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La réserve naturelle de Sidi Boughaba au bord de l’asphyxie

La réserve naturelle de Sidi Boughaba au bord de l’asphyxie

Considérée comme l’une des grandes zones humides du Maroc, la réserve naturelle de Sidi Boughaba offre actuellement un spectacle de désolation. Plusieurs visiteurs ont eu la désagréable surprise de découvrir que le bassin du lac a perdu une grande partie de ses eaux à cause du déficit pluviométrique enregistré lors des derniers mois.
Au mois de juillet dernier, les services régionaux du département des eaux et forêts au niveau de la région de Rabat-Salé-Kénitra ont observé une forte mortalité de poissons du lac. Il s’agit de l’athérine, une espèce de poisson de petite taille qui vit dans les eaux continentales de la partie nord du littoral atlantique. Une commission provinciale avait été mobilisée pour prélever des échantillons des poissons et des eaux du lac afin d’effectuer les analyses nécessaires. 
Selon les services régionaux des eaux et forêts, les résultats des analyses ont exclu toute possibilité de pollution chimique ou organique. Les poissons sont exempts de toute maladie épidémiologique et ne présentent aucune menace pour la faune et les oiseaux locaux. Les analyses imputent la mortalité des athérines au manque d’oxygène dans les eaux du lac, ce qui a provoqué leur asphyxie. Cette diminution de la teneur en oxygène des eaux est accentuée, d’une part, par l’augmentation de la température et de la salinité des eaux et, d’autre part, par la diminution du niveau des eaux du lac, conclut-on.
Cette situation liée aux aléas climatiques n’est pas l’unique cause de la dégradation de ce site de grande richesse faunistique et floristique. Les militants et Associations de protection de l’environnement de Kénitra n’ont eu de cesse de tirer la sonnette d’alarme afin d’attirer l’attention des départements concernés sur la détérioration de la réserve naturelle de Sidi Boughaba. 
On constate, tout d’abord au niveau du lac, un phénomène d’eutrophisation caractérisé par un déséquilibre du milieu aquatique provoqué par l’augmentation de la concentration d’azote et de phosphore dans le milieu. Cette forte concentration entraine une croissance excessive des plantes et des algues due à la forte disponibilité de nutriments. Les algues qui se développent absorbent de grandes quantités d’oxygène lorsqu’elles meurent et se décomposent. Leur prolifération provoque l’appauvrissement, puis la mort de l’écosystème aquatique présent : il ne bénéficie plus de l’oxygène nécessaire pour vivre. Ce phénomène est appelé «asphyxie des écosystèmes aquatiques». 
Selon Abdelmajid Saligane, président de l’Association du Gharb pour la protection de l’environnement (AGPE), le phénomène d’eutrophisation est accentué par la présence des déchets solides aux abords du lac, générés par les activités humaines. Des rejets, précise-t-il, qui favorisent la multiplication des bactéries et autres micro-organismes ayant un impact négatif sur l’équilibre écologique. Tout en saluant les efforts déployés par les départements concernés en vue de limiter les dégâts, le président de l’AGPE n’a pas manqué d’émettre le souhait de renforcer davantage les mesures de contrôle et d’appliquer de manière rigoureuse les règlements et lois en vigueur, pour mettre fin à ce qu’il appelle des actes d’agression continus contre la nature. 
En effet, malgré les multiples actions de sensibilisation menées par la société civile, plusieurs visiteurs des lieux n’ont aucun respect pour la préservation de la nature. Jetant une pierre dans la marre, Mustapha, militant associatif, brosse un tableau noir sur la situation actuelle de la réserve naturelle de Sidi Boughaba. Ses propos ne souffrent d’aucune ambiguïté. Il estime que cet héritage écologique classé sur la liste de la convention Ramsar relative aux zones humides d’importance mondiale est en train d’agoniser. «Il est même menacé, à brève échéance, de disparaître si on reste les bras croisés», martèle-t-il. 
À un moment où l’on célèbre la Journée mondiale des oiseaux migrateurs, il est important de rappeler que la particularité de la réserve naturelle de Sidi Boughaba réside dans sa situation géographique, sur l’axe migratoire paléarctique Europe- Afrique subsaharienne, constituant ainsi une aire de repos et de nourrissage des oiseaux y transitant ou hivernant. En d’autres termes, il constitue un important carrefour de migration, entre l’Europe et l’Afrique, d’oiseaux faisant escale avant de transiter vers l’un des deux continents. L’avifaune de la réserve compte quelque 171 espèces, dont certaines deviennent de plus en plus rares, voire menacées d’extinction. C’est le cas de la sarcelle marbrée, de la foulque à crête ou du hibou du cap. La durée du séjour de la plupart des espèces d’oiseaux est plus longue en automne qu’au printemps. Leur effectif connaît une augmentation durant la période estivale et plus exactement vers la fin du mois de juin. Durant cette période, on observe l’arrivée des premiers oiseaux non nicheurs tels la berge, l’avocette et divers chevaliers. n

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