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Affaire du dénommé Brahim Ghali : La faute de l’Espagne envers le Maroc

Dans cette tribune, Hubert Seillan, avocat au barreau de Paris et président de la Fondation France-Maroc revient sur les origines de la crise diplomatique entre Rabat et Madrid. Il y explique comment l’Espagne, de par sa méconnaissance des enjeux et des subtilités du Sahara marocain, s’est rendue coupable d’une imprudence aux conséquences incalculables. Mais «quand l’imprudence est délibérée, elle devient une faute», souligne M. Seillan.

Affaire du dénommé Brahim Ghali : La faute de l’Espagne envers le Maroc
Hubert Seillan.

Bien qu’elle ait administré le Sahara marocain durant près de cent ans, l’Espagne en a-t-elle vu autre chose que ses mines de phosphates et ses ressources halieutiques ? Sa carte du territoire était en effet très sommaire et n’avait que peu de rapports avec celle que nous en donne aujourd’hui le Maroc. Il est possible d’en déduire qu’elle n’a jamais qu’une connaissance limitée des caractéristiques essentielles de ce territoire et de son peuple. Cette carence ne lui a sans doute pas permis de disposer de la sagesse nécessaire dans la décision récente dont nous rappelons l’essentiel avant d’en livrer la leçon.

1. De quoi s’agit-il ?
L’Algérie et son organisation, le Polisario, viennent de se re-déclarer en état de guerre contre le Maroc au sujet du Sahara. Brahim Ghali, le premier responsable de l’organisation, est malade de la Covid-19. Il est loisible de penser qu’il doit pouvoir être soigné dans un hôpital algérien. Il n’en est rien. Le gouvernement algérien demande au gouvernement espagnol de l’accueillir. Accord est donné. Brahim Ghali arrive le 18 avril, à Saragosse, à bord d’un avion de la présidence algérienne. Il est pris en charge par la police espagnole. Il se présente sous un faux nom à l’hôpital de Logroño. Très vite, l’information est donnée par des médias.
Brahim Ghali fait depuis 2006 l’objet de poursuites pénales pour des infractions graves, notamment de crime contre l’humanité, d’enlèvement, de séquestration et de tortures. Un mandat d’arrêt a été émis contre lui en novembre 2016 par la justice espagnole pour génocide, torture et viol. Apprenant sa présence sur le sol espagnol, plusieurs de ses victimes demandent qu’il y soit retenu. Le juge de l’Audience nationale, plus haute juridiction pénale, lui adresse une convocation pour le 1er juin.  À l’issue de cette audition, le juge pourra prendre des mesures conservatoires comme l’interdiction de quitter le territoire ou la mise sous surveillance policière. Le Maroc s’indigne et demande des explications au gouvernement espagnol. Certains membres du gouvernement ne savent pas cacher leur embarras. Dans la réponse officielle, il est fait état d’une décision à caractère humanitaire. Le Maroc ne s’en satisfait pas : «La décision des autorités espagnoles de ne pas aviser leurs homologues marocaines de la venue du chef des milices du “Polisario” n’est pas une simple omission. Il s’agit d’un acte prémédité, d’un choix volontaire et d’une décision souveraine de l’Espagne, dont le Maroc prend pleinement acte. Il en tirera toutes les conséquences».  
À partir du 16 mai, un nombre record de Marocains pénètrent dans les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla. Nombreux sont ceux qui font un aller et retour, en signe de moquerie vis-à-vis de l’Espagne. Le message du Maroc est parfaitement perçu par les diplomaties et notamment par celles de l’Union européenne, en raison de ses frontières africaines à Ceuta et Melilla.

2. Une décision très téméraire
La sérénité avec laquelle les Marocains gèrent sur le plan international la situation du Sahara depuis 45 ans aurait dû inciter les autorités espagnoles à apprécier plus attentivement les enjeux de leur décision. En s’engageant auprès de l’Algérie, en conflit direct avec le Maroc, dans les conditions clandestines que nous venons de décrire, les dirigeants espagnols ont manifesté une inconscience étonnante à l’égard des réalités économiques 
et géopolitiques. 
Précédant, depuis quelques années, la France dans ses investissements au Maroc, la position de l’Espagne devient en effet compliquée. De ce point de vue, les Français sont en mesure de se féliciter de manquements aussi graves aux obligations diplomatiques formelles, sinon morales. Le sujet principal n’est cependant pas celui-ci, car il lui est bien supérieur. Le Maroc, grâce au Sahara, est le moteur des échanges Nord-Sud et de la sécurité à l’ouest de l’Afrique. Ce faisant, la décision inamicale de l’Espagne est de nature à en gripper la mécanique. Les pays européens et africains doivent méditer sur sa responsabilité. Quand les enjeux sont de cette importance, une maladresse devient une imprudence. Quand l’imprudence est délibérée, elle devient une faute. 

Par Hubert Seillan, avocat au barreau de Paris, 
président de la Fondation France-Maroc

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