Télétravail : Comment garder la cohésion d’équipe ?

Conseil : Comment peut se faire la gestion à distance en ces temps de crise ?

Mohammed Benouarrek : La gestion à distance est basée sur un autre type de contrôle. Il s’agit de mettre en avant les KRI (indicateurs clés de résultats) et non seulement les KPI (indicateurs clés de performance). Le manager devra se focaliser beaucoup plus sur le résultat final, le livrable et le retour de ses clients internes et/ou externes. Il faudra cependant assurer un suivi rigoureux via des réunions téléphoniques ou audiovisuelles pour le kick off de la journée le matin en temps normal de travail, une autre de suivi à mi-journée, si possible, et surtout une à la fin de la journée pour conclure. Cette proximité virtuelle remplace à un grand pourcentage celle physique habituelle. Le rituel de suivi via l’observation devra forcément être remplacé par le suivi via les livrables. C’est une substitution saine. Le collaborateur ne doit pas se sentir abandonné ou lâché dans la nature. Ceci dit, certains collaborateurs seniors, mais surtout responsables sont autonomes et peuvent demander moins de suivi. Il ne s’agit pas là d’instaurer des mécanismes de micro-management, mais plutôt de ne pas laisser la distanciation entre le manager et l’équipe s’installer.

Quel est l’impact du travail à distance sur la bonne marche des activités : est-ce que le rendement est le même que pour le travail en présentiel ?

Le télétravail a toujours été un concept peu pratiqué, surtout dans les pays en voie de développement. Adopté timidement ou partiellement, le travail à distance n’a jamais été un premier choix, mais plutôt un plan de contingence auquel nous avons recours en dernier lieu. Aujourd’hui, nous sommes, selon le ressenti de la majorité, dans l’obligation de recourir au travail à distance. Un bel exercice forcé ou une simulation dictée par la nature, peu importe. La pandémie nous dicte un confinement jusqu’à nouvel ordre. La question qui s’impose est la suivante : pourquoi n’avons-nous pas pleinement exploré auparavant le télétravail ? À mon avis, il s’agit d’une résistance tacite de notre part comme utilisateurs. Nous n’arrivons pas à divorcer avec le passé basé sur le feel & touch et le présentéisme. En effet, la technologie a précédé les émotions qui résistent encore. Il y a, certes, des secteurs d’activité et des métiers qui se prêtent beaucoup plus facilement au travail à distance tel que les télécommunications, les centres de contacts, le développement, l’intelligence artificielle, etc. D’autres métiers requièrent – pour l’instant – la présence, mais avec la digitalisation, le télétravail reste inéluctable. Pour que le rendement soit le même, il faudra se débarrasser des obstacles mentaux que l’on se met soi-même à la fois comme collaborateur et comme manager. J’irai même jusqu’à dire que le rendement du travail à distance peut être meilleur dans plusieurs cas.

Comment développer la confiance entre le manager et le collaborateur ?

Dans la majorité des cas, il existe déjà une relation de confiance entre le manager et son collaborateur. Ce n’est pas une redécouverte dès le départ en ce moment, mais plutôt un shift d’un mode de fonctionnement vers un autre. Les repères ne sont pas les mêmes, mais le reste ne change pas trop. Cette nouvelle confiance pourra être reconstruite sur la base de la réussite à être productif au même rythme ou presque. C’est aussi une question de temps pour s’adapter au changement et aux aléas et impératifs d’ajustement.

Comment assurer la cohésion de l’équipe en télétravail ?

C’est un challenge intéressant, car les membres de l’équipe ne se rencontrent plus comme d’habitude. Il faudra alors prévoir les visioconférences pour les y inviter, créer des échanges et même les inviter à travailler ensemble sur des projets si c’est possible via le télétravail ou les plateformes de travail collaboratif qui peuvent exister chez l’entreprise. En effet, le digital offre plusieurs solutions. Il ne faut pas l’utiliser comme outil seulement, mais plutôt comme une manière d’agir.

Souder les rangs de son équipe sans devoir les rencontrer ou bien les rassembler est une mission difficile certes, mais pas impossible. Introduire l’humour lors des réunions, privilégier les visioconférences sur les conference calls ou les appels individuels, et convenir de telles réunions à une fréquence au moins hebdomadaire reste crucial pour y arriver.

Par quels moyens peut-on assurer la motivation des collaborateurs qui travaillent à distance ?

Essentiellement, par les mêmes moyens habituels : encouragements, félicitations, commentaires instantanés, culture de feedbacks positifs, porter intérêt à ce qu’ils font, en assurer le suivi et valoriser leurs apports sont tous des astuces utiles pour motiver ses collaborateurs.

Le sentiment d’appartenir à une communauté et d’avoir des objectifs communs peut aussi servir à motiver les équipes et cimenter les liens entre les collaborateurs.

Quelles sont vos recommandations durant cette période ?

Il ne faut pas rendre la crise plus critique qu’elle ne l’est déjà. Explorer des voies alternatives aux modes de gestion classique est une belle opportunité et non une contrainte. Le mindset doit être positif et orienté vers la découverte de nouvelles pistes ou plutôt «d’anciennes nouvelles pistes». Un conseil, si vous êtes des chefs, inspirez confiance à vos équipes. Elles s’en souviendront en temps normal une fois que tout est rétabli.