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«Avec la découverte de l’Acheuléen de Casablanca, l’intérêt archéologique du Maroc est devenu le même que celui de l’Afrique de l’Est et de l’Afrique du Sud»

Le Maroc est considéré comme un musée à ciel ouvert. Les multiples découvertes archéologiques apportent des preuves irréfutables que le territoire national est l’un des berceaux de l’humanité. Dans cet entretien, Abderrahim Mohib, co-directeur du Programme de recherches «Préhistoire de Casablanca» mené en partenariat avec la France, invite à un voyage dans le temps pour nous délivrer les secrets de cette découverte de l’Acheuléen, qui date de 1,3 million d’années, récemment publiée dans la célèbre revue «Scientific Reports» du groupe «Nature» et qui a suscité un grand intérêt de la communauté scientifique nationale et internationale.

«Avec la découverte de l’Acheuléen de Casablanca, l’intérêt archéologique  du Maroc est devenu le même que celui de l’Afrique de l’Est et de l’Afrique du Sud»
Abderrahim Mohib.

Le Matin : Le Maroc constitue une destination privilégiée des archéologues. Plusieurs découvertes préhistoriques, à Casablanca et dans d’autres régions du Royaume, ont permis une meilleure connaissance des origines de l’espèce humaine. Qu’est-ce que vous pouvez nous dire à ce sujet ?
Abderrahim Mohib
: En effet, durant les vingt dernières années, d’importantes découvertes archéologiques ont été réalisées au Maroc, à tel point que certaines personnes qualifient notre pays de paradis des archéologues et des géologues, et ce grâce aux recherches et aux techniques de fouilles qui se sont développées ces derniers temps. Je peux citer, à ce propos, l’homo sapiens le plus ancien du monde, datant de 315.000 ans, les traces de parures dans les grottes de pigeons de Tafoughalt dans l’Oriental, la plus ancienne intervention chirurgicale sur des crânes de ce que l’on appelle les homo-ibéromaurusiens, les traces de boucheries découvertes dans la grotte des rhinocéros à Casablanca. Ce sont là quelques exemples de la richesse du patrimoine préhistorique marocain. Ces recherches ont pu être effectuées grâce aux efforts d’institutions marocaines, notamment l’Institut national des sciences de l’archéologie et du patrimoine relevant du ministère de la Culture, en partenariat avec des équipes internationales.
La publication de la récente découverte de l’Acheuléen le plus ancien d’Afrique du Nord, qui remonte à 1,3 million d’années, au site L des carrières Thomas, a suscité un grand intérêt au sein de la communauté scientifique et a été largement relayée par les médias nationaux et étrangers. Où réside l’importance de cette découverte archéologique ?
À noter, tout d’abord, que la présence acheuléenne remonte au paléolithique ancien et jusqu’à cette découverte, on disait que cette culture matérielle datait de moins d’un million d’années. Avant, nous ne disposions pas d’indications chronologiques plus anciennes. Le grand intérêt scientifique de cette dernière publication est qu’elle situe la culture acheuléenne à 1,3 million d’années. C’est la limite chronologique la plus ancienne en Afrique du Nord.

Comment avez-vous pu aboutir à cette datation archéologique ?
Ces recherches sur la culture acheuléenne au niveau des carrières Thomas ne datent pas d’aujourd’hui. Elles remontent à 1988 et sont le résultat de la combinaison de plusieurs disciplines scientifiques. À titre indicatif, on a procédé à l’étude des outillages utilisés à cette époque, on a aussi eu recours à des études lithostratigraphiques concernant le contexte géologique de ce site archéologique, on a également effectué des recherches biostratigrafiques sur les fossiles d’animaux. D’autres nouvelles études effectuées ces dernières années se sont ajoutées aux anciennes et ont permis l’acquisition de données très fiables et une datation plus précise. Je cite, à cet égard, les études magnétostratigraphiques et les études géochimiques. À partir de ces études, anciennes et nouvelles, on a réussi à élaborer et à établir ce cadre chronostratigraphique, d’où l’importance d’associer d’autres disciplines scientifiques et de nouvelles techniques. Je voudrais préciser, à cet effet, que l’article paru dans la revue «Scientific Reports» a été signé par 17 auteurs appartenant à des institutions et des laboratoires du Maroc, de France et d’Italie, exerçant dans divers domaines 
scientifiques.

À votre avis, quel est l’intérêt de cette découverte archéologique au-delà de la dimension purement scientifique ?
Une découverte archéologique n’est pas une fin en soi. Son importance réside surtout dans la détermination du contexte chronologique. Si on n’a pas une datation précise du vestige, la découverte en elle-même perd de son importance.

Que représente pour vous la publication de la découverte de l’Acheuléen de Casablanca dans une revue scientifique de renommée internationale ?
La publication de cette découverte archéologique, le 28 juillet 2021, dans le magazine «Scientific Reports», constitue un grand exploit, compte tenu de la rigueur scientifique de ses publications et de l’aura internationale dont il jouit. La publication d’un article sur la carrière Thomas 1 à Casablanca au Maroc témoigne et atteste l’importance de cette découverte et, aussi, l’intérêt scientifique que suscitent ces sites du paléolithique ancien de Casablanca. À travers cette nouvelle datation de la présence de la culture acheuléenne, le débat scientifique archéologique accorde désormais au Maroc le même intérêt que celui accordé à l’Afrique de l’Est ou à l’Afrique du Sud. Je voudrais juste signaler qu’on a déjà publié dans cette revue scientifique deux articles en 2020. Le premier sur les traces, de 700.000 ans, des plus anciennes boucheries découvertes en grottes sur le continent africain, tandis que le deuxième article concerne la carrière Thomas 1 et porte sur les techniques spéciales de fabrication de petits éclats laminaires appartenant à la culture acheuléenne. Une découverte qui a démontré que l’homme acheuléen était capable d’opérer des techniques élaborées nécessitant de grandes capacités cognitives. 

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