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«Tout reste à faire en cette période de déconfinement qui est encore plus importante que la précédente»

La période du confinement sanitaire, imposée pour lutter contre la propagation du Covid-19, n’a pas été toujours des plus simples à mener pour des personnes qui n’ont pas pu la supporter. Pour en savoir plus sur certains de ces comportements, nous nous sommes adressés au docteur Faouzi Skali pour nous éclairer sur cette situation inédite qu’il fallait traiter avec précaution, tout en se ressourçant dans nos valeurs religieuses et spirituelles qui aident à une meilleure adaptation et résilience.

«Tout reste à faire en cette période de déconfinement  qui est encore plus importante que la précédente»

Le Matin : La période de confinement sanitaire a entraîné des répercussions néfastes pour certains qui n’ont pas pu accepter ce nouveau mode de vie. Selon vous, quel rôle peut jouer le côté spirituel pour alléger les souffrances dans ces moments difficiles ?
Faouzi Skali :
Cette situation est inédite et personne ne pouvait donc s’y préparer à priori. Elle est cependant comme n’importe quelle crise qui peut nous arriver à un niveau individuel ou collectif et qui est toujours un moment propice pour faire vraiment la part de ce qui est essentiel dans nos vies et nous interroger sur le sens que nous donnons à celles-ci. La vraie souffrance vient d’un sentiment d’absurde et de non-sens. Or, dans cette crise ce n’est pas le cas. Elle souligne la fragilité de la vie en général et notre finitude,  le fait que nous soyons seulement de passage dans ce monde. Malgré les grandes difficultés qu’elle crée, cette crise porte des leçons essentielles pour nos choix à venir.

En tant que professionnel en anthropologie, ethnologie et science des religions, pensez-vous que les religieux sont plus aptes à dépasser cette période sans aucune conséquence sur leur moral ? Comment expliquez-vous cela ?
La religion en tant que quête de sens est inscrite dans l’ADN de chaque être humain. Chacun, surtout dans des moments d’épreuve, a la capacité de se ressourcer dans cette intériorité et nous sommes souvent surpris de trouver au fond de nous une capacité d’adaptation et de résilience que nous ne pouvions pas soupçonner. Les valeurs religieuses et spirituelles nous aident à ancrer cette philosophie de vie au quotidien. D’une certaine façon c’est une préparation permanente aux épreuves de la vie et à ses fragilités. Cela permet plus de détachement, plus de paix, de liberté par rapport aux aléas de la vie. C’est ce que l’on appelle alors un chemin de sagesse.

Cette période de confinement est une première expérience à laquelle fut confrontée toute la population. Ne pensez-vous pas qu’il aurait fallu l’accompagner, depuis le début, par des professionnels en psychothérapie et d’autres sciences en relation avec des études religieuses ?
C’est une idée intéressante à prendre en considération pour le futur. Mettre en place pour des situations de crises majeures – et nous voyons par cette dernière que nous n’en sommes pas à l’abri – un accompagnement psychospirituel qui puisse concerner des personnes, des familles, des entreprises. Car une épreuve, comme son nom l’indique, est un examen qu’il faut réussir, un moment de passage et de transition dans lequel il faut être soutenu et accompagné, même si cela reste toujours une expérience vécue, qu’elle soit personnelle ou collective. Il s’agirait d’une sorte de coaching d’un genre nouveau, un coaching spirituel.

Peut-on maintenant rattraper ce retard ?
Tout reste à faire dans cette période de déconfinement qui est encore plus importante que la précédente. Nous étions dans un premier temps entièrement mobilisés par une crise totalement imprévue à laquelle il fallait faire face sans réfléchir avec tous nos moyens humains et nos ressorts psychologiques et spirituels. C’est après qu’il peut y avoir comme une sorte de retour de manivelle, un effet de «blues» ou de déprime qui peut s’étendre à des pans entier de la société. Cela peut aussi conduire à toutes formes de déstabilisation qui émanent d’un sentiment d’insécurité qui est forcément anxiogène. Une attention toute particulière doit être portée à cette transition,  à l’accompagnement de cette  sortie de crise.

Que conseillez-vous aux gens pour qu’ils puissent reprendre petit à petit le cours de la vie normale ? D’autant plus qu’il y a eu, pour beaucoup, des remises en questions à propos de leur vie d’avant le confinement ?
Il faut garder et entretenir en soi les prises de conscience que nous avons eues lors de cette épreuve. C’est avec cette nouvelle conscience que nous pouvons aborder une autre façon de vivre, de réserver du temps pour nos relations, nos proches, de cultiver des valeurs essentielles, des valeurs de générosité, de solidarité et de bienveillance. De renforcer le lien social. De cultiver aussi des valeurs de gratuité et de désintéressement. Car cela nous rend tout simplement plus heureux. Il s’agit là d’une richesse immatérielle que nous avons souvent oubliée. 

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