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Prise en charge des cas Covid-19 : Le Privé se défend

Depuis quelques mois l’épidémie de Covid 19 connaît une accélération spectaculaire, avec un nombre total des cas positifs supérieur à celui enregistré de mars ou avril derniers. Une situation qui impose à l’État de mobiliser toutes les ressources dont il dispose pour endiguer et faire reculer cette épidémie. Le secteur public ne peut dès lors supporter à lui seul les charges qui en résultent. Ce qui rend nécessaire une implication du privé qui va apporter sa pierre à l’édifice afin de soulager la situation. L’enjeu est aussi de limiter les pertes humaines et sauver des vies. «Les secteurs public et privé constituent une entité indivisible qui travaille de concert pour gagner la bataille contre la pandémie de la Covid-19», avait souligné récemment le ministre de la Santé, Khalid Aït Taleb lors d’une réunion, tenue avec les représentants de l’association nationale des cliniques privés (ANCP) et de l’Agence nationale de l’assurance maladie (ANAM).  L’occasion aussi  pour débattre d’une série de questions qui ont créé des polémiques, en particulier la surfacturation de la prise en charge de certains patients atteints de Covid-19 dans le secteur privé.
En réponse à l’appel de mobilisation, les cliniques ont ouvert leurs portes pour recevoir et soigner les malades atteints de Covid-19. Depuis, la polémique enfle. Les patients s’inquiètent devant des tarifs jugés exagérés. Dans ce cadre et pour faire face à la situation actuelle,  l’Agence nationale de l’assurance maladie a mis en place un  protocole thérapeutique de prise en charge de la pandémie approuvé par le ministre de la Santé et qui a été diffusé auprès de l’ensemble des acteurs et professionnels de santé, accompagné de la grille tarifaire des prestations qui fixe le tarif pour chaque prestation et chaque catégorie de cas clinique, par secteur d’activité (public et privé).
À noter que le protocole thérapeutique et la grille tarifaire sont consultables sur le site de l’ANAMÀ noter que le protocole thérapeutique et la grille tarifaire sont consultables sur le site de l’ANAM. Par ailleurs, ce protocole, assure l’ANAM, permettra de consolider la prise en charge des assurés et bénéficiaires de l’Assurance maladie obligatoire (AMO) atteints de Covid-19 et constituera un référentiel pour le remboursement et la prise en charge ainsi que pour l’exercice du contrôle médical, à même d’éviter d’éventuels abus et dépassements. Il est à souligner que le non-respect des dispositions de ce référentiel, pourra faire l’objet de réclamation destinée à l’ANAM, à travers notamment la plateforme «chikaya». 

Chèques de garantie : Une pratique illégale

Selon des témoignages sur les réseaux sociaux, certains établissements hospitaliers privés exigent  un chèque de «garantie» si le patient est atteint du SARS-Cov-2 afin d’accéder aux services de santé. Sans cette caution, impossible d’être pris en charge ! Les patients et leurs familles crient au secours et dénoncent cette pratique. Le ministre de la Santé, Khalid Aït Taleb, veut couper court aux débats.  En réponse à une question orale sur «la demande de chèques de garantie dans les cliniques privées» présentée par le groupe de l’UMT à la Chambre des conseillers, le ministre a qualifié cette pratique d’illégale. Il s’est référé aux dispositions de l’article 75 de la loi 131.13 relative à l’exercice de la médecine et celles de l’article 316 du Code du commerce. Il a expliqué cette pratique par «l’absence d’un système électronique permettant d’avoir accès aux données dont disposent les compagnies d’assurance pour savoir si le patient à souscrit une assurance auprès d’une société ou non. Il s’agit d’une lacune que l’on exploite».

Repères  

Que dit la loi ?  

Article 2 de la loi 131-13  relative à l’exercice de la médecine indique clairement:  «La médecine est une profession qui ne doit en aucun cas ni d’aucune façon être pratiquée comme un commerce. Le médecin l’exerce loin de toute influence ; ses seules motivations étant sa science, son savoir, sa conscience et son éthique professionnelle. Il doit l’exercer en toutes circonstances dans le respect de la moralité, loin de toute discrimination de quelque nature qu’elle soit, notamment due à l’âge, au genre, à la couleur, aux croyances, à la culture, à l’appartenance sociale, à la langue, au handicap, ou à quelque situation personnelle que ce soit».

L’article 75de la loi 131-13  : «En cas de tiers payant, il est interdit à la clinique de demander aux personnes assurées où à leurs ayants  droit une provision en numéraire ou par chèque ou tout autre moyen de paiement en dehors de la part restant à leur charge».


L’article 316 du Code du commerce : «Toute personne, en connaissance de cause, qui accepte de recevoir ou d’endosser un chèque, à la condition qu’il ne soit pas encaissé immédiatement et qu’il soit conservé à titre de garantie, est punie d’un emprisonnement d’un à cinq ans et d’une amende de 2.000 à 10.000 DH».

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Jaâfar Heïkel : «Des efforts louables ont été faits»

Invité de l’Info en Face, Jaâfar Heïkel, épidémiologiste, professeur de médecine préventive et spécialiste des maladies infectieuses a attiré l’attention sur la mobilisation d’une grande majorité de médecins privés, de paramédicaux, des cliniques et des infirmiers aux côtés de ceux du public en faveur de la santé publique tout en soulignant le rôle important qu’ont joué et jouent encore ces praticiens pour rendre service à la population, soutenir le système médical, endiguer la propagation de l’épidémie et atténuer ses conséquences dévastatrices. Pour lui, et parallèlement, il existe malheureusement des exemples négatifs comme signalé dans les réseaux sociaux, des cas isolés qui posent problème et qui ne devraient pas avoir lieu. Mais l’expert en maladies infectieuses pense qu’il ne faut pas généraliser la manière dont certaines agissent à l’encontre du devoir éthique. Des comportements qui ne sont pas acceptés par la communauté médicale. «Le coût d’une prise en charge en dehors de la réanimation – tout compris – varie entre 12.000 et 15.000 dirhams, en dehors de certains examens spécifiques», éclaire le Pr Jaâfar Heïkel, épidémiologiste. Et de poursuivre que la prise en charge des patients en réanimation est évalué entre 45.000 et 60.000 DH en moyenne et en dehors de certains examens spécifiques. Sans toutefois omettre de rappeler que la prise en charge de la Covid-19 a coûté cher à l’État et coûte cher aussi au privé. L’épidémiologiste a invité les parties «à réfléchir, d’un côté, à une prise en charge “logique” permettant à ceux qui n’ont pas les moyens d’accéder aux services de santé. Mais d’un autre côté, il faut que les prix proposés soient en adéquation avec la réalité du terrain   et aussi avec les dépenses subies par les collègues du service privé». En un mot il faut penser au «juste prix». Toujours selon le spécialiste, «il y a un décalage énorme entre la réalité des soins, les coûts des soins et le prix des soins». 

Les explications de Redouane Semlali

En pleine polémiques sur les prix pratiqués pour soigner ces patients atteints du coronavirus, Rachid Hallouy a interrogé le président de l’Association nationale des cliniques privées (ANCP), Redouane Semlali, sur la question. M. Semlali salue, de prime abord, toutes les cliniques qui sont mises en action pour prendre en charge les cas Covid graves, vu qu’il s’agit d’une pathologie très lourde engageant le personnel qui court de grands risques de contamination. Son passage dans l’Info en Face était l’occasion pour démentir des fake news relayées par les réseaux sociaux.  Il s’agit de l’information concernant un malade Covid dont la famille aurait reçu «une facture de 200.000 dirhams». Le président de l’ANCP rassure que l’information est dénuée de tout fondement. Pour ce qui est du coût de la prise en charge en réanimation le responsable a expliqué : «Nous-mêmes avons été surpris par le coût de la réanimation Covid qui n’a rien à voir avec la réanimation ordinaire classique». Et de poursuivre   «qu’un cas Covid peut consommer 5.000 à 6.000 bouteilles d’oxygène, c’est dire que nous avons aussi eu des difficultés avec nos stocks d’oxygène», avertit le praticien. Pour pallier l’insuffisance des réserves, il a fallu mette en place des bouteilles», se désole-t-il. Toujours selon Pr Semlali, le prix moyen d’une nuit en réanimation pourrait aller jusqu’à 7.000 ou 8.000 dirhams par jour, tandis que hors Covid, une réanimation normale varie entre 800 et 1.000 dirhams. Le professeur estime que «60.000 DH par semaine de facturation, ce n’est pas beaucoup» pour des patients placés en réanimation. Mais les cliniques privées peuvent faire un effort pour réduire les coûts ?  Redouane Semlali dit s’engager à revoir les tarifs à la baisse si le ministère confirme notre accord préalable d’augmenter le seuil de prise en charge à 2.500 DH et de rajouter un forfait oxygène raisonnable.  Et d’ajouter : «il y a 1.000 malades graves du virus, le surplus par jour pour l’État ne serait donc pas énorme ! 5.000 DH par jour pour l’État ? C’est gérable». L’invité de Rachid Hallaouy a également annoncé qu’une réunion est prévue, la semaine prochaine, avec le département de la Santé, et notamment l’ANAM, pour rediscuter de ces points précis. «Le plafond de 1.500 DH pour la réanimation est obsolète, et nous n’avons cessé de soulever ce problème avec les responsables du secteur qui conviennent que ce montant reste insuffisant», insiste-t-il. 

Dossier réalisé par Najat Mouhssine

 

 

 

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