus équilibrés, l’automédication pour tenir le coup a des effets désastreux.

Quels conseils pouvez-vous donner aux personnes âgées qui peuvent jeûner ?

Pour jeûner en toute sérénité, il est fortement conseillé à la personne âgée de consulter son médecin avant toute décision d’observer ou non le Ramadan et pour la prise de ses médicaments. Il ne faut surtout pas avoir recours à l’auto-médication !

Il est également important de ne pas diminuer sa consommation alimentaire habituelle, de veiller à consommer une bonne ration de protéines et bien boire (1,7 litre par jour au minimum en moyenne). Il faut aussi maintenir une activité physique de 15 à 30 minutes par jour pour lutter contre les effets nocifs de la sédentarité pendant le confinement et adopter autant que possible de nouvelles heures de sommeil identiques et régulières d’un jour à l’autre. Enfin, il est recommandé de prendre un petit déjeuner très consistant avant le lever du soleil, faire un repas léger au moment de la rupture et en faire un autre trois heures après.

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