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Quelles solutions adopter pour faire face à la crise post-pandémique

Pour le docteur Amal Chniber, la pandémie du coronavirus aurait un impact négatif sur notre PIB, notre budget, nos investissements et notre balance des paiements. Et l’ampleur de ses répercussions dépendra non seulement de la réaction de notre économie, mais aussi de la réaction de l’économie mondiale dans son ensemble. Quelles solutions pourrait-on donc adopter pour éviter le pire ? M. Chniber propose des solutions pour atténuer l’impact de cette épreuve et même pour en sortir plus fort.

Quelles solutions adopter pour faire face à la crise post-pandémique

Beaucoup parmi nous s‘interrogent en ce moment sur la manière dont notre économie pourrait se comporter durant la phase après-pandémie, qui interviendra prochainement dans un climat mondial inédit d’incertitudes à tous les niveaux. D’aucuns parlent déjà d’une crise dépassant de loin, en conséquences et en désastres celle de 2007-2008. Rappelons que celle-ci avait ébranlé sérieusement le monde de la finance et mis ou a failli mettre en faillite nombre de banques d’importance systémique mondiale. L’écho de cette crise et ses rebondissements avaient même accéléré et été derrière la majorité des recommandations prudentielles des accords dits de Bâle III.
Cette crise déclenchée aux États-Unis par ce que l’on appelle crise du secteur immobilier ou crise des subprimes (difficultés de remboursement après relèvement du taux directeur par la Fed, défaut de paiement en masse, saisies immobilières, remises en vente, offre dépassant largement la demande, effondrement des prix sur le marché immobilier et ainsi de suite) avait eu un impact systémique.
Les sociétés financières américaines annoncèrent 35.752 suppressions d’emplois en août 2007 et la Fed parlait de pertes bancaires s’élevant d’après ses estimations de 100 à 150 milliards de dollars pour un marché de 8.400 milliards de dollars d’encours de crédit. La banque d’investissement Goldman Sachs parlait, quant à elle, en novembre 2007 de pertes pouvant atteindre 2.000 milliards de dollars, contre 945 milliards de dollars selon les estimations du FMI.
Par effet de contagion, l’ensemble de la communauté financière internationale (y compris les banques qui se croyaient infaillibles (too big to fail), fut sévèrement touchée et l’onde du choc était tellement forte qu’elle n’avait épargné ni les compagnies d’assurances, ni les fonds d’investissement, ni les fonds de titrisation, ni les Bourses de valeur, ni les marchés de produits dérivés, etc.), mettant tout ce beau monde de la finance en sérieuses difficultés en l’espace de quelques mois.
Certains marchés interbancaires américains, comme celui de New York furent même paralysés pendant quelques jours à cause d’un asséchement de liquidités. Plusieurs banques à travers le monde furent sérieusement impactées. Dans ce contexte, certaines banques centrales durent intervenir en toute urgence en injectant d’énormes quantités de monnaie sur leurs marchés interbancaires. Elles durent aussi intervenir pour sauver de la faillite certaines de leurs banques très touchées. 
Dans cet affolement du monde de la finance, l’on craignait aussi que la crise ne puisse se propager rapidement à l’économie réelle et faire entrer l’économie mondiale dans les pires récessions qu’elle n’ait jamais connues depuis la crise de 1929. Banques centrales, FMI, pays du G20, Comité de Bâle sur le Contrôle bancaire et nombres d’experts financiers internationaux durent alors réunir tous leurs efforts pour sauver la situation et arrêter au plus vite la catastrophe. L’on s’était, en effet, rendu compte que les politiques microprudentielles de Bâle II (quoiqu’elles aient paru assez complètes pour parer à plusieurs cas de chocs extérieurs) n’étaient pas en réalité suffisantes. La preuve c’est qu’elles n’étaient pas capables de faire face à une crise systémique pareille ni empêcher sa propagation à travers le monde
C’est d’ailleurs pour combler ces insuffisances que les autorités monétaires à travers le monde avaient convenu d’ajouter des réformes macroprudentielles à leur pratiques de surveillance du système bancaire. Ces réformes, entérinées par le Comité de Bâle devaient garantir le système financier dans sa globalité contre ce qu’on appelle la procyclicité et toute crise à caractère systémique qui résulterait entre autres d’un retournement du cycle conjoncturel (amplification des effets selon que l’on soit en phase d’expansion du cycle ou en phase de ralentissement).
Le monde fut donc brusquement confronté à une grave crise financière à laquelle il n’était pas du tout préparé. La panique qui s’était emparée de beaucoup de banques et d’institutions financières fut en quelque sorte due à cet effet de surprise. C’est l’incertitude quant à l’avenir qui ébranle en fait le monde des affaires et là nous sommes confrontés à une crise qui risque d’être encore plus ravageuse que celle de 2007-2008. Personne en fait ne saurait en prévoir la durée ni les conséquences économiques et financières au niveau mondial. Tout ce que l’on peut dire, c’est que cette pandémie risque de nous faire revivre le cauchemar de 1929, sinon pire.
Revenons donc à notre économie. Quelles solutions pourrait-on adopter en toute urgence pour éviter le pire ? Avant de répondre, il faut convenir que toute la planète sera touchée par la crise et dans ce contexte nous subirons comme tout le monde les ondes de choc de la pandémie. Celles-ci seront multiples et varieront selon le degré d’exposition de chacun des secteurs de notre économie. Dans l’ensemble, tous seront touchés sans exception (banques, compagnies d’assurances, entreprises industrielles, entreprises travaillant pour l’export, entreprises travaillant pour l’import, entreprises de service, entreprises de consulting et de conseil, entreprises de distribution, entreprises de transport, tourisme, immobilier, artisanat, agro-alimentaire, etc.).
Le pire est que la crise aurait fatalement une dimension systémique, dans la mesure où les différents secteurs constituant le tissu d’une économie sont interconnectés et interdépendants les uns des autres. De manière très schématique, tous les secteurs de l’économie sont créateurs de valeur ajoutée (c’est d’ailleurs la somme de toutes les valeurs ajoutées ainsi créées qui fait le PIB) et ont besoin pour faire tourner la machine de trois choses, des ressources financières (provenant en partie de leurs capitaux propres et en partie de financements bancaires), des compétences humaines et d’un marché où ils peuvent écouler leurs produits (d’une demande).
Les banques ont pour leur part elles aussi besoin d’une économie qui tourne normalement, qui génère des revenus, qui consomme, investit et fait de l’épargne. Ce sont donc ces flux de biens, de services et de monnaie qui en gros animent l’ensemble des marchés, créent de l’emploi et créent aussi de la richesse. Ce sont également ces flux qui assurent la pérennité d’une économie et son essor.
La pandémie du Covid-19, aurait donc un impact négatif sur tous ces flux et partant sur notre PIB, notre budget, nos investissements, notre balance des paiements (balance commerciale et balance des capitaux), et ainsi de suite. Or qui dit baisse du PIB, dit aussi baisse du revenu national (revenu de l’État et aussi du secteur privé), puis aussi baisse de l’épargne nationale (épargne publique et épargne du secteur privé), de la formation brute de capital fixe et de l’investissement national. Cette baisse, si elle se poursuit sur plusieurs années, se traduit par un déséquilibre de la balance des paiements, un recul des avoirs extérieurs et met le pays dans l’obligation de s’endetter et donc de faire appel à l’épargne étrangère pour retrouver l’équilibre.
Ce ne serait donc pas par un accès de pessimisme de ma part que je mets l’accent sur ces postulats macroéconomiques et les risques attendus. Il faudrait alors d’entrée de jeu admettre que nos équilibres macroéconomiques fondamentaux (budgétaire, monétaire et extérieur) seront secoués. L’ampleur du tremblement (ou onde de choc) dépendra non seulement de la manière dont notre économie réagira à la crise (et là nous avons déjà parlé d’incertitudes), mais aussi de la réaction de l’économie mondiale dans son ensemble et de l’évolution future des marchés (marchés financiers, bourses de commerce, etc.).
Pour résumer, l’on devrait s’attendre à une importante baisse de nos réserves de change, à un accroissement de notre déficit commercial (recul des exportations pour cause de recul de la demande étrangère), à une chute des investissements directs étrangers pour cause d’incertitudes, etc. La baisse du PIB se traduira de son côté par un recul de nos recettes fiscales et donc des ressources financières de l’État (Trésor public). Ceci conjugué au recul des revenus du secteur privé et au ralentissement de l’activité économique se traduira par des perturbations au niveau de l’activité bancaire et par ricochet impactera l’ensemble du marché des capitaux (assurances, fonds d’investissement, compagnies financières, OPCVM, sociétés de Bourse, FCP, etc.) et des secteurs de l’économie réelle.
Dans ce contexte exceptionnel, quelles seraient les solutions que l’on pourrait alors adopter pour s’en sortir sans aller droit vers une situation de stagflation et vers le pire ?
Primo, pour contrecarrer la baisse de l’offre et les déséquilibres qui pourraient en résulter sur les marchés des biens et services et celui du travail (accroissement du taux de chômage) et le cercle vicieux que cela engendrerait pour l’économie toute entière (ralentissement économique, baisse des revenus, baisse de l’investissement, baisse de la demande, ralentissement encore et ainsi de suite, etc.), il va falloir mettre en place en toute urgence un certain nombre de mesures que je regrouperais comme suit :
1. L’octroi de subventions étatiques à tous les secteurs productifs de l’économie, que ce soit par le biais d’allègements fiscaux (réduction de la pression fiscale ou carrément suppression momentanée des impôts) ou d’aides directes ciblées. Ces subventions (directes et indirectes) seraient à même de les aider à réamorcer l’activité de production tout en permettant aux entreprises en difficulté, acculées à recourir au licenciement économique comme dernier recours au lieu de déposer le bilan, de pouvoir au moins indemniser leurs salariés.
2. La nationalisation s’il le faut de certaines entreprises vitales du secteur privé confrontées à de graves difficultés de redémarrage et la mise à leur disposition d’importantes ressources financières destinées à assurer leur sauvetage.
3. L’assouplissement de la politique monétaire et des conditions d’octroi de crédits à l’économie. La Banque centrale devrait s’employer à réduire progressivement son taux directeur jusqu’à le ramener à un taux de 0% s’il le faut.
Cet assouplissement devrait permettre à l’économie de retrouver très rapidement sa vigueur, mais l’on devrait rester extrêmement vigilant pour éviter tout dérapage inflationniste. Le maintien du taux d’intérêt directeur à un tel niveau aurait pour intérêt de booster la reprise et de réduire le chômage.
À souligner ici que compte tenu de la situation inédite de la conjoncture économique et financière mondiale, il se peut que les canaux classiques de transmission de la politique monétaire ne puissent pas fonctionner normalement ou donner tous les résultats escomptés. C’est la raison pour laquelle il incombe aux autorités monétaires d’apporter un soutien tout particulier aux banques et de suivre de près l’impact que cela donne sur l’activité économique et les prix.
Celui-ci pourrait revêtir plusieurs formes (refinancement sans intérêt ni charges et s’il le faut aussi sans garantie, subventions directes et indirectes, allègement voire suppression momentanée de tous impôts, taxes et commissions, plans de sauvetage pour les banques menacées de faillite, desserrement momentané de certaines contraintes microprudentielles comme celles relatives aux exigences de fonds propres pour couvrir les risques (crédits, marché et opérationnels), ou encore celles relatives au ratio de liquidité à court terme, etc.
Les banques devraient en effet s’attendre à un recul sensible de leurs PNB du fait non seulement du ralentissement de la machine économique (rétrécissement de leurs marges d’intérêt, recul des résultats des opérations de crédit-bail et de location, baisse de leurs marges sur commissions), mais aussi du recul prévisible de l’activité dans le reste du monde et partant des résultats de leurs activités de marché (baisse des rendements de leurs actifs financiers, recul des contrats de leurs clients, recul des activités sur les marchés de négoce et de produits dérivés, incertitude sur les opportunités de placement, etc.). Elles devraient, par conséquent, tout en s’efforçant de s’adapter au nouveau contexte, travailler de concert avec la banque centrale et le ministère des finances pour préserver l’équilibre et la stabilité du système financier national dans son ensemble.
La conjoncture serait sans aucun doute extrêmement difficile compte tenu de tout ce qui a été dit précédemment. À noter aussi que le ralentissement économique s’accompagnerait d’une baisse de la demande nationale (consommation et investissement) en raison de la baisse de la production et donc des revenus, de l’accroissement du chômage et du recul du pouvoir d’achat de nombre d’agents économiques.
Il reste maintenant à se poser la question de comment faire pour faire face à cette période d’après-pandémie. À mon sens, Il n’y a que deux solutions possibles :
l La première consiste à solliciter de l’aide sous forme d’emprunts à l’étranger (FMI, Banque mondiale, Communauté européenne, banques et institutions internationales, etc.), mais cette solution a pour inconvénient majeur d’augmenter davantage notre ratio d’endettement par rapport au PIB, ce qui se traduirait par une ponction supplémentaire et des années durant sur nos recettes futures en devises. Aussi, l’on ne devrait jamais oublier les conséquences fâcheuses des années du PAS (début des années 1980) avec cette austérité et cette dévaluation de notre monnaie (nous enfonçant davantage dans l’inflation sans pour autant résorber notre déficit commercial structurel) imposées par le FMI, bien sûr en concertation avec nos autres prêteurs publics et privés.
l La deuxième solution privilégie l’utilisation exclusive des ressources et moyens financiers nationaux. Comment cela pourrait être possible, en l’absence de ressources budgétaire suffisantes, comme cela a été souligné précédemment ?
Je pense que malgré tout, il y a des solutions. En voilà quelques-unes :
1. Suspension jusqu’à nouvel ordre de tout remboursement de dettes, quelles qu’elles soient, envers les banques et organismes étrangers, et ce bien entendu, en commun accord avec tous nos prêteurs. Il faudrait alors essayer d’obtenir d’eux une période de pause raisonnable (on pourrait imaginer par exemple une année d’arrêt susceptible de prolongement au cas où les signes de reprise ne se manifesteraient pas). Le FMI pourrait jouer dans ce cas un rôle d’intermédiaire, d’autant plus que nous avons toujours entretenu d’excellentes relations avec lui. En cas de refus, le Maroc devrait alors chercher d’autres solutions, négocier, convaincre, etc.
2. Application momentanée de plusieurs restrictions de change. Le but recherché serait de freiner toute dépense en devises qui ne présenterait pas une nécessité absolue ou qui pourrait bien attendre. L’on pourrait imaginer à ce titre plusieurs mesures comme celles rétablissant les listes d’importation (liste A pour les produits autorisés, liste B pour les produits soumis à autorisation administrative préalable et liste C de produits prohibés). La liste C pourrait incorporer à titre provisoire tous les produits de luxe, importations non essentielles, produits substituables localement, produits similaires à ceux fabriqués dans le pays, etc. L’on pourrait aussi imaginer de freiner temporairement certaines dépenses de voyage non indispensables (notamment touristiques), les transferts au titre de l’assistance technique, etc. Ces mesures, bien qu’elles puissent paraître pour le FMI et l’OMC notamment comme un recul sur les acquis (accords de libre-échange signés avec nos partenaires commerciaux, conventions tarifaires, etc.), ne seraient que temporaires, vu le caractère exceptionnel de la situation et l’urgence pour les autorités monétaires de stopper toute hémorragie de devises.

D’aucuns pourraient aussi rétorquer que cette solution est contraire aux principes de libéralisme que notre économie a toujours défendus, mais je leur répondrais encore qu’il ne faudrait jamais oublier le proverbe qui dit qu’entre deux maux il faut toujours choisir le moindre. En somme, mon idée repose sur le principe qu’en cas de crise grave, ce qui compte le plus c’est de ne pas trop perdre. Une bonne gouvernance de la balance des paiements prime sur toutes les autres considérations. Nos comptes extérieurs (balance commerciale et balance des capitaux) devraient être suivis poste par poste (dépenses que l’on pourrait tolérer et celles devant attendre des jours meilleurs). Ce n’est que de cette manière que l’on pourrait éviter un effondrement brutal et rapide de nos réserves de change. L’heure est à la vigilance.
3. Application de mesures destinées à assurer une meilleure gouvernance des dépenses publiques. Celles-ci engloberaient rationnement, affectation des ressources budgétaires à l’urgent et à l’essentiel. Toute la priorité devrait être accordée à la remise en marche de l’activité économique. Le déficit budgétaire se creuserait davantage du fait de l’impact du ralentissement économique sur les recettes du Trésor, mais il faudrait faire en sorte que la situation ne puisse devenir intenable. C’est la raison pour laquelle, il serait plus avisé que l’État resserre au maximum ses dépenses et évite d’emprunter massivement. Il ne devrait pas non plus essayer de retrouver l’équilibre en augmentant ses recettes en impôts et taxes. L’alourdissement des charges fiscales en période de récession se traduirait par plus de chômage et un découragement (voire retardement) du processus de reprise.
4. Lancement de grands chantiers de travaux publics. Cette mesure aurait pour but de compenser en partie les pertes d’emploi pour raison économique qui résulteraient de la récession. Le redéploiement aurait également pour intérêt de stimuler la demande et faire redémarrer l’offre (la production de biens et services). Ces grands travaux pourraient intéresser d’abord et en priorité le monde rural où il y a encore beaucoup de grands chantiers à faire (routes, électrification, voiries et assainissement, écoles, hôpitaux, aménagement d’espaces verts, etc.). Le moment serait tout à faire propice pour améliorer un tas de choses, dont la productivité des petits agriculteurs (particuliers), des coopératives agricoles, des petits éleveurs, des apiculteurs, etc. La stratégie consisterait entre autres à prendre entièrement en charge les petits paysans démunis. En mettant à leur disposition des ressources financières et des moyens de production adéquats, en les formant et en les assistant techniquement, ils seraient en mesure d’apporter toute leur contribution à l’amélioration de l’offre en produits agricoles. Les terres arables ne devraient plus rester à l’abandon ou demeurer mal exploitées.
Il serait opportun d’aller vite vers la mécanisation du travail agricole (équipement des petits paysans et des coopératives agricoles en outils de travail modernes et sophistiqués) et l’agriculture intelligente. L’on pourrait en effet s’inspirer des expériences de plusieurs pays en la matière, faisant appel aux technologies les plus avancées, à la recherche et au développement en laboratoire et à la programmation informatique de l’irrigation et de tout le processus de la plantation jusqu’à la récolte.
5. Encouragement et soutien au secteur de la pêche dans son ensemble sous forme d’aides et subventions directes, avantages fiscaux, voire exonérations d’impôts et taxes s’il le faut. Cette mesure pourrait être accompagnée d’une suspension temporaire de tous les accords de pêche signés avec nos partenaires étrangers. Ainsi toutes nos richesses halieutiques seraient redirigées exclusivement vers le marché local. Cette solution pourrait s’avérer contreproductive, diplomatiquement parlant, dans la mesure où elle introduirait une infraction aux conventions et règles du droit international. Mais nous sommes souverains et il nous appartient face à ce cas de force majeure de chercher d’abord à assurer notre sécurité alimentaire. Même critiquable du point de vue juridique, cette solution aurait l’avantage d’augmenter sensiblement notre offre nationale en produits de la mer et de faire ainsi baisser leurs prix à un niveau raisonnable.
6. Lancement de fonds destinés à la collecte de dons du public, basés sur le principe du bénévolat (une sorte de zakat libre sans fixation ni de taux ni de montant). Ces fonds auraient pour rôle de contribuer aux financements dont l’État aurait besoin et aussi de revigorer ce sentiment noble d’appartenance nationale, de civisme et de solidarité. La gestion de ces fonds pourrait éventuellement être confiée aux banques participatives. Celles-ci pourraient aussi contribuer aux grands chantiers de travaux publics par le biais de l’émission de sukuks sur le marché national destinés à financer les travaux dans le monde rural, dont j’ai parlé. Les banques conventionnelles devraient à leur tour apporter toute leur expertise dans ce domaine et aider l’État à financer et suivre la gestion de ces grands chantiers.
7. Encouragement à la consommation de produits purement marocains via le lancement à grande échelle de campagnes de sensibilisation, panneaux publics d’affichage publicitaire, émissions radiophoniques, émissions télévisées, presse écrite, presse électronique, etc.
8. Lutte contre toute fraude, spéculation et pratiques susceptibles de porter atteinte à la stabilité des prix ou de tirer profit de la crise.
9. Lutte contre le gaspillage des ressources quelles qu’elles soient (ressources naturelles, ressources hydriques, ressources énergétiques, ressources financières, etc.). L’ère est au rationnement et à l’allocation intelligente des ressources, sans aucune tolérance pour le gaspillage et la dilapidation des deniers publics.
En conclusion, pour que nous puissions sortir indemnes de cette rude épreuve, nous aurons besoin de deux choses :
• Compter sur nous-mêmes, nos capacités, notre savoir-faire et notre ingéniosité. Cela nécessiterait un véritable pacte d’adhésion de tous (solidarité, citoyenneté, civisme et détermination). Nous devrions aussi demeurer unis et fiers de notre patrie. Une deuxième révolution du Roi et du peuple nous attend dès à présent. Celle-ci devrait avoir pour emblème l’union derrière notre auguste Souverain pour en finir ensemble avec la pauvreté, le besoin et préparer main dans la main un avenir meilleur.
• Coordonner nos efforts, travailler en synergie, et chercher efficience, productivité et résultats. Les départements ministériels, la Banque centrale (simulations d’impact, études de faisabilité, programmation et contrôle des grands chantiers, etc.), les institutions financières (maintien d’un niveau adéquat de crédits à l’économie), la société civile (contribution à la formation et à la sensibilisation des citoyens), les mécènes (apports de fonds, aides et contributions diverses, etc.), tous devraient multiplier leurs efforts pour aider notre économie à sortir indemne de la crise. Il n’y a pas de secret, en fait, les peuples qui ont pu réussir et aller très loin dans leur processus de développement, ils y sont parvenus grâce au travail (c’est ce dernier en effet qui crée la richesse). Toutes nos compétences nationales, y compris celles résidant à l’étranger (chacun dans son propre domaine d’excellence) devraient apporter leur contribution. 

 

 

Par le Dr Amal Chniber

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