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Zoran Manojlovic : «Les raisons de mon départ ? Vous devriez en parler avec le président ! Moi, j’avais envie de rester»

Le technicien serbe Zoran Manojlovic, qui a résilié à l’amiable son contrat avec le Wydad de Casablanca lundi dernier, s’est longuement confié au «Matin» sur la période qu’il a passée à la tête du staff technique du WAC. Manojlovic a révélé ses déceptions, les difficultés qui ont entravé son travail, les pépins qu’il a eus avec d’autres membres du staff, ainsi que ses souvenirs les plus marquants avec les Rouges, assurant que le public du WAC est «numéro 1 à travers le Monde» ! Le coach a également répondu aux allégations du président Saïd Naciri qui a évoqué des «problèmes disciplinaires» comme motif de résiliation.

Zoran Manojlovic : «Les raisons de mon départ ? Vous devriez  en parler avec le président ! Moi, j’avais envie de rester»
Ph. Sradni

Le Matin : Lundi, en conférence de presse, le président du club, Saïd Naciri, a justifié la résiliation de votre contrat avec le WAC par des «problèmes disciplinaires». Est-ce vrai, sinon quelles sont les vraies raisons de la rupture de votre contrat ?
Zoran Manojlovic
: Vous devriez en parler avec le président ! Moi, j’avais envie de rester. Il a parlé de discipline, moi je dis que l’équipe a signé de bons résultats, en jouant de belle manière, c’est ce qu’il y a de plus important pour moi. L’équipe tournait bien et occupait une bonne position. Maintenant, on me parle de discipline : si tout était dans l’ordre dans l’aspect disciplinaire et que l’équipe avait été éliminée de la Ligue des champions en milieu de saison, cela aurait été mieux ? D’accord, je respecte ce choix ! Cela dit, je pense qu’il y avait une bonne discipline au sein de l’équipe, car les résultats viennent toujours avec de la discipline. Sans ce facteur, l’équipe n’aurait pas pu enregistrer d’aussi bons résultats.

Des rumeurs font état de chamailles entre des joueurs du Wydad. Certains ont même évoqué une bagarre dans le vestiaire du WAC après le dernier match en Ligue des champions. Avez-vous constaté cela ?
Durant l’entraînement, oui. Dans tous les clubs, parfois, une petite querelle éclate entre un joueur et autre… C’est tout à fait normal. Il ne faut pas oublier que le football est un sport de contact. Un duel assez musclé entre deux joueurs peut provoquer cela, ça fait partie du jeu, et pas qu’au Wydad, dans tous les clubs du monde. Cependant, juste après l’incident, les choses reviennent à la norme. Après cela, la réaction et la discipline peuvent être constatées pendant les matchs.

Donc globalement, l’ambiance qui régnait au sein du groupe était saine…
Tout à fait, j’entretenais une bonne relation avec l’ensemble des joueurs et avec les membres du staff.

Y avait-il un quelconque conflit entre vous et un joueur du WAC ?
Pas du tout, je n’avais aucun problème avec les joueurs du Wydad de Casablanca. Sur le plan sportif, quand je n’étais pas satisfait du rendement d’un joueur, je le mettais sur le banc de touche. À part ça, je n’avais pas de problème particulier avec aucun joueur.

Comment était votre relation avec le président Saïd Naciri ?
Une relation normale. Il ne parle pas anglais. On n’avait donc pas souvent l’occasion de parler, car je ne parle ni français ni arabe. Parfois, il m’appelait pour me parler, c’est tout. C’était une relation normale.

Est-ce que c’est vous qui aviez pris la décision de punir Mohamed Nahiri après le derby arabe ?
Non, pas du tout. Je n’ai jamais puni aucun joueur. 

Vous avez travaillé avec plusieurs coachs adjoints, notamment Fouad Sahabi, Moussa N’daw… Ces changements dans le staff vous ont, semble-t-il, dérangé, alors que le président du WAC assurait dernièrement que ces changements avaient pour but de vous fournir les conditions optimales…
Vous avez tiré la bonne conclusion ! Je n’ai eu des problèmes qu’avec deux d’entre eux : Sahabi et Manaf (Nabi, préparateur physique au WAC, ndlr). Avec les autres, non. Avec Moussa par exemple, il n’y a jamais eu de problèmes. Il y avait 6 coachs en tout, beaucoup plus que ce qui est nécessaire, mais je n’ai jamais eu de problèmes avec eux. Moussa amenait de jeunes joueurs de l’équipe espoirs dans l’équipe A, mais je n’avais aucun problème avec ça ni avec lui. Tout était dans l’ordre avec l’entraîneur des gardiens aussi, avec Adnan que j’ai amené avec moi, ou encore avec Youssef Achami, qui a démarré avec moi et qui m’a beaucoup aidé. Je n’ai jamais, non plus, eu de problèmes avec le nouveau staff, ni avec Saïd (Baddou, coach des gardiens, ndlr), ni avec le nouveau préparateur physique, ni avec Abdelilah Saber, qui est venu il y a un mois.

Avez-vous reçu tous vos émoluments après la résiliation du contrat ?
Nous avons amicalement mis un terme au contrat, à part ça, je ne peux rien vous dire !

Quel souvenir gardez-vous de ce fameux derby arabe qui s’est terminé sur le score de 4-4 ?
Vous savez, c’est dur quand vous êtes éliminé d’une compétition après deux matchs nuls, et c’est encore plus difficile si on sait que vous meniez 4-1 et que vous vous êtes fait rattraper au score lors des 6 dernières minutes. Je ne parlerai pas beaucoup du match, mais je veux quand même citer un point important : celui du penalty sifflé pour le Raja et qui n’était pas valable. Mon défenseur a touché le ballon de la main dans la surface en taclant, et selon les nouvelles règles de la FIFA, ce n’est plus un penalty. J’en ai parlé avec plusieurs arbitres qui m’ont confirmé la véracité de mes propos. Mais bon, l’arbitre a sifflé le penalty, on a fait match nul et on a été éliminé.
Cela dit, il y a eu de bonnes choses pour le WAC dans ce match. Le Wydad a marqué pour la toute première fois quatre buts contre le Raja en un derby, et ce en l’absence de 5 ou 6 joueurs titulaires. J’ai souvent eu ce problème avec les absences, vous avez vu que lors des 3 derniers matchs en Ligue des champions, j’ai joué sans les joueurs étrangers. Ces derniers aident beaucoup, de par leur expérience et leur puissance, et ça change donc beaucoup. Prenez l’exemple des étrangers du Raja, il ne pourrait pas toujours gagner sans eux. Toutefois, on a quand même gagné des matchs et on a bien joué, même en l’absence des étrangers. J’ai disputé 23 ou 24 matchs officiels depuis mon arrivée et on n’en a perdu que 3. Je crois qu’on est dans la norme, même le Real Madrid et Barcelone perdent 3 matchs en 6 mois, c’est ce que nous avons fait aussi. Je ne donnerai pas l’exemple de Liverpool, car là c’est un tout autre niveau, je dirais même qu’ils viennent d’une autre galaxie ! (rires)

Vous n’avez en tout cas pas perdu en Ligue des champions, c’est ce qui est le plus important !
Exactement, je suis fier de tous mes joueurs, parce que nous avons gagné tout en pratiquant un football différent du style qui fait la réputation du Wydad. Plusieurs fans, journaux ou observateurs ont assuré que le WAC jouait un beau football et sont heureux du rendement. Aussi, lors des 4 ou 5 dernières années, peu de joueurs de l’école du club ont pu accéder à l’équipe première. Pendant la dernière période, on a vu Gaddarine, El Moutarajji, Hamada… Avant ce n’était pas le cas. Quand les joueurs arrivaient à un certain âge, il quittait le WAC pour une autre équipe.

Avez-vous sélectionné des joueurs pour le mercato hivernal et fourni une liste à la direction du club pour d’éventuelles négociations ?
Non, je n’ai amené aucun joueur au Wydad.

Donc la direction ne vous a pas demandé de le faire, même si vous étiez le coach ?
Non, je n’ai amené aucun joueur, ce n’est pas ma responsabilité.

Pensez-vous que la communication avec la direction du club était bonne et efficace ?
Il n’y avait pas une grande communication entre nous, car comme je l’ai expliqué avant, on ne parlait pas beaucoup. Je travaille à ma façon et je crois que je le fais bien, parce que l’opinion est une chose, alors que les faits sont autre chose. Je peux avoir une opinion et dire que je suis le meilleur coach du monde, mais je joue cinq matchs et j’en perds 4. Les faits : c’est que je n’ai perdu que 3 matchs en 6 mois avec le Wydad !

Avez-vous fait connaissance avec Paul Put, avez-vous travaillé ensemble ?
Oui je le connais, mais on n’a pas travaillé ensemble.

Globalement, pensez-vous que votre passage au Wydad était une bonne expérience ? Quelles sont les bonnes choses qui vous ont marquées et les mauvaises aussi ?
Il y a eu de très belles choses lors de mon passage au Wydad. Ce club fait partie des trois meilleurs de l’Afrique. Le WAC a de grands joueurs, qui joueraient facilement en Europe. Le public est aussi formidable. Je l’ai vu à la télévision, mais c’est différent quand vous êtes dans le stade, en présence de 50.000 supporters qui vous poussent vers la victoire, c’est magnifique ! Pour moi, le public du Wydad est numéro 1 au monde. En parlant du match face au Raja (4-4), avec ses 50.000 ou 60.000 supporters présents au stade, c’est un match pour l’histoire ! Plusieurs pays européens aimeraient accueillir des rencontres de cette dimension, avec le même jeu, la même atmosphère, ces fans… Le plus grand vainqueur était le public marocain.

On vous avait parlé juste après le coup de sifflet final de la rencontre et vos yeux brillaient toujours après ce grand spectacle et vous aviez comparé la rencontre à un clasico Real-Barcelone ou encore au derby de Manchester…
Absolument, Manchester City, Manchester United, Real Madrid, FC Barcelona, ou encore en Argentine Boca Juniors et River Plate, le Brésil aussi, l’Italie. Ce match fait partie du top 10 mondial et c’est une fierté pour le Maroc et les Marocains et leur football. Ce n’est pas facile aujourd’hui de voir 60.000 supporters divisés en 2 pour soutenir leurs équipes, avec un grand spectacle et 8 buts. À la fin, certains sont joyeux, d’autres sont tristes, mais c’est le football. En fin de compte, ce n’est que le foot et ce n’est qu’un match, il y a d’autres choses beaucoup plus importantes.

C’est ce qui fait que le football est si exceptionnel justement…
Tout à fait, beaucoup d’émotions. Je me rappelle l’expression de mon visage lorsque nous menions 4-1 et que le score est devenu de 4-4 ! C’est le foot. Le football de haut niveau, ce n’est pas facile, mais on a choisi ce travail en sachant toute la pression qui va avec. Si j’avais voulu fuir la pression, j’aurais travaillé dans un bureau derrière un ordinateur !

Après ces 6 mois en Botola D1, quelle appréciation faites-vous sur le football marocain et le championnat de première division ?
Je ne suis pas réputé pour jeter des fleurs, je dirai la vérité comme je la conçois. C’est un championnat bon et très fort. Chaque équipe peut battre l’autre. Par exemple, j’ai vu dernièrement la Renaissance de Berkane, qui est premier du classement, gagner contre le Raja de Béni Mellal, qui est dernier, sur le score de 1-0, au bout d’une rencontre difficile. C’est un championnat fort, avec des équipes aux niveaux sensiblement égaux. Je le compare, selon mon opinion, au Championnat du Portugal, avec peu de buts et beaucoup de nuls 0-0. Le Wydad a marqué beaucoup de buts, n’en a pas encaissé beaucoup, a joué un beau jeu, mais peut-être que le système n’a pas fonctionné (rires) !

Vos pronostics pour la Ligue des champions 2020 ?
Pour moi, je crois que le TP Mazembe et le Zamaleck, Mamelodi Sundowns et le Wydad, l’Espérance de Tunis et le Raja, puis l’Étoile du Sahel et Al Ahly passeront aux quarts de finale et ont des chances égales de se voir sacrés en fin de saison. Leurs niveaux ne sont pas très différents et je crois que les 8 pourraient remporter cette édition. Après, je crois aussi qu’Al Ahly et les Mamelodi Sundowns ont un léger avantage et sont un peu plus forts. Mais après, les six autres pourraient aussi créer la surprise, car ils sont aussi forts. Ce genre de rencontres se joue sur les petits détails, comme la forme des joueurs ou d’autres paramètres comme cela. Vous avez vu face au Raja, nous avons perdu alors que la rencontre se dirigeait clairement vers un nul, il a suffi d’un geste d’Ahaddad pour que l’on perde. 


  Zoran Manojlovic «Fouad Sahabi n’a pas respecté ma position   et m’a dénigré dans des déclarations à la télévision»

Ayant travaillé avec plusieurs coachs adjoints lors de son passage au Wydad, Zoran Manojlovic retient un souvenir plutôt sombre de sa collaboration avec Fouad Sahabi, sur lequel il n’hésite pas à tirer à boulets rouges ! «Je n’ai donc eu des pépins qu’avec Nabi Manaf et Fouad Sahabi. Avec Manaf, c’était nos deux façons de coacher qui n’étaient pas compatibles, un problème qui n’était pas grave. Ce qui l’était en revanche, c’est le problème avec Fouad Sahabi, qui n’a pas respecté ma position et m’a dénigré dans des déclarations à la télévision, disant que je n’étais pas un bon coach. C’est son opinion, mais il y a des faits à côté. Les faits sont mon CV, mes 30 matchs en Ligue des champions de la CAF, mes deux championnats remportés en Angola avec deux équipes différentes, la demi-finale de la Ligue des champions… Ce coach, quant à lui, n’a jamais remporté un championnat, il est parti plusieurs fois en seconde division, et il y a une grande différence entre la crédibilité dont je jouis et la sienne ! J’ai dû le renvoyer du staff à deux reprises ! La première fois, il est venu me voir deux jours avant le match face au Raja, me disant que je ne coachais pas bien et que je devais opter pour un pressing avancé face au Raja. Sans 5 joueurs blessés, je ne pouvais pas faire ça, au risque de perdre par 6-0 ou 7-0. Je crois qu’il l’a fait pour me voir viré ou pour me provoquer. C’était le premier problème. Le second, c’était en Algérie avant un match important en Ligue des champions. Nous avions un problème avec le travail de Adnane (coach adjoint). Il est intervenu dans le travail de Adnane, il m’a dérangé et a affecté la concentration des joueurs. Après, lors de la seconde mi-temps, il est remonté avec cinq minutes de retard. Le match avait repris et il n’était toujours pas là. On a réussi un nul en Algérie, tout le banc de touche était heureux, sauf lui ! Il n’est pas venu dîner avec nous ensuite, puis a raté la séance d’entraînement le lendemain. Même quand il est présent à l’entraînement, il ne m’aide pas, il a toujours le téléphone en main, en train de parler à je ne sais qui. J’ai encore dit qu’on avait deux visions divergentes et que je ne pouvais pas travailler avec lui.»

Entretien réalisé par Abderrahmane Ichi et Youssef Moutmaïne

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