L’activité touristique à Merzouga s’apprêterait à subir une transformation radicale vers l’éco-durabilité. Ainsi, l’administration territoriale de la région de Drâa-Tafilalet vient de soumettre aux opérateurs des sports mécaniques dans la région un projet de cahier des charges, révisant de fond en comble les conditions d’exercice de cette activité, que ce soit par les loueurs des véhicules tout terrain (SSV), les organisateurs de rallyes et manifestations et même pour les particuliers. Ce document, dont «Le Matin» détient une copie, définit les conditions à respecter pour l’obtention de l’autorisation de pratiquer les sports mécaniques, aussi bien dans le désert que dans les oasis et les montagnes relevant du zonage touristique de Merzouga. «L’activité touristique à Merzouga fait face, actuellement, à des contraintes de surdimensionnement, sur-fréquentation et surexploitation des ressources de l’environnement. Cette activité en croissance a généré des problèmes de chevauchement des activités de loisirs incompatibles», explique le document, qui fait objet, selon nos sources, d’intenses réunions et concertations entre le Wali de la région et les différentes parties prenantes depuis une dizaine de jours.
Plus de Buggy, Quads ou motocycles non immatriculés dans l’aire des sports mécaniques !
Et nouveauté majeure pour les SSV : Si ce projet de cahier des charges est validé, plus aucun quad, buggy ou motocycle non immatriculé ne pourra circuler dans l’Erg Chebbi. Les contrôles devraient être bien durcis, et des pénalités liées au non-respect des règles sont prévues : «Pour les loueurs et les organisateurs de Rallyes : seuls peuvent demander les autorisations ceux qui sont en situation fiscale régulière et immatriculés au registre de commerce conformément à la législation en vigueur. Ils doivent également être affiliés à la CNSS et avoir souscrit régulièrement leurs déclarations de salaires auprès de cet organisme». En outre, ils doivent utiliser des véhicules disposant de cartes grises, c’est-à-dire homologués et immatriculés. Les demandeurs non installés au Maroc ont la possibilité de fournir l’équivalent des attestations requises au Maroc, délivrées par les organismes compétents de leurs pays d’origine. Concernant les particuliers, seuls peuvent demander ces autorisations ceux qui présentent une copie de leur identité : CIN ou passeport, en plus des documents de régularité et de validité d’utilisation des engins qui seront utilisés : Carte grise, police d’assurance et visite technique.Notons que seule l’immatriculation peut permettre d’identifier clairement le propriétaire d’un véhicule et donc de pouvoir agir efficacement en cas de violation d’une loi ou d’un règlement. «Les véhicules homologués et immatriculés respectent les normes européennes et donc les normes marocaines anti-pollution, il est donc possible de réduire l’empreinte carbone. Il pourrait être envisagé pour simplifier le travail d’importation et d’immatriculation de ces véhicules, de calquer la législation marocaine sur la législation européenne pour ces véhicules», nous explique YMF Extreme Motors, distributeur marocain de Polaris, leader mondial des constructeurs de SSV.Des redevances au profit de la commune de Taous
Pour régler les frais d’entretien, de balisage, de signalisation ou de nettoyage des sites, la région de Drâa-Tafilalet prévoit des redevances «au profit» de la commune de Taous : 50 DH pour les quads et les motocycles et 150 DH pour les autres véhicules. «Une pénalité de 10 fois le montant de la redevance s’applique à l’utilisateur en cas de non-paiement de la redevance d’accès aux zones réservés aux sports mécaniques», est-il précisé.Voulant être encore plus stricte sur le respect des normes et obligations précitées, «l’utilisation d’un appareil non déclaré à la demande d’autorisation est une infraction qui conduit au retrait de l’autorisation pour une durée d’un an. La récidivité conduit au retrait définitif de l’autorisation et l’interdiction d’exercer».Notons que «Le Matin» a essayé de joindre la wilaya de Drâa-Tafilalet, mais sans succès. Selon nos sources, un autre projet de cahier des charges pour les bivouacs serait également entre les mains des parties concernées. Le document est destiné à réglementer cette activité qui génère une pollution aérienne (détritus brûlés sur place) et terrestre (détritus abandonnés aux vents) et fait parfois subir des pressions non nécessaires sur la nappe phréatique avec des puits «sauvages».-----------------------------------------------------------
Questions à Chris Armelin, organisateur du Carta Rallye
«La définition de ce qui constitue une manifestation me semble essentielle»
Que pensez-vous de ce projet de cahier des charges ?
Avec la fréquentation grandissante des motos, quads, SSV et 4x4 dans la région de Merzouga, des contrôles sont impératifs autant pour protéger l’environnement que les personnes et espèces qui évoluent dans l’Erg Chebbi. Des accidents peuvent se produire, même dans l’immensité de l’Erg, et donc, les assurances adéquates s’imposent pour tous. Pour la première fois depuis 7 ans, nous avons choisi de ne pas inclure Merzouga dans notre parcours du Carta Rallye 2020, qui aura lieu en novembre prochain. Justement, car la zone est devenue trop fréquentée. La beauté de la région est affectée par la multitude de bivouacs autour de l’Erg Chebbi. En tout cas, je pense qu’il serait également utile d’inviter certains organisateurs de rallyes et de raids lors d’une consultation, avant d’élaborer la version finale du cahier des charges. Concrètement, la définition de ce qui constitue une manifestation me semble essentielle, car nombreuses sont les manifestations qui ne sont pas assurées. À partir de combien de participants un groupe de particuliers devient par exemple une manifestation organisée ?Quel impact son application aurait sur l’organisation des rallyes dans cette région et en particulier pour votre société ?
Aucun impact ! Depuis notre premier Carta Rallye en 2014, nous avons fait le choix de collaborer avec le Club du Grand Maghreb, le plus ancien club 4x4 du Maroc, la Fédération Royale marocaine des sports automobiles (FRMSA), en plus du ministère du Tourisme. De ce fait, nous remplissons déjà la majorité des conditions du projet de cahier des charges.Nous nous concertons aussi avec les autres organisateurs qui collaborent avec la FRMSA afin d’éviter de se retrouver dans les mêmes zones aux mêmes dates, et offrir ainsi la meilleure expérience possible à nos participants. Si nous ne nous étions pas organisés de la sorte, nous nous serions retrouvés dans l’Erg Chebbi avec 150 équipages de deux rallyes différents sur des parcours qui allaient se croiser, sans compter les autres utilisateurs habituels de l’Erg.Combien de véhicules et de personnes ont participé lors de vos précédents rallyes ?
À chaque rallye, il faut, en plus des participants, compter une vingtaine de véhicules de l’organisation, de l’assistance mécanique, de l’équipe médicale. La norme est que pour chaque véhicule emportant 2 personnes, le pilote et son co-pilote, en moyenne 2 autres personnes de l’organisation sont également présentes sur l’événement, mécaniciens, pisteurs, médecins.Ainsi, en 2017, quelque 57 véhicules ont participé au Carta Rallye, soit environ 200 personnes présentes sur l’épreuve, en 2018, 78 véhicules et donc environ 300 personnes tandis que 48 véhicules nous ont accompagnés en 2019 soit 200 personnes au total. Pour l’année 2020, nous organisons deux événements simultanés. Le Carta Rallye qui accueillera 55 véhicules soit environ 230 personnes, et pour la première fois le Carta SSV Trophy, un rallye dédié aux SSV (que l’on appelle Buggy au Maroc), qui réunira environ 120 personnes.------------------------------------------------------------------
Questions à Eric Menardo, gérant de la société Experaid à Merzouga
«Nous souhaiterions être consultés pour élaborer le cahier des charges final»
Que pensez-vous de ce projet de cahier des charges ?
Concernant Experaid, nous sommes clairement partisans d’un fonctionnement clarifié dans le respect du site exceptionnel de Merzouga et de l’environnement.De plus, nous souhaitons que la location ne soit permise qu’aux loueurs spécialisés et non aux hôtels dont ce n’est pas le métier.Quel impact aura son application sur votre société ?
Nos activités sont la location de SSV (buggys) et l’entretien des véhicules d’une marque américaine de quads et SSV à Merzouga.Concernant la location, nous allons déposer une demande d’autorisation conformément au cahier des charges, sachant que nous respectons tous les critères administratifs (immatriculation RCS, déclaration CNSS, situation fiscale régulière). Comme nous sommes pour le moment les seuls à Merzouga à disposer de buggys homologués, nous pouvons bien entendu fournir à l’administration leurs cartes grises et leurs certificats d’assurance.Il faudra bien sûr organiser la collecte de la redevance qui devra être réglée par chaque utilisateur. Je note que c’est le cas dans le monde entier quand on veut accéder à un endroit d’une telle qualité comme les dunes de Merzouga. Il faut bien trouver une solution pour régler les frais d’entretien, de balisage, de signalisation ou de nettoyage des sites.Pourquoi avez-vous choisi d’utiliser des SSV homologués et immatriculés dans votre activité ?
Nous utilisons des buggys homologués parce que c’est le cas partout en Europe et qu’il était prévisible que les autorités marocaines empruntent le même chemin. Ensuite, parce que les véhicules homologués respectent les normes environnementales européennes et sont donc moins polluants que les autres.Quels investissements seront à réaliser pour répondre à ce nouveau cahier des charges ?
Pour nous, les investissements seront faibles, car nous avons déjà anticipé tout ce qu’il y a dans le cahier des charges. Nous envisageons juste d’équiper nos véhicules de système GPS prévenant clairement les utilisateurs qu’ils s’approchent d’une zone interdite par la réglementation et qui nous prévienne en temps réel de cela pour pouvoir agir immédiatement le cas échéant. En tant que professionnel, nous souhaiterions être consultés pour élaborer le cahier des charges final.