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«Grâce aux mesures sanitaires déployées dans les établissements scolaires aucun cluster n’a été enregistré»

Le premier semestre de l’année scolaire 2020-2021 touche à sa fin. Une année inédite marquée par la crise sanitaire due à la Covid-19 et le durcissement du protocole sanitaire au sein des établissements scolaires. Saaïd Amzazi, ministre de l’Éducation nationale, de la formation professionnelle, de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique et porte-parole du gouvernement, revient sur cette période difficile et explique aux lecteurs du «Matin» les différentes actions menées par son département pour assurer un enseignement de qualité à tous les élèves marocains, en dépit de la pandémie.

Le Matin : Quel bilan faites-vous de cette première partie de l’année scolaire ? Est-ce que les objectifs du ministère de l’Éducation pour limiter la propagation du virus et assurer un enseignement de qualité ont été atteints ?
Saaïd Amzazi : Tout d’abord, avant de faire le bilan de ce premier semestre, j’aimerais revenir sur le processus de gestion de la rentrée scolaire 2020-2021 et les différentes étapes par lesquelles nous sommes passés.
En effet, dans le cadre des préparatifs de cette rentrée et dans une démarche d’anticipation, le ministère a élaboré, dès le mois de juillet 2020, quelque 3 modèles pédagogiques parmi lesquels le choix devait être opéré en fonction de l’évolution de la situation épidémiologique dans notre pays : un modèle basé sur le présentiel à 100% dans le respect total des mesures sanitaires mises en place par les autorités compétentes, un modèle basé sur l’enseignement à distance ou enfin un modèle hybride qui combine les deux modes.
Ensuite, au regard de l’aggravation de la situation épidémiologique à l’approche de la rentrée scolaire, nous avons finalement opté pour un modèle qui combine le présentiel, mais en le conditionnant par l’accord parental, et l’auto-apprentissage, qui est basé à la fois sur le distanciel et sur les devoirs et travaux réalisés à la maison.
Il faut rappeler dans ce cadre qu’environ 80% des parents ont choisi le modèle présentiel pour leurs enfants, certaines régions ayant même vu cette proportion atteindre les 96%, comme c’est le cas pour celle de Rabat-Salé-Kénitra, à titre d’exemple.
À cet effet, et pour préserver la santé des élèves ainsi que celle des acteurs éducatifs et administratifs, nous avons élaboré, en concertation avec le ministère de la Santé, un protocole sanitaire qui a été mis en œuvre à l’intérieur de tous les établissements scolaires aussi bien publics que privés. Des commissions de suivi ont été également mises en place pour s’assurer du strict respect de ce protocole au sein des établissements scolaires.
Maintenant, pour revenir à la question du bilan, les remontées d’informations que nous avons des AREF (Académies régionales d’éducation et de formation) et des DP (Directions provinciales) révèlent deux faits importants. Le premier, c’est que l’enseignement présentiel a permis aux élèves de reprendre un contact direct avec le milieu scolaire, et l’on sait tous l’importance que revêt la communication directe entre les élèves, et entre élèves et enseignants, dans tout acte pédagogique. D’ailleurs, les organisations internationales se sont unanimement accordées sur ce point de la nécessité de permettre aux enfants et aux jeunes de reprendre le chemin de l’école.
Le deuxième, c’est que le mode d’enseignement en groupes restreints (au maximum 20 élèves) que nous avons adopté pour cette rentrée afin de limiter les risques de contamination a clairement contribué à favoriser d’excellentes conditions d’enseignement et d’apprentissage, que ce soit pour les enseignants ou pour les élèves.
Sans compter que l’auto-apprentissage, couplé à l’enseignement à distance, institutionnalisé pour la première fois dans notre système éducatif, est de nature à développer l’autonomie des apprenants.

Pouvez-vous nous donner des chiffres concernant la contamination des enseignants et des élèves dans le milieu scolaire durant ce premier semestre ?
Depuis la rentrée scolaire et jusqu’au 23 janvier, 18.072 cas positifs ont été enregistrés dont 5.897 élèves, 10.211 enseignants et 1.964 cadres de l’administration pédagogique ou autres cadres.
Il faut, toutefois, souligner qu’aucun cluster n’a été enregistré dans un établissement scolaire puisque la grande majorité de ces cas étaient des cas importés de l’extérieur vers les établissements scolaires, ce qui nous permet de dire que les mesures sanitaires prises au sein des établissements scolaires ont finalement contribué à la lutte contre la propagation de la pandémie de la Covid-19.

Certains élèves et étudiants suivent leurs cours à distance. Quelles sont les statistiques dont vous disposez à ce propos ? Et quelles sont les actions réalisées par le ministère pour assurer un accompagnement de qualité pour les élèves ayant opté pour cette solution, que ce soit dans le milieu urbain ou rural ?
Comme je l’ai déjà souligné, au début de l’année scolaire, environ 80% des parents ont choisi le mode présentiel, et ce choix a été respecté dans l’ensemble des établissements scolaires publics et privés, excepté bien évidemment dans les établissements fermés pour cause sanitaire où le distanciel est imposé de manière systématique durant deux semaines, sur décision des comités de veille locaux mis en place. Pour Casablanca, compte tenu de la situation épidémiologique alarmante au niveau de 8 préfectures, il a été décidé d’instaurer le mode distanciel dès la rentrée scolaire et jusqu’au 5 octobre 2020. 
Ainsi, depuis la rentrée scolaire et jusqu’au 23 janvier courant, 508 établissements ont été fermés et ont appliqué l’enseignement à distance. Environ 302.450 élèves ont été concernés par ces mesures, ce qui représente environ 3,8% de l’effectif global des élèves.
Quant aux actions menées par le ministère pour accompagner les élèves qui suivent leurs cours à distance, nous avons tout d’abord décidé que tout le mois de septembre devait être consacré à combler les lacunes et à consolider les acquis des élèves relatifs aux enseignements à distance de l’année dernière.
En outre, les cours relatifs à l’année scolaire 2020-2021 ont été mis en ligne, sous forme de vidéos, pour les 3 cycles d’enseignement. Ainsi, 6.756 cours ont été diffusés jusqu’au 23 janvier courant, qui ont été mis à la disposition de tous les élèves via la plateforme TelmidTICE, dont l’accès est gratuit, et qui existe sous forme d’application mobile.
Des réalisations qui ont demandé une mobilisation exceptionnelle et des efforts soutenus et conséquents, et qui sont le fruit de l’engagement de tous les acteurs éducatifs, que ce soit au niveau central, régional ou provincial et surtout au sein des établissements scolaires.
Pour ce qui est des élèves du milieu rural, il faut préciser que dans ce milieu, les classes ne dépassant pas 25 élèves, le respect de la distanciation physique est garanti, d’où la possibilité d’adopter le mode présentiel à plein temps, sauf bien sûr dans les cas où la situation épidémiologique ne le permet pas.
Enfin, dans l’objectif d’atténuer les inégalités enregistrées entre les milieux urbain et rural sur le plan de l’accès à l’enseignement à distance, nous avons fait appel à de nombreux partenaires (organismes publics et privés, élus, associations…), qui ont contribué à distribuer à 13.325 élèves des zones rurales et défavorisées des tablettes, des ordinateurs, des cartes prépayées, des Smartphones et des chargeurs solaires.
Bien évidemment, le plus gros reste à faire pour généraliser cet accès au matériel et à la connectivité. Il s’agit d’un défi immense, qui nécessitera des financements alternatifs : distribuer une tablette aux 2,54 millions d’élèves inscrits dans le programme «Tayssir» nécessite un budget colossal, de l’ordre de 2,54 milliards de DH.
La question se pose également, mais avec moins d’acuité, en ce qui concerne l’enseignement supérieur. Une enquête menée par le ministère auprès de 50.000 étudiants issus des 12 universités publiques marocaines ayant montré que seul 1% de ces derniers ne disposaient pas d’un support informatique, tandis que 16% ne disposent pas de la connexion.

Croyez-vous que l’auto-apprentissage des élèves en distanciel est une réussite et que ceux-ci ont réussi à suivre les cours comme leurs camarades en présentiel ?
Tous les spécialistes vous le diront : en matière de pédagogie, rien ne saurait remplacer l’enseignant, qui reste, par sa présence, son charisme, et à travers le modèle qu’il incarne et ce qui s’en dégage, un acteur incontournable de tout enseignement scolaire. Combien de vocations sont nées de l’admiration vouée à un enseignant ou de la motivation que celui-ci a su faire naître ?
Sans compter que la présence des élèves en classe, sous la supervision et l’encadrement d’un professeur, est fondamentale pour développer chez ces derniers le sens de la discipline, du respect des règles et du respect de l’autre, et de la sociabilité.
Partant de là, il est bien évident qu’un enseignement distanciel à 100% ne pourra jamais égaler un enseignement hybride ou totalement présentiel, par contre, il incarne un excellent complément au présentiel. Mais comme on a coutume de le dire, entre deux maux, il faut choisir le moindre : lorsque le risque sanitaire est trop important et qu’il impose la fermeture d’un établissent, l’enseignement à distance permet d’assurer une continuité pédagogique et évite aux élèves une interruption de leur scolarité dont les conséquences peuvent être désastreuses. 

Certaines écoles ont opté pour le système hybride, combiner le présentiel et le distanciel tout au long de l’année, pensez-vous que ce système est efficace ?
Comme je l’ai expliqué, le système «hybride» consiste en la répartition du déroulement des leçons en deux phases : phase de conceptualisation (en présentiel) et phase d’application (à la maison ou en distanciel). 
Cette approche peut également prendre la forme de classes inversées dans lesquelles les élèves arrivent après avoir pris connaissance du contenu du cours de manière autonome à partir du manuel scolaire et d’autres ressources indiquées par l’enseignant et la séance de cours consisterait à débattre des difficultés de compréhension rencontrées par les élèves et également à des développements complémentaires donnés par l’enseignant.
Il s’agit en fait d’un modèle pédagogique que l’on peut qualifier d’idéal dans la mesure où l’élève bénéficie en présentiel de l’incontournable et nécessaire encadrement de son enseignant, mais développe en distanciel et en auto-apprentissage son autonomie. La pandémie de la Covid-19 a au moins eu cet avantage de servir de «laboratoire pédagogique» en nous acculant à adopter, pour des raisons sanitaires, le système hybride dès la rentrée scolaire, ce qui nous permet donc de le tester et de l’évaluer. 
Toutefois, il est prématuré d’affirmer ou d’infirmer que les choix opérés ont eu un impact positif ou négatif sur la qualité des apprentissages des élèves. Il faudra analyser leurs résultats scolaires et les comparer avec les années précédentes pour pouvoir tirer les conclusions qui s’imposent.

Le ministère de l’Éducation a récemment annulé les examens de la sixième année primaire et de la troisième année du collège, mais qu’en est-il des autres examens, en l’occurrence, le baccalauréat, qu’est-ce que vous avez prévu ?
Effectivement, nous avons annulé les examens locaux normalisés de la sixième année primaire et de la troisième année collégiale, lesquels devaient être organisés au cours du mois de janvier, et ce au regard de la situation épidémiologique actuelle dans notre pays.
Il faut préciser tout d’abord que ces examens ne comptent qu’à hauteur de 25% pour la sixième année primaire et 30% pour la troisième année collégiale dans l’évaluation des élèves, sachant que le système d’évaluation adopté à ce jour dans ces niveaux s’articule autour de 3 éléments : les contrôles continus, les examens normalisés du premier semestre et les examens normalisés de fin d’année.
En ce qui concerne le baccalauréat, aucun changement n’est prévu pour cette année scolaire.
Néanmoins, nous menons actuellement une réflexion pour repenser notre système d’évaluation dans sa globalité, et ce dans le cadre de la mise en œuvre des dispositions de la loi-cadre 51.17, qui stipule dans son article 35 qu’une révision globale du système d’évaluation, des examens et de la certification doit être opérée dans un délai maximum de 3 ans.
En effet, le système actuel est le résultat d’une panoplie d’améliorations qui ont été introduites au fil des années, mais il commence à montrer ses limites et cela est visible à travers notamment deux indicateurs : d’une part, les écarts enregistrés au niveau du baccalauréat entre les notes de l’examen national et celles des contrôles continus et, d’autre part, au niveau des cycles primaire et collégial dans lesquels un nombre important d’élèves passent d’un niveau à l’autre sans vraiment disposer des pré-requis nécessaires à la poursuite de leur cursus scolaire.
En outre, malgré la sensible amélioration enregistrée par notre pays dans les différentes évaluations internationales, il reste encore beaucoup à faire à ce niveau et nous misons beaucoup sur cette révision de notre système d’évaluation au niveau du cycle primaire, en plus des révisions apportées aux curricula de ce cycle, pour améliorer les performances de nos élèves dans ces évaluations. 

Propos recueillis par Hajjar El Haiti

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