Menu
Search
Mercredi 24 Avril 2024
S'abonner
close
Mercredi 24 Avril 2024
Menu
Search
Accueil next Société

Faire cesser la mendicité avec enfants, c’est notre affaire à tous !

La situation est grave et nécessite non pas un, mais des programmes urgents et efficaces pour y faire face. Même sans disposer de chiffres récents, il est clair que le nombre d’enfants exploités dans la mendicité ne cesse de grimper. Un constat qui interpelle les acteurs sociaux et particulièrement l’association Jood qui vient de lancer une campagne de sensibilisation à la mendicité des enfants.

Pour l’Organisation internationale du travail (OIT), la mendicité est considérée comme étant une nouvelle forme d’esclavage des enfants. La traite des enfants est toujours une chose ignoble, mais transformer des enfants en mendiants est parfois encore plus sinistre qu’on ne l’imagine !
Au Maroc, le phénomène des enfants mendiants s’aggrave et principalement dans les grands centres urbains. Il a pris des proportions alarmantes. Les mendiants qui utilisent les enfants, parfois handicapés, pour amadouer les passants, sont partout, occupant tous les coins de rue au vu et au su de tous.
Certes, le Maroc a déployé d’importantes stratégies pour lutter contre ce phénomène, mais le fait est que ce fléau ne cesse de s’amplifier. Pire encore, l’explosion de la mendicité n’est plus uniquement une conséquence de la misère, c’est un nouvel emploi qui prospère. Pour certains, la pratique est tout bonnement érigée en métier. Et pour que ce métier soit plus rentable, certains exploitent des enfants pour attirer davantage de mouhsinines et donc renflouer les caisses de celui qui gère tout ce business. De plus, le cercle des mendiants s’agrandit de plus en plus pour donner naissance à des réseaux de mendicité bien organisés.
Face à ce constat alarmant, l’association Jood a choisi de taper fort avec une campagne de sensibilisation à la mendicité des enfants lancée le 10 mars et qui se prolonge jusqu’au 10 avril. Le message qu’elle véhicule est tout sauf normal : «Pour son bien... ne lui donne rien». «Il fallait absolument que les gens soient bouleversés par le message. Certes, nous avons eu une réticence au début et même des commentaires sur les réseaux sociaux de gens qui s’indignaient, mais quelques jours plus tard, et grâce à la communication que nous avons assurée dévoilant notamment les chiffres alarmants sur le phénomène, les mentalités commencent à changer», indique Hind Laaidi, présidente de l’association Jood.
En effet, Jood a entrepris de mener au niveau national une Campagne de communication et de sensibilisation pour dénoncer l’exploitation des enfants à des fins de mendicité. Elle souhaite ainsi mettre en exergue les causes de ce phénomène qui a pris une très grande ampleur au Maroc. «La finalité étant d’inciter le citoyen marocain à prendre conscience de ce phénomène et qu’en donnant l’aumône, il contribue à entretenir des réseaux qui exploitent ces enfants et les poussent vers un avenir chaotique : Initier un enfant à tendre la main détruit définitivement sa dignité», note l’association. Sur les raisons du choix de l’association, qui milite pour le soutien et l’aide des Sans domicile fixe (SDF), Mme Laidi explique, dans un entretien accordé au quotidien «Le Matin», que la majorité des sans-abri ont été durant toute leur enfance exploités dans la mendicité. «En les empêchant d’aller à l’école et de vivre leur enfance, ces enfants sont mis en marge de la société, privés de leurs droits les plus élémentaires et donc sujets à toutes les débauches. La mendicité est le premier pas vers le sans-abrisme. Nous avons donc voulu attirer l’attention sur ça pour traiter le problème à la base», explique la très engagée Mme Laidi. Ce constat est certes cruel, mais traduit bien la réalité, de nombreuses études confirment d’ailleurs ce constat issu des expériences de Jood sur le terrain, et démontrent que pour la majorité des SDF, le problème remonte à leur enfance. «Ce qu’ils ont subi quand ils étaient enfants, les met à l’âge adulte au ban de la société et fait d’eux des sans-abri, voire pour certains des criminels», s’indigne la présidente de l’association. 


Plan d’action national pour lutter contre l’exploitation des enfants à des fins de mendicité

Pendant la pandémie de la Covid-19, le phénomène de l’exploitation des enfants en bas âge dans la mendicité n’a pas baissé. Les chiffres sont édifiants dans la région de Rabat, Salé et Kénitra où il y a eu, depuis une année, le déploiement du plan d’action national pour lutter contre l’exploitation des enfants à des fins de mendicité, conjointement entre le ministère public et le ministère de la Solidarité, du développement social, de l’égalité et de la famille. «À fin février 2020, nous avons pu traiter 97 cas, la période qui a suivi a été marquée par le confinement, ce qui a permis de mettre un terme à ce phénomène», a affirmé Jamila El Moussali, ministre de la Solidarité, du développement social, de l’égalité et de la famille. Et d’ajouter que pendant la période s’étendant de fin juillet au 15 décembre 2020, les équipes dédiées sont parvenues à assurer la protection de 45 enfants, ce qui porte le nombre total au cours de 2020 à 142 enfants (79 filles et 63 garçons). Selon la même source, une bonne partie des victimes sont des bébés ou des enfants en bas âge. En effet, environ les deux tiers des enfants victimes sont âgés de 0 à 4 ans, sachant que 27% parmi cette catégorie ont moins d’une année, a expliqué Mme El Moussali.
Le plan d’action national pour la lutte contre l’exploitation des enfants à des fins de mendicité repose sur le renforcement du système de protection de l’enfant de ce type d’exploitation en se basant sur le travail d’intervention d’équipes de terrain pluridisciplinaires dans différentes régions au niveau de la protection judiciaire, de soins de santé, de l’assistance psychologique et sociale, de l’éducation et la formation, ainsi que du suivi et de l’évaluation. Le plan est lancé d’abord à Rabat, Salé et Témara dans le but de modéliser l’expérience avant de l’élargir, dans une seconde phase, aux grandes villes et aux différentes régions du Royaume.
Le plan d’action comporte neuf axes qui prennent en compte le parcours de l’enfant dans le système de protection à partir du signalement de l’enfant par la police judiciaire en passant par la protection judiciaire appropriée, puis la prise en charge médicale, clinique et psychologique urgente selon la situation de chaque enfant. Il s’agit ensuite de réinsérer l’enfant dans sa famille, de l’accompagner et de le faire bénéficier des programmes de soutien social disponibles, soit par le biais du Fonds d’appui à la cohésion sociale ou du Fonds Takaful de la famille, ou par l’accueil de l’enfant dans une institution de protection sociale si son intérêt l’exige. 


Entretien avec Hind Laaidi, présidente de l’association Jood

«C’est notre responsabilité et la responsabilité de tous nos concitoyens de ne pas contribuer à cette exploitation immonde»

Le Matin : La mendicité est un phénomène qui ronge la société. Quel regard portez-vous sur ce fléau et sur son évolution ?
Hind Laaidi
: Cette exploitation inhumaine d’enfants innocents représente une réelle violation des droits de l’enfant, nous devons tous cesser d’y contribuer, en donnant de l’aumône à un enfant ou un adulte l’accompagnant, pour pouvoir faire face à l’évolution de ce fléau.

Un plan d’action national pour la lutte contre l’exploitation des enfants à des fins de mendicité a été lancé en 2019. Quelle lecture faites-vous de cette initiative ?
Je suis ravie de constater que des efforts sont déployés dans ce sens par le ministère de la Solidarité en collaboration avec les procureurs du Roi et la délivrance de 142 enfants exploités dans la mendicité, sachant que cette première édition s’est limitée à la région de Rabat, Salé et Témara avant de s’étendre à l’échelle nationale... je ne peux que saluer ces efforts !

Quelles seraient, selon vous, les actions à mener en urgence pour s’attaquer à ce fléau ?
Ce fléau est un métier rentable, et les mendiants professionnels ont recours à l’exploitation des enfants dans le but d’attirer la compassion et la générosité des autres, tout en les privant de leur droit d’aller à l’école. Et notre campagne est conçue aujourd’hui pour inciter le citoyen marocain à ne plus contribuer à cet acte en leur donnant l’argent, et à prendre conscience des conséquences sur l’avenir de ces enfants, parce que c’est le moyen le plus efficace pour s’attaquer à ce fléau.

Vous venez de lancer une campagne de sensibilisation à la mendicité des enfants. Pourquoi avez-vous choisi de cibler cette catégorie et pas les autres formes de mendicité ?
Il faut savoir que ces enfants sont exploités pour faire une recette journalière moyenne de 350 DH, et c’est ainsi qu’ils sont initiés à tendre la main, ce qui détruit définitivement leur dignité, sachant qu’ils n’ont jamais choisi de le faire. C’est notre responsabilité alors, et la responsabilité de tous nos concitoyens, de ne pas contribuer à cette exploitation que nous jugeons immonde.

Quelles seront les actions futures qui suivront dans l’agenda de Jood ?
L’une de nos actions futures est «Jood Tag» qui sera lancée en 2021 et qui est un réseau social solidaire pour géo-localiser les sans-abri, définir leurs situations et leurs besoins afin d’encourager les gens partout au Maroc à apporter différentes formes d’aide aux personnes qui vivent dans la rue grâce au partage d’informations et notre savoir, nous apporterons l’aide nécessaire pour faciliter leur insertion sociale en leur assurant logement, formation et emploi. 


142 affaires traitées dans les villes de Rabat, Salé et Témara

Quelque 142 affaires relatives à l’exploitation des enfants dans la mendicité ont été traitées dans les villes de Rabat, Salé et Témara, grâce à la coopération entre les parties prenantes au Plan national de protection des enfants contre ce phénomène, lancé en décembre 2019, a annoncé, en février dernier, le procureur général du Roi près la Cour de cassation, président du ministère public, Mohamed Abdennabaoui. Les décisions adéquates ont été prises selon les cas et varient entre la remise de l’enfant à son milieu familial et l’admission dans un établissement de prise en charge sociale, le cas échéant, a précisé M. Abdennabaoui. De même, il a été procédé à la vérification de l’identité de certains enfants et à leur inscription aux registres de l’état civil, afin de permettre leur scolarisation, en plus de la coordination avec les cellules d’assistance sociale relevant de l’Entraide nationale pour appuyer les familles nécessiteuses exploitant leurs enfants dans la mendicité, a souligné le responsable. 
Il a ajouté que l’action publique a été engagée à l’encontre des exploitants des enfants dans la mendicité et plusieurs jugements ont été prononcés dans ce cadre.


«Chouk Lem7anna», un court métrage-choc avec un message fort

            

 

Un des moments phares de cette campagne est la production du court métrage «Chouk Lem7anna» avec la participation des stars Khadija Assad et Hind Saadidi qui apportent leur contribution bénévolement à cette cause. À travers ce film de 11 min, criant la réalité de la vie de ces enfants qui sont poussés à la mendicité et à la dérive, Jood incite le citoyen à prendre conscience de l’ampleur de ce phénomène et de ses conséquences sur des enfants innocents.

 

Lisez nos e-Papers