Le Matin : Le Maroc constitue une destination privilégiée des archéologues. Plusieurs découvertes préhistoriques, à Casablanca et dans d’autres régions du Royaume, ont permis une meilleure connaissance des origines de l’espèce humaine. Qu’est-ce que vous pouvez nous dire à ce sujet ?
Comment avez-vous pu aboutir à cette datation archéologique ?
Ces recherches sur la culture acheuléenne au niveau des carrières Thomas ne datent pas d’aujourd’hui. Elles remontent à 1988 et sont le résultat de la combinaison de plusieurs disciplines scientifiques. À titre indicatif, on a procédé à l’étude des outillages utilisés à cette époque, on a aussi eu recours à des études lithostratigraphiques concernant le contexte géologique de ce site archéologique, on a également effectué des recherches biostratigrafiques sur les fossiles d’animaux. D’autres nouvelles études effectuées ces dernières années se sont ajoutées aux anciennes et ont permis l’acquisition de données très fiables et une datation plus précise. Je cite, à cet égard, les études magnétostratigraphiques et les études géochimiques. À partir de ces études, anciennes et nouvelles, on a réussi à élaborer et à établir ce cadre chronostratigraphique, d’où l’importance d’associer d’autres disciplines scientifiques et de nouvelles techniques. Je voudrais préciser, à cet effet, que l’article paru dans la revue «Scientific Reports» a été signé par 17 auteurs appartenant à des institutions et des laboratoires du Maroc, de France et d’Italie, exerçant dans divers domaines scientifiques.À votre avis, quel est l’intérêt de cette découverte archéologique au-delà de la dimension purement scientifique ?
Une découverte archéologique n’est pas une fin en soi. Son importance réside surtout dans la détermination du contexte chronologique. Si on n’a pas une datation précise du vestige, la découverte en elle-même perd de son importance.Que représente pour vous la publication de la découverte de l’Acheuléen de Casablanca dans une revue scientifique de renommée internationale ?
La publication de cette découverte archéologique, le 28 juillet 2021, dans le magazine «Scientific Reports», constitue un grand exploit, compte tenu de la rigueur scientifique de ses publications et de l’aura internationale dont il jouit. La publication d’un article sur la carrière Thomas 1 à Casablanca au Maroc témoigne et atteste l’importance de cette découverte et, aussi, l’intérêt scientifique que suscitent ces sites du paléolithique ancien de Casablanca. À travers cette nouvelle datation de la présence de la culture acheuléenne, le débat scientifique archéologique accorde désormais au Maroc le même intérêt que celui accordé à l’Afrique de l’Est ou à l’Afrique du Sud. Je voudrais juste signaler qu’on a déjà publié dans cette revue scientifique deux articles en 2020. Le premier sur les traces, de 700.000 ans, des plus anciennes boucheries découvertes en grottes sur le continent africain, tandis que le deuxième article concerne la carrière Thomas 1 et porte sur les techniques spéciales de fabrication de petits éclats laminaires appartenant à la culture acheuléenne. Une découverte qui a démontré que l’homme acheuléen était capable d’opérer des techniques élaborées nécessitant de grandes capacités cognitives.