De ce couloir, l’exposition nous fait voyager au Mali et au Niger à travers des objets hauts en couleur : tuniques, bijoux, sacs, colliers, etc. «Toujours dans sa quête de comprendre le sens des objets, Bert Flint va voyager entre le Mali et le Niger pour y découvrir que les bijoux qu’il a collectionnés ont une signification toute particulière : ils protègent les femmes du mauvais œil et il va aussi se rendre compte que ces mêmes motifs sont reproduits dans des piquets en bois utilisés comme décors de lit pour le même usage», explique Mme Mekouar. Le voyage continue vers la Mauritanie avec des objets faits en cuir, mais avec une couleur rouge tout en gardant l’idée des franges.
L’on note donc que chaque étape du parcours est en lien avec l’histoire de chaque région. Une histoire enrichie et transformée au contact des populations nomades ou semi-nomades. Riche de ces échanges, chaque objet exposé est en réalité témoin et indice de pratiques culturelles partagées et atteste la présence d’un socle culturel commun. Avec cette mosaïque qui se développe de part et d’autre, du Maroc au Sahel, il s’agit aussi de penser tous ces mondes comme une seule entité culturelle et artistique.
Fondation Jardin Majorelle et Bert Flint, une histoire d’amitié
Cette exposition s’inscrit dans une longue histoire d’amitié, d’admiration et de collaboration entre la Fondation Jardin Majorelle et Bert Flint. Suite à la généreuse donation faite en 2015 par ce dernier au Musée Pierre Bergé des Arts berbères, il revenait à la Fondation de lui rendre hommage, avec un ouvrage exhaustif publié en 2018 et, désormais, avec cette exposition. «Comment un Hollandais qui a fait des études de langue et de littérature espagnoles se retrouve-t-il à plus de quatre-vingts ans à la tête d’un musée à Marrakech et le spécialiste incontestable de la culture marocaine ? C’est la question qui se pose à propos de Bert Flint. On trouve la réponse quand on sait qu’après un premier voyage en Andalousie, il découvrit au Maroc que bien des similitudes existaient entre l’art, l’architecture et l’art de vivre de ces deux contrées… Mais il va plus loin encore puisqu’il a reconnu les liens profonds qui unissent le Maroc au monde saharien et au continent africain. En effet, il est un des premiers à avoir fait la promotion du patrimoine rural et berbère du Maroc, comme il est un des premiers à s’être intéressé à la culture matérielle des populations de la diaspora saharienne», écrit Pierre Bergé en préface du livre «La Culture afro-berbère de tradition néolithique saharienne en Afrique du Nord et dans les pays du Sahel».
Le symbolisme de la grenouille
À la fin du parcours, le visiteur sera certainement attiré par l’importante collection d’objets variés qui comprennent tous la forme de la grenouille. Du Mali, du Cameroun, du Maroc… ce sont tous des objets avec le motif ou la forme de grenouille. «Le motif de la grenouille a toujours eu la même signification, c’est un symbole de fécondité, de fertilité et de protection. Il caractérise de nombreux objets de cette région du Maroc et du Sahel», nous explique la commissaire de l’exposition. Au fil du parcours, on comprend donc de mieux en mieux l’importance de certains motifs, tel celui de la grenouille dont on peut suivre la trace d’une catégorie d’objets à une autre, tout en observant la manière dont l’image de cet amphibien est déclinée, transposée, suggérée ou diluée dans une composition originale.
Déclaration de Alexis Sornin, directeur des Musées Yves Saint Laurent et Pierre Bergé des arts populaires
«Le Maroc a été pour Yves Saint Laurent pendant au moins 40 ans un lieu d’inspiration puisqu’il venait y dessiner deux fois par an ses collections de haute couture, mais aussi ses collections de prêt-à-porter. Le lieu où nous sommes aujourd’hui célèbre une relation très forte entre une personne, son métier et un pays, le Maroc, et une ville, Marrakech, en particulier. L’intention du musée installé à Marrakech est de maintenir le patrimoine d’une personne qui n’est plus mais qui a indiqué clairement les volontés d’une telle institution. Il s’agit à la fois d’un lieu d’exposition du travail et de l’œuvre de M. Saint Laurent, mais aussi un lieu culturel puisqu’il y a derrière nous un auditorium qui durant les conditions normales sanitaires permet une programmation culturelle ouverte aux visiteurs du musée, mais aussi aux résidents marrakchis et marocains en général. La Fondation Majorelle a pu rouvrir au mois d’octobre en respectant les consignes sanitaires pour assurer une visite sereine, saine et sécuritaire pour l’ensemble de nos visiteurs. Pour nous, c’est un signe fort de rester ouvert sur la ville, sur le pays mais aussi à l’international. La fondation a su maintenir le lien avec nos voisins marocains en général et marrakchis, en particulier, en révisant sa politique tarifaire. De plus, nous avons 200 collègues qui ont tous pu maintenir leur emploi durant les 12 derniers mois en dépit des conditions sanitaires difficiles et d’un contexte économique plus tendu…».