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Coronavirus et créativité artistique, obstacle ou catalyseur ?

La propagation de la pandémie du coronavirus a touché le secteur culturel et artistique de plein fouet. Plus de spectacles, ni de représentations théâtrales ni de projections cinématographiques ni de vernissage d’arts plastiques et même pas de signatures de livres. Tout a été suspendu d’un seul coup pour respecter les mesures de protection sanitaire contre la diffusion de la Covid-19. Pour certains artistes, c’était le chaos. Mais beaucoup de créateurs ont fait face à cette pandémie avec courage et persévérance en continuant leur bonhomme de chemin de la créativité, même dans ces conditions difficiles. Nous avons approché quelques artistes de différentes disciplines pour recueillir leur avis sur la créativité pendant cette période exceptionnelle. Témoignages

Coronavirus et créativité artistique,  obstacle ou catalyseur ?

Pour l’artiste Nouamane Lahlou, la période du coronavirus a été très bénéfique

«Pour moi, le coronavirus était un vrai catalyseur pour la créativité. Il a peut-être un impact sur l’exécution du produit. Sachant que la créativité est un moment de jouissance. Mais sa réalisation demande du professionnalisme et beaucoup d’effort pour obtenir un produit comme je l’ai imaginé dans ma tête. Donc, pendant cette période, j’ai pu produire plusieurs chansons. En 2020, j’ai sorti neuf titres, une série de sept abordant le sujet du coronavirus et deux autres. Pour le moment, j’ai cinq ou six chansons qui sont prêtes et j’ai commencé à filmer les vidéoclips pour les faire sortir au moment opportun. J’ai aussi organisé des résidences artistiques avec des amis artistes à Tafilalet et à Chefchaouen. Puisqu’en cette période, il n’y avait pas d’activités artistiques et culturelles, je saisis cette occasion pour adresser une lettre à Monsieur le ministre de la Culture, de la jeunesse et des sports pour lui dire que le coronavirus a eu peut-être son effet sur cet univers, mais la culture doit continuer à être présente. Et depuis le début de la pandémie, nous n’avons, jusqu’à maintenant, vu aucune activité artistique et culturelle. J’espère que ce qui viendra sera meilleur.» 


Mohammed Mansouri Idrissi, artiste-plasticien et président du Syndicat marocain des artistes-plasticiens professionnels

Dans cette vidéo, l’artiste Mansouri évoque, en tant que président du Syndicat marocain des artistes plasticiens professionnels, les contraintes subies par les plasticiens, suite à la propagation du virus qui a donné lieu au confinement sanitaire et à la suspension de toutes les activités artistiques. Sachant que beaucoup de ces artistes vivent de leur art. Comme il a parlé de sa propre expérience durant la période de pandémie où il a pu faire une pause, concernant ses activités syndicales. Ce qui l’a aidé à mieux se concentrer sur son travail pictural. 


 Déclaration

Abdelkébir Rgagna, président de l’Union marocaine des arts dramatiques

«Je vous mentirais si je vous disais que cette pandémie a été un catalyseur. Au contraire, elle a été un grand obstacle et a constitué un danger pour la psychologie de l’artiste et des citoyens, en général. Car c’était une sorte de crise qui a eu des impacts sociaux négatifs sur les artistes. C’était pour nous inimaginables. Sachant que beaucoup d’artistes vivent au jour le jour et n’ont pas une fonction stable. Donc, avec la propagation du coronavirus, la vie s’est arrêtée pour eux, puisque même le statut de l’artiste ne les protège pas. D’ailleurs, l’article 20 qui concerne la protection sociale n’est pas encore mis en pratique. Donc, l’artiste indépendant reste non protégé, comment pourrait-il être motivé pour travailler et créer ? Même la carte d’artiste ne donne pas la priorité à ses détenteurs dans le marché du travail et dans le soutien public. C’est pour cela que le coronavirus était un vrai obstacle pour les professionnels du théâtre, puisque les salles de spectacles ont, elles aussi, été fermées. Et on se demande toujours pourquoi ces salles sont encore fermées, alors que d’autres espaces ont ouvert leurs portes aux citoyens. S’ajoute à cela le fait que le théâtre est un art vivant qui ne peut être projeté sur les plateformes digitales. Par contre, cette période que nous avons vécue peut nous donner des idées sur des sujets à explorer et mettre sur scène, des sujets auxquels nous n’avions jamais pensés.» 


 Questions à Saâd Chraïbi, réalisateur, scénariste et producteur

«Cette pandémie a démontré qu’on peut créer aussi dans le manque, dans la solitude positive»

Le monde du cinéma fut vraiment très touché par cette période critique de la pandémie du coronavirus. En tant que cinéaste, comment avez-vous pu surmonter cette épreuve ?
En constatant, au même titre que la moitié des habitants de la planète, que c’est un phénomène nouveau et imprévu, mais surtout invalidant pour l’action et certainement favorable à la réflexion. Cette période de confinement m’a permis de prendre le temps de réfléchir réellement sur notre mode de vie, sur nos habitudes quotidiennes frénétiques et de me dire qu’il est possible en fin de compte de pouvoir vivre avec le minimum, sans besoins superflus. Le véritable manque était constitué par la difficulté d’échanger de visu avec les proches, les amis, les collègues et la famille.

Quelles leçons avez-vous tirées de cette expérience ?
Que nous devons absolument réviser notre façon d’aborder la vie et les rapports avec les autres. Qu’il faut se concentrer sur l’essentiel, qui est représenté par les rapports humains d’abord et avant tout. Que nous devons venir en aide à ceux et celles qui sont dans le besoin, que cette pandémie a exacerbé, pas seulement sur le plan matériel, mais aussi et surtout sur le plan affectif. Que nous devons arrêter de courir derrière le pouvoir, derrière l’enrichissement effréné, derrière le paraître et privilégier l’être.

Adhérez-vous à l’idée que la créativité peut, parfois, naître du manque et de la souffrance ?
Souvent on dit qu’on ne crée que dans la douleur. Cette pandémie a démontré qu’on peut créer aussi dans le manque, dans la solitude positive. Au cours de cette année et étant livré à moi-même, j’ai pu rédiger le scénario de mon prochain film, et je suis en train d’écrire un nouveau livre. Ce qui ne m’était jamais arrivé auparavant, car je me disais que je manquais de temps. Ce qui est faux. Il faut créer aussi le temps de se regarder, d’aller chercher à l’intérieur de soi le sens de ce qu’on fait et, partant, faire le point sur tout ce qui nous concerne. 


Avis 

Salma Mokhtar Amanat Allah, écrivaine

«Est-ce que le coronavirus a été un obstacle ou un catalyseur dans l’opération de la créativité ? C’est une question qui nous conduit vers une autre interrogation qui est de connaître les rituels et les conditions nécessaires pour le créateur afin de créer. Ainsi, suite à cette année de pandémie, on a eu suffisamment de temps pour évaluer cette expérience et la soupeser. Il faut dire qu’on est passé par plusieurs étapes : la première où il y avait une sorte de choc et de surprise pour tout le monde, surtout au moment du confinement sanitaire qui fut une période exceptionnelle où il était difficile de réaliser un travail créatif, car nous étions dans un isolement obligatoire. Sachant que la créativité nécessite à priori une clarté mentale qui n’était pas disponible, à cause de l’existence de ce problème mondial incompréhensible. Il fallait, d’abords, prendre de la distance et comprendre ce qui se passe autour de nous. Après cette étape, nous avons commencé par saisir un peu la situation et nous habituer à coexister avec, mais sans pour autant retourner à notre vie normale. Moi personnellement, j’ai essayé de terminer mon deuxième roman, malgré les conditions pénibles et l’absence d’activités culturelles qui jouent un rôle très important et de motivation dans la vie du créateur.» 


Le poète Mohamed Belmou loue les bienfaits de cette période de pandémie

«En vérité, la propagation de la pandémie a frappé les gens de panique et de peur. Je pense qu’au moment du confinement sanitaire, la créativité était la seule bouée de secours. Car se trouver tout à coup prisonnier de la maison n’était pas chose simple, avec tout ce qui se disait sur le coronavirus. Il n’y a que la créativité et l’espoir pour s’accrocher à la vie. Cela m’a donné l’idée d’écrire des poésies sur ce changement de vie extérieur que nous voyons seulement à travers les fenêtres. Pour moi, cette pandémie fut un catalyseur pour la créativité qui était le seul moyen pour faire face et résister à ce virus, puis avoir de l’espoir. Avec le confinement sanitaire, on peut aussi remarquer que beaucoup de changements se sont opérés dans les relations familiales. Pour plusieurs, c’était un terrain propice de communication entre ses membres, à travers des discussions et des créativités communes. Par exemple, pour ma fille Hiba, cette période fut bénéfique pour elle dans son expérience d’art plastique. On a même pu échanger et collaborer avec nos créativités respectives : moi avec ma poésie et Hiba avec sa peinture. Peut-être que dans le cas du cinéma et du théâtre, il y avait des obstacles. Mais pour l’écriture, la poésie, la peinture et même la musique, la pandémie n’était pas un obstacle. Sans oublier que la digitalisation a remplacé, dans certains événements, les activités présentielles depuis le début de la pandémie, en contribuant à la diffusion d’un peu de culture et d’art.» 

 

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