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David Goeury : «Les choses seront un peu plus complexes pour les élections législatives»

Dans cet entretien, David Goeury, analyste politique et chercheur associé au Centre Jacques Berque à Rabat, analyse les résultats des élections des Chambres professionnelles et décortique les raisons ayant permis au RNI de doubler son score, tout en revenant sur la régression qu’a connue le PJD lors de ces échéances et leur éventuelle incidence sur les futures élections communales et régionales.

David Goeury : «Les choses seront un peu plus complexes  pour les élections législatives»

Le Matin : Le Rassemblement national des indépendants (RNI) a remporté 638 sièges (28,61%) lors des élections des Chambres professionnelles au lieu des 326 places obtenus en 2015, se plaçant ainsi en tête de ce scrutin. Seul l’Istiqlal connaît une légère progression, tandis que tous les autres grands partis ont vu leur score régresser. Quelle lecture faites-vous de ces résultats ?
David Goeury : La première observation à faire concerne la forte mobilisation du Rassemblement national des indépendants. Ce parti a réussi à couvrir 87% des circonscriptions des Chambres professionnelles. Il ne faut pas oublier que pour ce scrutin, nous avons des circonscriptions à scrutin uninominal pour les Chambres d’agriculture et d’autres à scrutin de liste, comme pour les Chambres de commerce, d’industrie et de services (CCIS) ou les chambres d’artisanat. Donc pour réussir une performance comme celle réalisée par le RNI, il était nécessaire d’avoir le plus de candidats possible dans l’ensemble des circonscriptions et de mettre en place un dispositif de campagne en amont, et c’est justement ce défi qui a été très bien relevé par le parti de la colombe. Néanmoins, il faut souligner que l’influence politique du RNI est plutôt une influence territoriale. Pour mieux expliquer cette nuance, je vous donne l’exemple du grand Casablanca-Settat. Certes, le parti a obtenu le plus grand nombre de sièges au niveau de cette région, mais il n’a pas été, pour autant, classé premier au niveau de la Chambre de commerce, d’industrie et de services de Casablanca où il a été devancé par le PAM.

Est-ce que les résultats obtenus par le RNI peuvent lui garantir une représentation confortable au niveau de la Chambre des conseillers ?
Il est important de souligner que la victoire du RNI n’est pas écrasante. Le parti de la colombe dispose seulement d’un score de 28%, sans oublier que d’autres partis comme le PAM et l’Istiqlal ont pu également obtenir des scores importants. Et puis il ne faut pas oublier non plus que la Chambre des conseillers regroupe des membres représentant les collectivités territoriales, le patronat et les syndicats des salariés. Au final, seuls 20 conseillers sur 120 sont issus des Chambres professionnelles. En revanche, ce qui est important à souligner, c’est que le RNI semble avoir très bien préparé son réseau en vue de couvrir toutes les circonscriptions, particulièrement les communes rurales, pour les futures élections communales et régionales. Il apparaît comme disposant d’une avance organisationnelle pour faire campagne par rapport aux autres partis politiques. En revanche, pour les élections législatives, les choses seront un peu plus complexes : le poids des circonscriptions rurales reste relativement modeste par rapport aux grandes villes. Or les résultats dans les Chambres de commerce, de l’industrie et des services démontrent une forte mobilisation du PAM et de l’Istiqlal.

Quelle interprétation peut-on faire du score obtenu par le PJD qui n’a pas dépassé 49 sièges (2,2%), perdant ainsi 147 sièges par rapport à 2015 ?
Le PJD n’a pas du tout misé sur les élections professionnelles. Comme en 2015, ces élections n’ont pas constitué un enjeu majeur pour ce parti. D’ailleurs, il avait obtenu un score très moyen, mais cela ne l’avait pas empêché de se classer en tête en termes du nombre de voix lors des élections communales et régionales, mobilisant 1,6 millions d’électeur. Toutefois, il est important de souligner que le parti de la lampe a le plus faible taux de conversion entre le nombre de candidats et le nombre d’élus. Ainsi, sur les 784 candidats qui se sont présentés à ces élections, seuls 49 sièges ont été élus. Ce qui signifie que le taux de conversion du parti des ces candidats en élus n’a pas dépassé les 6,3%, alors que le taux de conversion des autres partis est de 18% en moyenne. Autrement dit, le PJD a du mal à bien convaincre les professionnels de soutenir ses candidats, comme ce fut le cas lors des élections syndicales il y a quelques semaines. Le PJD subit sans doute un vote sanction au sein des Chambres aussi pour le bilan de sa gestion locale, car depuis 2015, il contrôle les principales villes marocaines.

À la lumière des résultats obtenus par le PJD lors des élections des Chambres professionnelles et celles des délégués du personnel, peut-on s’attendre à ce que les citoyens procèdent à un vote sanction à l’égard du PJD ?
Il est très compliqué de se prononcer sur cette question. Les élections professionnelles ont mobilisé 882.736 électeurs, alors que pour les élections communales de 2015 c’était 7,3 millions de citoyens. Cependant, lors des élections communales de 2015, à l’exception du PJD arrivé en tête grâce à ses nombreux militants urbains, l’ordre qui a été établi lors des élections professionnelles a été maintenu dans le cadre des élections communales. Ainsi, le PAM est arrivé en deuxième position lors des communales, suivi de l’Istiqlal puis du RNI. En 2021, nous remarquons que cette situation a changé. Actuellement, il existe une forte chance pour que le RNI se place devant l’Istiqlal et le PAM lors des communales. Mais il serait difficile de faire des projections sur le positionnement du PJD lors de ces élections, parce que ce parti dispose de militants qui ne sont pas forcément concernés ou mobilisés pour ces élections professionnelles. Toutefois, le PJD n’est plus dans une dynamique d’ascension, comme cela a été le cas depuis 1997 où, élection après élection, il élargissait son électorat. Il apparaît comme étant dans une phase de régression de son influence. Le parti de la lampe devra donc miser sur son réseau de militants. La question à se poser est de savoir si le PJD parviendra à obtenir un score de plus de 1 million de voix le 8 septembre prochain. 

Entretien réalisé par Yousra Amranije

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