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Éducation inclusive : où en sommes-nous ?

Malgré les efforts fournis par les différentes parties prenantes, le chemin reste encore long en matière de promotion de la scolarisation des enfants en situation de handicap au Maroc. D’après les résultats du recensement de 2014 du Haut-Commissariat au Plan (HCP), seuls 30% des personnes en situation de handicap ont accès à l’éducation. Le HCP avait annoncé que parmi les 231.000 enfants en situation de handicap en âge d’être scolarisés (4-15 ans), 67,6% n’allaient pas à l’école. Et parmi ceux qui accèdent à l’enseignement primaire, seuls 8,5% parviennent à poursuivre leur scolarité dans l’enseignement secondaire. Afin de changer la situation, le Maroc s’est doté en 2019 d’un programme national de l’éducation inclusive. Mais une mobilisation générale est nécessaire pour réaliser de meilleurs résultats.

Éducation inclusive :  où en sommes-nous ?

Le programme national commence à porter ses fruits

Lancé en 2019, l’ambitieux programme national de l’éducation inclusive au profit des enfants en situation de handicap s’inscrit dans le cadre des Orientations Royales, à savoir l’inclusion et l’intégration de tout individu dans son environnement pédagogique, académique, sociologique et économique. Selon les dernières statistiques du ministère de l’Éducation nationale, de la formation professionnelle, de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique, plus de 90.000 élèves en situation de handicap sont scolarisés dans les classes ordinaires et environ 10.000 élèves bénéficient des services de qualification et d’appui à la scolarisation qu’offrent les salles de ressources nouvellement créées dans les établissements scolaires inclusifs. En deux ans, les efforts déployés ont permis de réaliser un taux de couverture de 20% des établissements scolaires par ce programme de l’éducation inclusive. Le plan ambitionne d’atteindre un taux de couverture des établissements scolaires de 100% à l’horizon 2027-2028.
À noter que 500 enseignants et plus de 450 aides à la vie scolaire accompagnent les élèves en situation de handicap dans les établissements scolaires. Le nombre de bénéficiaires de l’appui social, quant à lui, a atteint 3.591 enfants tandis que 659 autres ont bénéficié de re-scolarisation dans le cadre de l’école de la deuxième chance. Sur le plan pédagogique, le ministère a élaboré un nouveau cadre référentiel de l’éducation inclusive au profit des enfants en situation de handicap, avec l’appui technique de l’Unicef. Trois guides de mise en œuvre de ce cadre ont été élaborés au profit des directeurs des établissements scolaires, des enseignants et des parents et familles.
Par ailleurs, une adaptation des sujets des examens certificatifs dans les trois cycles scolaires, et des conditions d’examen et de correction au profit des élèves en situation de handicap a été réalisée, et le nombre des bénéficiaires de cette adaptation ne cesse d’augmenter chaque année. «Plusieurs mesures et dispositifs ont été adoptés au profit de ces enfants, notamment l’accompagnement individuel et pédagogique, le développement d’une application pour l’amélioration de la lecture chez les enfants sourds à l’âge précoce et la production des aides et outils éducatifs dans la langue des signes ainsi que des leçons vidéo du cycle du primaire afin que les élèves sourds et malentendants puissent accéder aux opportunités de l’apprentissage numérique», souligne Anouar Boukili, chef de la division de l’éducation inclusive au ministère de l’Éducation nationale. Et d’ajouter que «le ministère mise sur l’amélioration de l’efficience et la qualité des services des établissements scolaires inclusifs des enfants en situation de handicap à travers l’adoption d’une feuille de route étalée sur trois années (2021-2023), incluant le renforcement de l’offre scolaire et la promotion du modèle pédagogique, ainsi que l’amélioration de la vie scolaire par le renforcement des partenariats avec la société civile œuvrant dans le domaine du handicap».
Il est à noter, en outre, que le département de l’Éducation nationale a renforcé ses structures fonctionnelles via la création d’une division au niveau de la direction des curricula, avec des services au niveau de chaque AREF (Académie régionale de l’éducation et de la formation) et des cellules au niveau de chaque direction provinciale dans le but de prendre en charge les enfants en situation de handicap, les accueillir, les orienter et les accompagner tout au long de leur cursus scolaire. 


Ils ont dit 

Youssef Errkhis, président de l’AAMH

«Aujourd’hui, on ne peut que se réjouir des efforts importants qui ont été fournis par les ONG œuvrant dans le domaine du handicap et qui ont permis à de nombreux enfants d’avoir accès à ce droit fondamental de l’éducation, qui était malheureusement considéré, il y a quelques années, comme un luxe. Sans oublier le rôle qu’a joué l’Entraide nationale dans le financement de ces actions grâce au budget qu’elle accorde chaque année aux associations.»
  

Amina Bouayach, présidente du CNDH

«Dix ans après l’adoption de la Constitution de 2011, les enfants en situation de handicap au Maroc restent largement discriminés par rapport à l’accès aux droits fondamentaux. Il s’agit essentiellement du droit à la santé et à l’éducation inclusive, notamment au niveau des procédures d’inscription dans les écoles, l’accès à l’éducation spécialisée, à l’éducation des adultes, au préscolaire en l’absence des mesures d’accompagnement, à savoir les auxiliaires de vie scolaire et assistants à l’autonomie… Il faut également œuvrer pour l’adaptation des programmes afin de permettre à toutes les personnes handicapées d’accéder sans discrimination à tous les niveaux de l’éducation.»

Amina Bouayach, présidente du CNDH

«Dix ans après l’adoption de la Constitution de 2011, les enfants en situation de handicap au Maroc restent largement discriminés par rapport à l’accès aux droits fondamentaux. Il s’agit essentiellement du droit à la santé et à l’éducation inclusive, notamment au niveau des procédures d’inscription dans les écoles, l’accès à l’éducation spécialisée, à l’éducation des adultes, au préscolaire en l’absence des mesures d’accompagnement, à savoir les auxiliaires de vie scolaire et assistants à l’autonomie… Il faut également œuvrer pour l’adaptation des programmes afin de permettre à toutes les personnes handicapées d’accéder sans discrimination à tous les niveaux de l’éducation.»


Le CNDH et l’OMS sensibilisent aux droits des enfants en situation de handicap

Le Conseil national des droits de l’Homme (CNDH) et l’Organisation mondiale de la santé (OMS) organisent, depuis le 15 et jusqu’au 26 février, des journées de sensibilisation et de formation autour des droits des enfants en situation de handicap. Cette initiative s’inscrit dans le cadre du partenariat des Nations unies pour le droit des personnes en situation de handicap «Changer le regard et promouvoir l’approche basée sur les droits humains dans la perception du handicap au Maroc». «Ces journées, destinées à une centaine de professionnels de l’éducation, de la santé, les associations des parents d’élèves en situation de handicap, les familles et les élèves au niveau de deux écoles pilotes à Rabat et à Casablanca, visent à consolider leurs connaissances des normes et du référentiel international et national en matière des droits des personnes en situation d’handicap, à savoir la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées, la Convention internationale des droits de l’enfant et la Constitution marocaine qui bannit toutes les formes de discrimination sur la base du handicap», a souligné Amina Bouayach, présidente du CNDH. «Cet événement a également pour objectif de créer un espace de dialogue interactif entre les différentes parties prenante de ce programme national autour de l’effectivité du droit à un parcours éducatif inclusif à l’enfant marocain, notamment la petite fille handicapée, et de se doter des outils et de l’approche droits pour changer le regard et la perception du handicap», a ajouté la présidente du CNDH dans un entretien accordé au «Matin». Mme Bouayach a également souligné que le principe de participation de l’enfant revêt pour le CNDH une grande importance dans ces ateliers, pour pouvoir définir à partir de leurs droits, en tant qu’enfant en situation de handicap, leurs propositions et appréciations, des orientations pour les actions futures du CNDH. «Notre ambition, que nous partageons avec l’OMS, est de relever les articulations nécessaires pour mettre en place les opérations de protection adéquate ou de réajuster celles qui sont en vigueur», a affirmé Amina Bouayach. 


L’important rôle de la mobilisation sociétale

Le programme national de l’éducation inclusive au profit des enfants en situation de handicap accorde une grande importance à la sensibilisation et à la mobilisation sociétale. Dans ce sens, l’Académie régionale de l’éducation et de la formation (AREF) de Tanger-Tétouan-Al Hoceïma a organisé, du 15 au 20 février, une campagne de sensibilisation sur l’éducation inclusive sous le slogan «L’éducation inclusive, un droit et une vie partagée». Cet événement a été marqué par la tenue d’un séminaire sur «Le rôle de la mobilisation et la communication dans la mise en œuvre du programme national de l’éducation inclusive».
«Cette campagne a pour objectif de sensibiliser toutes les parties prenantes à l’importance de l’éducation inclusive pour les enfants en situation de handicap, à travers l’élaboration d’un plan de communication et de mobilisation efficace. Ce plan sera basé sur différents mécanismes de communication visant à informer, sensibiliser et mobiliser en vue de changer les stéréotypes et les représentations négatives sur le concept de handicap», a expliqué le directeur de l’AREF de Tanger-Tétouan-Al Hoceïma, Mohamed Aouaj. «Acteurs, partenaires, parents et élèves ont  participé vivement et activement aux différentes activités de sensibilisation proposées par les directions provinciales et établissements scolaires visant à mettre l’accent sur l’importance de l’éducation inclusive en tant que responsabilité partagée et projet sociétal fondé sur la solidarité, l’équité, le vivre ensemble et l’acceptation de l’autre», a-t-il ajouté.
La campagne a été clôturée par le lancement d’un centre de ressources dédié à l’éducation inclusive à Tétouan. Ce projet vise à assurer l’intégration des enfants handicapés dans les activités de la vie scolaire, à travers des ateliers inclusifs, incluant notamment des activités de théâtre, de peinture et de musique. Ce centre devrait offrir ses services à plus de 200 élèves en situation de handicap. 


L’Association Amal, un espoir pour les enfants en situation de handicap

             

Depuis sa création en 1992 par un groupe de jeunes handicapés, l’Association Amal marocaine des handicapes (AAMH) à Casablanca aide les personnes en situation de handicap en leur accordant le soutien nécessaire dans les domaines de l’éducation, la formation, l’emploi, le sport, les loisirs… Cette ONG, qui compte actuellement plus 4.500 handicapés, dispose de trois centres spécialisés dans l’accompagnement des personnes handicapées pour une meilleure insertion sociale. 
En matière d’éducation inclusive, les centres de l’Association Amal assurent la scolarité des enfants handicapés en suivant des programmes adaptés à chaque enfant. «Ces programmes couvrent toutes les lacunes dont souffrent les enfants en situation de handicap, pour les aider à améliorer leur apprentissage, notamment en lecture, en écriture et de mouvement. Ces services sont encadrés par des éducatrices, des kinésithérapeutes, des orthophonistes et des psychomotriciennes. Nous offrons également un service de restauration et de transport au profit de tous les élèves pour assurer une meilleure prise en charge», indique Youssef Errkhis, président de l’AAMH.
Afin de pouvoir continuer à prendre en charge ses bénéficiaires durant la période  de la pandémie Covid-19, l’Association s’est engagée à appliquer un protocole sanitaire strict au niveau de ses centres et à veiller à son respect, notamment en réduisant le nombre d’enfants dans chaque groupe (6 par groupe). «Nous nous sommes rapidement adaptés à cette nouvelle situation pour ne pas pénaliser ces personnes vulnérables. Néanmoins, il existe plusieurs obstacles qui nous empêchent de mener à bien notre mission. Il s’agit notamment du budget que nous accorde l’Entraide nationale qui est insuffisant, en plus de l’obligation de payer les impôts, alors que nous sommes une entreprise sociale. Il y a également un grand manque au niveau de la formation pour la prise en charge de personnes en situation de handicap. En effet, les éducatrices sont titulaires des diplômes d’études supérieures, mais ne sont pas formées au handicap pour apprendre à s’occuper des enfants en situation de handicap», déplore le président de l’Association. 

Reportage photos SEDDIK

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