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Les violences à l’égard des femmes explosent avec le confinement

Les mesures de confinement imposées pour limiter la propagation du coronavirus ont malheureusement eu des conséquences négatives sur la vie de nombreuses femmes. Depuis quelques semaines, le monde a connu une horrible flambée des violences domestiques.

Les violences à l’égard des femmes explosent avec le confinement

Le taux de violences domestique à l’égard des femmes a augmenté considérablement avec le confinement. En effet, des milliers de femmes à travers le monde se sont retrouvées durant cette période piégées à domicile avec leurs conjoints violents. Résultat : les signalements de violences domestiques se multiplient quotidiennement, avec une hausse de 40% dans certains pays. Chaque jour on entend parler de nouvelles victimes, de femmes battues, défigurées et certaines même tuées par leur mari.
Le Maroc ne fait pas exception. Les militants qui luttent contre les violences conjugales tirent la sonnette d’alarme, rappelant que durant cette période difficile, beaucoup de femmes dans le Royaume sont obligées de supporter toutes sortes de violences à la maison, 24 h/24. «Déjà élevé, le taux des violences domestiques contre les femmes au Maroc risque d’augmenter à cause des tensions déjà constatées au sein des foyers et des pressions liées à la situation de confinement en famille, aux  nouveaux stress économiques dû au chômage, aux licenciements, et aux pertes de revenu…», explique Stephanie Willman Bordat, membre fondateur de MRA/Mobilising for Rights Associates.
Cette association, qui milite depuis des années contre les violences faites aux femmes, a élargi son champ de travail et coopère avec les autres ONG féminines pour répondre à la pandémie, en prenant de nombreuses mesures immédiates. MRA/Mobilising for Rights Associates a notamment créé une page web spécial regroupant les affiches des associations féminines dans diverses régions à travers le Maroc avec les numéros de contact d’urgence où les femmes victimes de violences peuvent chercher de l’aide 24/7 dans leur 
communauté.
De son côté le ministère de la  la Solidarité, de la femme, de la famille et du développement social a pris des mesures qui portent notamment sur le lancement de l’opération d’appui financier aux initiatives des associations et des réseaux des centres d’écoute pour accompagner les femmes en situation difficile pendant cette crise, le développement des services à distance et le suivi des femmes victimes de violence à travers le territoire national, en les écoutant et en leurs offrant le soutien moral nécessaire, en coordination avec les services en charge de la protection des victimes. Le ministère a également mis en place des «Salama Kits» pour l’hygiène et la prévention du Covid-19, en partenariat avec le Fonds des Nations unies pour la population (UNFPA) pour appuyer les populations les plus vulnérables, telles que les femmes victimes de violence. 


Entretien avec Stephanie Willman Bordat, membre fondatrice de MRA/Mobilising for Rights Associates

«La situation de pandémie est en train de faciliter l’émergence de nouvelles expressions de violences à l’égard des femmes»

Le Matin : Dans de nombreux pays du monde, on a constaté que durant cette période de crise sanitaire et de confinement, beaucoup de femmes se retrouvent enfermées à longueur de journée avec leurs agresseurs, qui sont généralement leurs conjoints ou des membres de la famille. Pensez-vous que ce soit également le cas au Maroc ?
Stephanie Willman Bordat
: En effet, les femmes au Maroc souffrent aussi d’actes de violence pendant le confinement. Alors que dans cette période de pandémie la population est appelée à rester à domicile, la maison est déjà le lieu le plus dangereux pour les femmes. Comme l’a démontrée la deuxième enquête nationale sur la prévalence de la violence à l’encontre des femmes (Haut Commissariat au Plan, 2019), l’espace domestique est celui le plus marqué par la violence, avec une prévalence de 52% (6,1 millions de femmes). Déjà élevé, le taux des violences risque d’augmenter à cause des tensions déjà constatées au sein des foyers et des pressions liées à la situation de confinement en famille, aux  nouveaux stress économiques dû au chômage, aux licenciements et aux pertes de revenu. De plus, la situation de pandémie est en train de faciliter l’émergence de nouvelles expressions de violence.  Nous avons constaté des situations où les maris abusent de la situation de confinement en mettant de la pression psychologique et en exerçant la contrainte physique pour forcer leurs femmes à renoncer à leurs droits.

Est-ce qu’il y a des femmes qui risquent plus que d’autres d’être victimes de violence durant cette période ?
Oui, nous avons par exemple les cas des maris qui auparavant avaient abandonné le domicile conjugal et/ou étaient poursuivis pour non-paiement da la pension alimentaire, et qui maintenant sont revenus au domicile pour les besoins du confinement, se vengeant de leurs femmes et enfants.  Il y a aussi des femmes avec des affaires de divorce et de pension alimentaire en cours devant le tribunal vivant un prolongement des souffrances à cause des audiences suspendus et des mesures d’exécutions reportées. Étant concentrées dans des secteurs de travail précaire et des emplois à bas salaires, les femmes souffrent de l’insécurité économique causée par la pandémie.  Cette vulnérabilité économique entraîne une dépendance accrue vis-à-vis des agresseurs, ce qui met les femmes dans l’incapacité financière de quitter une situation dangereuse. Les restrictions de mobilité augmentent la vulnérabilité des femmes victimes de violence, en rendant difficile à impossible la possibilité de s’échapper à une situation dangereuse.  La présence en permanence de l’agresseur à la maison, la peur d’être arrêtées pour violation de l’ordre de confinement et la suspension des transports empêchent les femmes de quitter le domicile et de tenter d’accéder aux services.
Comment ces femmes peuvent-elles dénoncer ces actes de violence, puisqu’elles ne peuvent pas sortir ?
Les organisations travaillant auprès des femmes victimes de violence sur le terrain s’efforcent d’adapter massivement leurs opérations à une vitesse record pour continuer à répondre aux besoins des femmes victimes de violence et de leurs enfants.  On a mis en place un système de numéros de portables pour téléphoner, envoyer des SMS ou communiquer par WhatsApp, etc., pour dénoncer les violences.  Il y a aussi dans certaines communautés la mise en place de signes ou gestes auprès des pharmacies pour indiquer discrètement un cas de violence. Plusieurs centres d’hébergement restent ouverts malgré la pandémie, avec les équipes qui restent sur place et qui mettent en place tout un tas de mesures de sécurité et d’hygiène.

Que faites-vous au niveau de MRA/Mobilising for Rights Associates pour aider les femmes victimes de violence durant cette période ?
Pour notre part, nous avons élargi notre champ de travail, déjà assez intensif, sur les violences faites aux femmes au Maroc pour être réactif et pour répondre à la pandémie, en prenant de nombreuses mesures immédiates. Nous avons notamment créé une page web spéciale regroupant les affiches des associations féminines dans une diversité de régions à travers le Maroc avec les numéros de contact d’urgence où les femmes victimes de violences peuvent chercher de l’aide 24/7 dans leur communauté (https://mrawomen.ma/language/fr/coronavirus-ressources-pour-les-femmes-victimes-de-violences). Pour soutenir les associations travaillant sur le terrain, nous avons décidé que notre Groupe Facebook et WhatsApp cible les violences faites aux femmes uniquement durant la pandémie pour faciliter le partage d’informations et de stratégies de travail entre des associations à travers le pays.
Nous sommes également en train de finaliser une lettre aux autorités nationales avec des propositions de mesures d’urgence et concrètes pour une réponse efficace aux violences faites aux femmes pendant cette période. Il s’agit de propositions qui ont été élaboré de manière participative et collective à travers un sondage auprès des associations locales. 
Enfin, nous avons développé un questionnaire plus approfondi pour les associations qui va servir d’outil pratique pour leur permettre de faire le suivi, le monitoring et la documentation des réponses des acteurs publics aux violences faites au femmes pendant cette période. 


L’appel de l’ONU pour protéger les femmes et les enfants contre les violences

Le Secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a appelé, dernièrement, à protéger les femmes contre la violence dans les foyers en ces temps de pandémie, déplorant que la violence de genre ait connu une montée en flèche durant cette période de confinement que vivent de nombreux pays à travers le monde. «Malheureusement, de nombreuses femmes et jeunes filles se retrouvent particulièrement exposées à la violence, précisément là où elles devraient en être protégées. Dans leurs propres foyers. C’est la raison pour laquelle je lance aujourd’hui un nouvel appel pour la paix à la maison, dans les foyers, à travers le monde entier», a déclaré M. Guterres dans un message vidéo. «Nous savons que les mesures de confinement et les mises en quarantaine sont essentielles pour venir à bout du Covid-19. Mais elles peuvent en conséquence piéger les femmes avec des partenaires violents», s’est inquiété le chef de l’ONU, faisant observer que ces dernières semaines, tandis que s’aggravaient les pressions économiques et sociales et que la peur s’installait, le monde a connu «une horrible flambée de violence domestique».
«Dans certains pays, le nombre de femmes qui ont appelé les services d’aide a doublé. Mais le personnel de santé et la police sont débordés et en sous-effectif. Les groupes d’appui locaux sont paralysés ou manquent de ressources. Certains centres d’hébergement des victimes ont dû fermer leurs portes, d’autres sont pleins», a-t-il déploré. «J’engage tous les gouvernements à prendre des mesures de prévention de la violence contre les femmes et à prévoir des recours pour les victimes dans le cadre de leur plan d’action national face au Covid-19», a plaidé le Secrétaire général. «Les droits et les libertés des femmes sont d’une importance vitale pour la solidité et la résilience des sociétés. Ensemble, nous pouvons et devons empêcher la violence partout, dans les zones de guerre comme dans les foyers, tandis que nous nous efforçons de vaincre le Covid-19», a conclu M. Guterres.

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