La détention préventive était et reste toujours l’une des plus grandes préoccupations de la politique pénale au Maroc, en raison de son lien avec le surpeuplement des prisons. Mais cette mesure exceptionnelle visant à protéger la société des dangers des crimes est devenue presque une règle. Selon le président délégué du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire, Mohamed Abdennabaoui, «l’examen de la rationalisation de la détention préventive était et reste toujours la plus importante préoccupation du système judiciaire».
Explicitant son propos, le président du CSPJ a indiqué que le suivi de la question confirmait que la relation entre la surpopulation carcérale et la détention préventive n’est pas toujours vérifiée. Seulement 2% des personnes en détention préventive sont libérées et environ 90% sont condamnées à des peines privatives de liberté, a-t-il relevé. Dans ce sens, le responsable a rappelé que les décisions de détention préventive sont parfois affectées par la pression sociale, en plus de l’absence d’alternatives suffisantes à la détention préventive permettant la gestion des dossiers des détenus, de manière à assurer un équilibre entre la protection de la liberté des suspects et des accusés et la protection de la sécurité publique.
Intervenant également lors de cette rencontre, le procureur général du Roi près la Cour de cassation, président du ministère public, El Hassan Daki, a affirmé que la présidence du ministère public, étant consciente de la sacralité du droit à la liberté, ne ménagerait aucun effort pour aller de l’avant dans la rationalisation de la détention préventive, en tant qu’orientation stratégique irréversible. Le haut responsable a assuré que «la liberté des individus est considérée comme un droit sacré approuvé par les conventions internationales, et auquel la Constitution a accordé une grande importance». Il a noté, dans ce sens, que le code de la procédure pénale avait souligné l’importance du droit à la liberté, lorsqu’il a considéré que la détention préventive n’était qu’une mesure exceptionnelle.Relevant que l’augmentation du taux de détention préventive est principalement dû au fait que la plupart des textes juridiques comportent des dispositions répressives qui comprennent des peines privatives de liberté, M. Daki a également souligné l’absence d’alternatives à la détention préventive au niveau législatif ainsi que l’accroissement du nombre de personnes soupçonnées d’avoir commis des délits et présentées devant le parquet général. À cet égard, il a assuré que le ministère public était conscient de la nécessité de rationaliser la détention préventive en tant que priorité centrale dans la mise en œuvre de la politique pénale.
«Les efforts du ministère public dans ce sens ont permis concrètement de réduire de 42% à moins de 39% le taux de détention préventive entre 2017 et 2019, tandis que le nombre de poursuites en état de détention qui se terminent par une mise en liberté est passé d’environ 4.000 verdicts en 2018 à 1.867 en 2020», a affirmé M. Daki. Il a par ailleurs souligné que le rythme de règlement des dossiers des détenus est également un facteur clé pour déterminer le taux de détention préventive. Ce constat a été observé de manière tangible pendant la mise en œuvre de l’état d’urgence sanitaire (45% en 2020), avant l’adoption du choix stratégique du procès à distance, qui a permis la libération de plus de 12.000 personnes, a t-il affirmé.
À rappeler que sur la population carcérale totale, qui s’élevait à 84.990 personnes en 2020, seules 15.359 personnes n’ont pas fait l’objet d’une décision de première instance sur l’exécution d’une peine privative de liberté. Ce chiffre est l’équivalent de 18%, qui est le taux réel de détention préventive, selon la définition adoptée par les Nations unies et dans les lois comparées, a conclu le président du ministère public.