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Relation Client, quelle gestion des ressources humaines face à des défis permanents ?

Depuis leur apparition au Maroc, les métiers de la Relation Client ont suivi un rythme d’évolution rapide, que ce soit en nombre, en diversité ou en qualité. Par contre, la réputation du secteur comme étant particulièrement difficile et marqué par un taux avancé de turn over, elle, n’a pas réussi à bouger d’un iota. Vérité ou simple fausse image indélébile ? La réponse n’est toujours pas tranchée.

Au fil des années, les métiers de la Relation Client se sont diversifiés et complexifiés alors que le capital humain a gagné en nombre, en compétence et en expertise. Mais s’il y a une chose qui n’a pas changé, c’est la difficulté de ces métiers et le taux important du turnover inhérents à la nature de travail dans ce domaine.

Stress permanent, horaires difficiles, faible mobilité hiérarchique, instabilité… sont autant de facteurs qui n’en font que des métiers «de passage» et peu de personnes y voient d’emblée une perspective de carrière. «Il ne s’agit pas d’un problème de rémunération ou d’avantages, mais plutôt de bien-être et d’équilibre. Les entreprises de l’offshoring ont fait évoluer les statuts et les conditions de travail ainsi que le mode de rémunération, mais le rythme de travail reste assez stressant», souligne Jamal Belahrach, président de Déo Conseil, dans une déclaration au «Matin».

«Ce secteur est réputé pour ses conditions de travail très difficiles, notamment la cadence du travail au rythme très élevé et spécifique. Mais il y a aussi cette notion de contrôle qualité qui est très présente dans ce type d’activités ainsi que la notion d’objectif qui est assez oppressante», confirme Leïla Naim, docteur chercheur en sociologie RH et coach de performance individuelle et collective. 

Par ailleurs, les jeunes trouvent que c’est une fonction qui ne les met pas en valeur. «Ils se sentent plutôt ouvriers avec ce métier qui s’apparente plus à du taylorisme moderne et où l’évolution personnelle est assez limitée. Un travail marqué par la répétitivité et le développement de certains mécanismes qui ne correspondent pas à la psychologie et aux besoins émotionnels des nouvelles générations», a-t-elle ajouté.

Les entreprises du secteur, elles, sont convaincues qu’il s’agit d’une image biaisée, car ce type de métiers a beaucoup évolué au fil des années. «C’est dommage qu’au niveau du marché, on garde à l’esprit des idées très préconçues. Dans la réalité, je vois clairement que les collaborateurs ont désormais la chance d’évoluer dans ce secteur vers des postes de top management très rapidement tout en étant accompagnés par l’entreprise», assure Sanaa Benchekroun, DRH de Majorel pour la région France, Afrique et Benelux. «Ce type de métiers a beaucoup évolué depuis une dizaine d’années. Il s’est beaucoup complexifié et diversifié. D’ailleurs, on n’est plus dans une logique de traitement basique des demandes des clients et des consommateurs qui nous appellent pour avoir des renseignements. Nos clients donneurs d’ordres nous confient désormais plusieurs processus qu’ils jugent eux-mêmes stratégiques dans leurs pratiques», a-t-elle ajouté.

N’empêche que les contraintes de travail dans ce milieu sont autant de défis pour le management RH. «Outre le défi de compétences, le management doit trouver le moyen d’organiser le travail de manière à assurer aux collaborateurs un équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle», indique Jamal Belahrach. «La rétention des ressources est un autre challenge pour la DRH auquel s’ajoute le niveau élevé de concentration des ressources : beaucoup de centres d’appels travaillent avec de gros volumes et sont devenus quasiment des usines à produire du service. Je pense que l’idéal serait d’avoir des unités beaucoup plus légères et mieux réparties à travers le pays», a-t-il ajouté.

Même son de cloche du côté de Leïla Naim : «Le défi des RH est énorme. Ils doivent à chaque fois revoir leur modèle de travail en essayant de le restructurer et de l’organiser autrement. Ils doivent également agir sur le marketing RH et soigner continuellement l’image de l’entreprise tout en mettant le focus sur les avantages qu’elle offre.»

Pour Ali Serhani, directeur associé Gesper Services, «les entreprises du domaine doivent mettre en place une excellente gestion des ressources humaines qui respecte les droits des salariés, qui veille à leur bien-être. Mais elles doivent également voir dans leurs salariés des personnes susceptibles d’évoluer. D’ailleurs, l’évolution de carrière fait partie des exigences pour toute politique RH». Par ailleurs, ajoute l’expert, la DRH doit jouer son rôle pour fidéliser et retenir ses collaborateurs. 


«Il y a bien sûr la rémunération et les avantages, mais il ne faut surtout pas oublier une chose très importante : donner le bon exemple. On ne peut pas parler de GRH quand il y a le clientélisme ou quand le DRH n’est pas lui-même heureux au travail. Dans ce métier, le principal défi pour le management reste d’assurer le bien-être au travail», a-t-il relevé.
Le processus de recrutement dans ce secteur prend une dimension encore plus stratégique de même que l’attractivité de l’entreprise. Ce sont des éléments sur lesquels s’accorde l’ensemble des spécialistes. «Le management doit travailler sur le sujet du recrutement de manière à avoir des profils pointus qui sont réellement faits pour ces métiers, qui soient motivés pour y travailler et qui arrivent à s’y projeter», signale Leila Naim. Il faut aussi en améliorer l’attractivité et «donner envie à ces jeunes de rentrer dans ces métiers-là qui sont plus souvent choisis comme un premier emploi et un métier qu’on ne fait pas toute sa vie», renchérit Jamal Belahrach.
Les entreprises du secteur de la Relation Client ont déjà pris en main toutes ces contraintes et travaillent de manière assidue pour mettre toutes les chances de leur côté, mais au service des collaborateurs, ceux-ci étant leur principal capital. «D’abord, nous essayons de cibler et de recruter les profils qui s’épanouissent réellement dans notre secteur d’activité. Ensuite, nous déployons certaines actions adaptées à nos collaborateurs qui sont majoritairement des jeunes ayant des attentes, des ambitions et surtout une vision différente du monde du travail», explique Sanaa Benchekroun.
Parmi ces actions, la responsable cite l’amélioration des conditions de travail, la révision de la façon avec laquelle les équipes RH interagissent avec les collaborateurs et la promotion interne. Au sujet de ce dernier élément, elle précise que les collaborateurs de son groupe réussissent à suivre des trajectoires d’évolution très rapide et bénéficient d’un accompagnement pour les aider à assumer leurs nouvelles responsabilités. Une évolution rendue possible grâce à la formation qui «occupe une place importante dans l’accompagnement en matière de développement de carrière». Elle insiste également sur l’importance d’assurer une bonne relation entre les managers et leurs équipes, car, a-t-elle noté, 80% de la motivation de l’individu vient de la relation qu’il a avec son manager, peu importe les conditions dans lesquelles il travaille. «Personnellement, je crois vraiment à la notion du management bienveillant qui implique qu’un manager peut se permettre d’être exigeant, mais tout en étant à l’écoute de ses collaborateurs. Il doit aussi être capable d’adapter son management aux différents membres de son équipe», a-t-elle assuré.
Le développement personnel n’est pas non plus en reste. «Ce qui est primordial aujourd’hui c’est d’aider le collaborateur à travailler sur son savoir-être, son comportement, sa posture, sa confiance en lui-même, sa capacité de prendre la parole en public, mais aussi sa capacité à prendre des risques et des décisions importantes au sein de l’entreprise», affirme Sanaa Benchekroun.
Mais si les entreprises du secteur trouvent que la digitalisation n’est pas un enjeu de taille pour elles du fait qu’elles collaborent essentiellement avec des «Digital Natives», Jamal Belahrach tient tout de même à attirer l’attention sur le fait que la technologie peut représenter un enjeu, notamment dans son volet lié à la gestion des données personnelles. «L’entreprise doit veiller à ce que ses collaborateurs respectent les règles de la data privacy. C’est un sujet de la plus haute importance», a-t-il noté.

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Entretien avec Sanaa Benchekroun, Regional Head of HR France, Afrique et Benelux - Majorel

«Il y a trois valeurs clés qui rythment notre quotidien et notre politique RH : l’excellence, la créativité et le respect»

 

Le Matin : La ressource humaine est le nerf de la guerre des métiers de la Relation Client. Quelle est votre lecture de cette réalité ?
Sanaâ  Benchekroun :
Je tiens tout d’abord à souligner qu’aujourd’hui, on ne parle plus de call center, mais plutôt des métiers de la Relation Client. En effet, ce type de métiers a beaucoup évolué depuis une dizaine d’années. Il s’est beaucoup complexifié et diversifié. D’ailleurs, on n’est plus dans une logique de traitement basique des demandes des clients et des consommateurs qui nous appellent pour avoir des renseignements. Nos clients donneurs d’ordres nous confient désormais plusieurs processus qu’ils jugent eux-mêmes stratégiques dans leurs pratiques. À titre d’exemple, certains clients nous confient l’assistance technique, la modération de contenus, la gestion du processus métiers ou encore le digital marketing. Aujourd’hui, notre activité ne consiste plus uniquement à traiter les appels, mais à représenter des marques de nos donneurs d’ordres auprès de leur consommateur final, et ce, sur plusieurs aspects de leurs métiers. Pour répondre à votre question, je dirais que la place de la ressource humaine est cruciale dans les métiers de la relation client. Nous considérons aujourd’hui que nos ressources humaines sont notre premier capital. D’ailleurs, l’essentiel de la relation client dépend de la capacité du collaborateur à faire passer des émotions auprès du consommateur final. Partant de ce constat, il est important de souligner l’importance de la symétrie des attentions. Un concept qui implique que si on veut que nos collaborateurs accordent de l’attention aux consommateurs, nous devons avoir la même attention pour eux. Je considère ainsi que nos principaux clients sont d’abord nos collaborateurs.

Quels sont les enjeux de la fonction dans les métiers de la Relation Client ?
Notre premier enjeu est d’attirer des collaborateurs. Personnellement, j’ai rejoint Majorel en 2014 et je suis arrivée avec mes a priori, comme tout le monde, en me disant que c’est un secteur difficile. J’ai découvert après que l’univers est structuré avec un comité de direction et un top management doté d’une sensibilité RH très forte et très orientée valeurs. C’est dommage qu’au niveau du marché, on garde à l’esprit des idées très préconçues. Dans la réalité, je vois clairement que les collaborateurs ont désormais la chance d’évoluer dans ce secteur vers des postes de top management très rapidement tout en étant accompagné par l’entreprise. Si je dois résumer les quatre enjeux de la fonction RH, je dirai qu’il s’agit d’abord de pouvoir attirer les ressources dont nous avons besoin, ensuite les accompagner dans leur développement, puis les aider à être épanouies au travail et enfin les écouter tout en assurant un management de proximité. Ce dernier enjeu est très important d’autant que le groupe Majorel grandit. Nous sommes installés sur plusieurs villes et nous essayons de maintenir un maximum de proximité par différents leviers avec les collaborateurs.

L’un des défis du secteur reste le taux élevé de turnover, comment y faire face ? Quelle est la stratégie de Majorel à ce niveau ?
Au niveau de Majorel, nous recrutons, entre autres, des étudiants qui poursuivent leurs études. Ces jeunes nous quittent à un moment donné pour occuper des postes qui correspondent à leurs études. De toute façon, il faut reconnaitre qu’il y a un turnover inhérent à nos métiers. Chez Majorel, ce tunover est beaucoup plus bas que la moyenne sectorielle parce qu’on a énormément travaillé sur plusieurs chantiers. D’abord, nous avons essayé de cibler et de recruter les profils qui s’épanouissent réellement dans notre secteur d’activité. Ensuite, nous avons mis en place certaines actions adaptées à nos collaborateurs qui sont majoritairement des jeunes qui adoptent des attentes, des ambitions et surtout une vision différente du monde du travail. Ces actions sont relatives, entre autres, à améliorer les conditions de travail et à revoir la façon avec laquelle les équipes RH interagissent avec les collaborateurs. L’une de nos spécificités également réside dans le fait que nous avons un levier de promotion interne assez important. Les collaborateurs peuvent ainsi faire des trajectoires d’évolution très rapide et notre rôle consiste à les aider à assumer leurs nouvelles responsabilités. Notre rôle consiste aussi à assurer une bonne relation entre les managers et leurs équipes, car on sait très bien aujourd’hui que 80% de la motivation de l’individu vient de la relation qu’il a avec son manager, peu importe les conditions dans lesquelles il travaille. Personnellement, je crois vraiment à la notion du management bienveillant qui implique qu’un manager peut se permettre d’être exigeant, mais tout en étant à l’écoute de ses collaborateurs. Il doit aussi être capable d’adapter son management aux différents membres de son équipe. 

Pourriez-vous nous dire plus sur le développement de carrière des collaborateurs ?
Notre politique RH repose sur l’accompagnement collaborateurs. Tout d’abord, nous leur faisons souvent un feedback par rapport, notamment à leurs compétences et à leurs performances. Ce feedback doit être le plus constructif et le plus objectif possible leur permettant d’identifier leurs forces et leurs faiblesses. La formation occupe également une place importance dans l’accompagnement en matière de développement de carrière. Dans ce sens, nous essayons de miser sur les nouvelles techniques de formation pour que cette dernière soit efficace et agréable. Ensuite, nous misons sur la détection des talents en vue de les accompagner pendant toute leur trajectoire. Sur ce volet, une réunion est organisée entre les managers qui donnent des avis croisés par rapport un collaborateur précis, sur son comportement et sur ses compétences. Nous entamons aussi des dialogues avec les collaborateurs eux-mêmes pour voir comment ils se projettent dans l’avenir. Des mobilités géographiques sont aussi envisagées, car, rappelons-le, nous avons la chance d’être présents dans plusieurs pays. Dans un autre registre, je souligne que nous intégrons aussi le développement personnel, car nous considérons que la compétence technique n’est pas la plus compliquée à acquérir. Ce qui est primordial aujourd’hui c’est d’aider le collaborateur à travailler sur son savoir-être, son comportement, sa posture, sa confiance en lui-même, sa capacité de prendre la parole en public, mais aussi sa capacité à prendre des risques et des décisions importantes au sein de l’entreprise. 

Quelles sont les compétences clés à booster dans ce secteur et quel rôle pour la formation ?
Je tiens tout d’abord à préciser qu’il y a trois valeurs clés qui rythment notre quotidien et notre politique RH, à savoir l’excellence, la créativité et le respect. Dans les métiers de la Relation Client, il est important de développer certaines compétences. Il s’agit, entre autres, du sens du service, de l’esprit d’équipe et de l’envie d’apporter de l’aide à ses collègues. Il est important aussi de miser sur les compétences managériales et les qualités d’encadrement des équipes, partant du principe que le développement et la performance des collaborateurs dépendent de l’encadrement dont ils bénéficient de la part de leurs managers. Dans ce sens, la formation occupe une place extrêmement importante chez nous avec un grand budget. D’ailleurs, nous disposons aujourd’hui d’une université interne et nous avons lancé récemment un parcours baptisé le «management académie» qui permet, notamment aux collaborateurs nommés dans un poste d’encadrement à apprendre les bases du management et la gestion des équipes. 

Selon une enquête de Rekrute, 72% des salariés des centres d’appels souffrent de stress. Votre commentaire à ce sujet ?
C’est probablement vrai sauf que je nuancerai en affirmant que toute personne active et qui a des responsabilités à assurer souffre de stress, quel que soit son métier. Les entreprises sont aujourd’hui soumises à des pressions de compétitivité, de performance et de pérennité. Dans les métiers de la relation client, le stress est un peu plus concret et direct, car on est en contact direct avec les clients qui sont d’ailleurs exigeants. Aujourd’hui, je pense que le secteur a énormément évolué et que le niveau d’innovation des politiques RH est devenu assez particulier. Au niveau de Majorel, nous avons lancé plusieurs initiatives. Il s’agit, entre autres, des formations dans la gestion de stress, dans la maîtrise des émotions et dans la gestion des clients difficiles. Nous sommes aussi à l’écoute des besoins des collaborateurs, nous lançons des challenges à atteindre et nous célébrons les succès. Nous organisons aussi sur nos sites des activités de yoga et de méditation. En effet, les collaborateurs sont impliqués pour choisir le type d’activités qu’ils souhaitent avoir. Par ailleurs, il y a aussi une politique de bien-être et de santé au travail. Celle-ci est portée par nos médecins de travail et permet d’aider le collaborateur à faire face aux sources de stress. 

Le métier est fortement impacté par la digitalisation. Comment vous adaptez-vous à cette transformation rapide ?
Nous avons la chance de travailler avec des jeunes qui sont nés à l’ère du digital et ce n’est pas du tout un enjeu pour eux. Quand on parle de digitalisation, certains pensent qu’il y a des robots qui vont remplacer l’être humain, ce qui n’est pas vrai. La machine et la technologie viennent aider les collaborateurs à faire leur travail plus efficacement, plus rapidement et plus sereinement. Le robot ne peut jamais remplacer l’être humain, car il ne pourra jamais assurer le courant de sympathie qu’un collaborateur crée vis-à-vis du client. Entretien réalisé par Nabila Bakkass

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