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Les régulateurs nationaux face au défi de l’exploitation des données digitalisées des consommateurs

Le Conseil de la concurrence en partenariat avec la Commission nationale de la protection des données à caractère personnel (CNDP) ont organisé, mercredi à Rabat, une journée d’étude sous le thème «Droit et économie de la concurrence et protection des données à caractère personnel». Cette rencontre était ainsi une occasion de passer en revue les nouveaux défis qui guettent les instances de régulation, notamment le Conseil de la concurrence et la CNDP.

Comment protéger le marché des pratiques déloyales à l’heure où le e-commerce fait florès partout dans le monde et au moment où la digitalisation des données met à mal la vie privée des consommateurs ? Telle est l’une des questions auxquelles ont tenté de répondre des responsables gouvernementaux ainsi que des experts du Conseil de la concurrence et de la Commission nationale de la protection des données à caractère personnel lors d’un séminaire national organisé mercredi à Rabat.
Placée sous le thème «Droit et économie de la concurrence et protection des données à caractère personnel», cette rencontre était une occasion pour jeter la lumière sur les nouveaux défis qui se posent aux instances de régulation, notamment le Conseil de la concurrence et la CNDP, et qui portent notamment sur les pratiques déloyales des plateformes internationales qui exploitent actuellement le vide juridique et économique existant sur le plan national.
Pour Driss Guerraoui, président du Conseil de la concurrence, il est difficile d’appréhender la complexité que pose la mise en œuvre de la loi et l’économie de la concurrence lorsqu’il s’agit de l’exploitation des données à caractère personnel à des fins commerciales. Cette complexité interpelle d’ailleurs les cadres et compétences des instances de régulation afin de moderniser les lois et formuler des politiques à même de protéger les intérêts des entreprises et de citoyens à l’intérieur du territoire national.
En effet, ajoute M. Guarraoui, les études réalisées récemment par la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement et l’Organisation de coopération et de développement économique ainsi que d’autres instances ont démontré que cette problématique à caractère international requiert l’intérêt des instances de régulation à travers le monde. D’ailleurs, certaines d’entre elles ont déjà pris des mesures pour faire face à ce défi. Ainsi, l’instance de régulation en France, par exemple, a mis en place une unité spécialisée dans le contrôle des pratiques anticoncurrentielles dans le domaine de l’économie numérique. De même, l’instance de régulation de la Roumanie a créé un système informatique des données qui offre la possibilité aux experts de détecter de façon rapide les accords économiques et commerciaux illégaux.
Si le Maroc n’a pas encore élaboré une politique pour faire face à l’exploitation de données à caractère personnel à des fins commerciales par les Gafa (Google, Apple, Facebook et Amazon) et ne dispose pas d’études sur le taux de pénétration de ces nouvelles plateformes dans le marché national et leur degré de concentration, le débat autour de la question est bel et bien engagé. Lors de cette rencontre, toutes les parties concernées par la thématique étaient présentes pour discuter des meilleurs moyens à mettre en œuvre pour freiner l’exploitation des données à des fins commerciales par ces plateformes géantes.

Dans ce sens, Mohamed El Hajjoui, secrétaire général du gouvernement, a proposé de revoir le cadre juridique de la Commission nationale de la protection des données à caractères personnels afin que cette instance puisse accompagner les nouveautés que connaît le Maroc, particulièrement avec la montée en puissance des nouvelles technologies et la collecte par les Gafa des données personnelles. Le haut responsable a également suggéré de revoir le cadre juridique régissant la concurrence au Maroc pour l’adapter aux exigences de l’économie numérique dans le but de renforcer les instruments à même de faire face aux plateformes numériques dominantes et fixer les limites de leur exploitation des données à caractère personnel. M. El Hajjoui a proposé par ailleurs de renforcer les compétences du Conseil de la concurrence afin que ce dernier puisse remplir son rôle de régulateur dans ce domaine selon une approche globale et intégrée.
Toujours dans le sillage des recommandations, Mohammed Benchaâboun, ministre de l’Économie, des finances et de la réforme de l’administration, a proposé, pour sa part, dans une allocution lue en son nom, de renforcer la collaboration entre le Conseil de la concurrence et la CNDP ainsi que les autres autorités de régulation sectorielles pour faire face ensemble aux pratiques anticoncurrentielles transnationales et contribuer, chacune dans sa sphère de compétence, à protéger le citoyen marocain et le prémunir des pratiques abusives. L’argentier du Royaume a préconisé l’élaboration d’une charte de collaboration qui permettrait la détection des abus de position dominante nuisant au fonctionnement normal des marchés afin d’assurer le bien-être du consommateur en lui garantissant son droit au choix libre et rationnel. 

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Questions à Omar Seghrouchni, président de la Commission nationale de contrôle de la protection des données à caractère personnel

«La digitalisation pose plusieurs défis et nécessite d’être accompagnée et réglementée»

 

Comment peut-on appréhender la question de la protection des données dans son rapport avec le respect de la concurrence ?
Ce qu’il faut savoir d’abord, c’est que les données à caractère personnel peuvent être considérées sous plusieurs angles : à savoir l’angle de la protection des citoyens et les données à caractère privé et celui économique. Sur ce volet, nous sommes interpellés en tant qu’instances de régulation pour mettre en place les instruments nécessaires pour que la protection des données soit à un bon niveau afin de conforter les échanges de business entre le Royaume et l’Europe. Aujourd’hui, la digitalisation de plus en plus avancée pose plusieurs défis et nécessite d’être accompagnée et réglementée dans le but de garantir un meilleur développement de l’écosystème économique national.

Où en est le Maroc par rapport à cette question de protection des données à caractère personnel ?
J’estime qu’il reste beaucoup d’efforts à consentir, particulièrement sur le plan culturel, pour changer les mentalités. En effet, il est nécessaire de sensibiliser les citoyens à l’importance du respect de la vie privée des gens afin de «vulgariser» la question de la protection des données qui relève aujourd’hui du ressort «technique». Je vous donne un simple exemple, la liste des passagers qui étaient à bord du même avion qui transportait la personne contaminée par le virus de Corona a été partagée sur WhatsApp, alors que cette liste devait rester privée, parce qu’elle porte atteinte à la vie privée des voyageurs. Le bon geste qui devait être adopté dans cette situation était d’alerter la CNDP et de ne pas contribuer à sa diffusion.
Aujourd’hui, les plateformes internationales ont pénétré le marché national, comment peut-on réguler cette pénétration ?
Les instances de régulation réunies aujourd’hui veulent débattre de cette question en vue d’étudier les mécanismes à mettre en place. Comme vous le savez, c’est un droit innovant. Ce type de séminaire nous aide justement à rapprocher les visions en vue d’agir dans le bon sens, d’aider l’écosystème socioéconomique marocain à se développer et à tirer le meilleur parti de cette digitalisation.

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