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Harcèlement sexuel : L’agression de la jeune femme à Tanger, la goutte de trop !

Une nouvelle affaire de harcèlement sexuel a secoué la Toile mardi dernier. Une jeune femme a été agressée en plein jour à Tanger par un adolescent, tandis que son complice filmait la scène pour la diffuser sur les réseaux sociaux. Un véritable scandale qui a fait réagir de nombreuses associations et personnalités.

Harcèlement sexuel : L’agression de la jeune femme à Tanger,  la goutte de trop !

Le harcèlement sexuel des femmes dans les lieux publics fait de plus en plus de victimes. La situation devient très grave, les agresseurs ne se cachent plus et commencent même à partager fièrement leurs actes ignobles sur les réseaux sociaux, exposant leurs victimes dans des situations humiliantes aux yeux du monde entier. C’est le cas de la jeune femme qui se baladait tranquillement dans les rues de Tanger, mardi dernier, avant de se faire agresser sexuellement en plein jour par un passant alors que son complice filmait la scène.
Large indignation sur la Toile
Cette vidéo qui est devenue virale a suscité un tollé sur la Toile. En effet, de nombreuses ONG et personnalités connues ont réagi à cette affaire. Le Comité Parité et Diversité 2M a réagi en tweetant : «Le Comité condamne cet acte odieux et espère que cette agression ne restera pas impunie». Pour sa part, la présidente du Conseil national des droits de l’Homme (CNDH), Amina Bouayach, a tweeté : «La lutte contre l’impunité des agresseurs doit être érigée en priorité, seule manière d’encourager les victimes à rompre le silence». Contactée par «Le Matin», Mme Bouayach a qualifié cet acte de véritable tragédie et qu’il doit absolument être puni. «Ce qu’a vécu cette jeune femme à Tanger peut arriver à n’importe qui d’entre nous. C’est pourquoi il faut dénoncer ces crimes haut et fort et punir les agresseurs. Je regrette que les autorités n’aient pas pris en charge la victime qui a vécu des moments très difficiles», a déploré la présidente du CNDH. «La jeune femme agressée a besoin d’un soutien psychologique après cette horrible expérience. D’une part, elle a été victime d’une agression sexuel dans la rue en plein jour, qui en plus a été filmée et fait le tour de la Toile. D’autre part, de nombreuses personnes la considèrent comme fautive et estiment que sa manière de s’habiller est la raison qui a provoqué son agresseur et entraîné un tel acte. C’est malheureux de lire le grand nombre de commentaires sur les réseaux sociaux condamnant cette jeune femme qui aura dorénavant du mal à marcher en sécurité dans la rue après ce qu’elle a vécu», a ajouté Bouayach.
Le harcèlement sexuel, un véritable fléau
Selon le dernier rapport du Haut-Commissariat au Plan (HCP) sur les violences faites aux femmes et aux filles, 12,6% des femmes ont été violentées dans les lieux publics uniquement durant les 12 derniers mois précédant l’enquête. La violence sexuelle dans l’espace public représente, à elle seule, 50% de l’ensemble des violences sexuelles vécues par les femmes, tous espaces confondus. Mais malgré cette forte prévalence, il n’y avait que 525 poursuites pour harcèlement sexuel dans les espaces publics en 2019.
«Malheureusement, ce genre de violence sexuelle en plein public est le quotidien de beaucoup de femmes. Les impacts nuisibles sur les femmes ne peuvent pas être sous-estimés. 
On a tendance à dire “Oh, c’était une fois, ce n’est pas grave.” Mais en réalité, ce n’est pas une fois. Les mêmes agresseurs vont répéter les mêmes actes avec d’autres femmes. Pire encore, la même femme subit plusieurs actes de harcèlement à répétition au cours de la journée, de la semaine, de la vie. Et les préjudices sur la vie des femmes sont nombreux et divers – psychologiques, physiques, sociaux, familiaux, économiques, sur leurs éducation et vie professionnel. Ce n’est pas des actes anodins sans conséquence graves», affirme Stéphanie William Bordat, co-fondatrice de l’association MRA «Mobilising for Rights Associates». 

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Questions à Stéphanie William Bordat, co-fondatrice de l’association MRA «Mobilising for Rights Associates»

«Les lois, procédures et pratiques actuelles en matière de violence sexuelle reflètent des stéréotypes sexistes»

L’association MRA a réalisé dernièrement des études au sujet des violences sexuelles à l’égard des femmes. Selon vous, à quel point les femmes marocaines sont-elles protégées contre ce type d’agressions ?
Les femmes ne sont pas du tout protégées contre la violence, et les hommes ne sont pas du tout tenus pour responsables de leur comportement violent. Au contraire, les lois, les procédures et les pratiques actuelles encouragent et facilitent les violences faites aux femmes, ce qui est une forme de violence politique.
Les lois, procédures et pratiques actuelles en matière de violence sexuelle reflètent des stéréotypes sexistes. Au lieu de se focaliser sur l’auteur et son comportement criminel, la réponse actuelle se limite et se concentre sur la femme et sur quelque chose qu’elle aurait soi-disant elle faite ou qui aurait «provoqué» ou «justifié» la violence. D’ailleurs, la violence à l’égard des femmes est le seul crime où on examine le comportement de la victime – si on cambriole une banque ou une maison par exemple, on ne commence pas à critiquer ou juger les victimes et à dire qu’elles l’ont cherché. On reste concentré sur le criminel et ses actes.

Par conséquent, la réponse actuelle de l’État aux violences faites aux femmes perpétue l’impunité des agresseurs. Les procédures actuelles ne fournissent pas de mesures ou d’incitations adéquates aux acteurs publics pour enquêter, poursuivre et punir de manière sévère les crimes de violence sexuelle.
De plus, les femmes victimes sont punies pour les violences sexuelles auxquelles elles ont été soumises. Contrairement à l’impunité qui prévaut pour les auteurs de violences sexuelles, les femmes, quant à elles, sont fréquemment punies et sanctionnées de multiples façons, à la maison, dans les espaces publics et par le système de justice pénale. Donc elles sont incitées à garder le silence à cause de plusieurs menaces qui pèsent sur elles. Il y a la menace de représailles des agresseurs. Il y a la menace de voir leur comportement contrôlé par leur famille – comment elles s’habillent, à qui elles parlent, ce qu’elles font ou où elles vont. Il y a la menace d’être poursuivie elles-mêmes comme des criminelles pour relations sexuelles hors mariage.
Il faut bien noter qu’on parle bien de menaces – dans le discours public, on parle beaucoup des «peurs» des femmes, mais ces craintes sont réelles et ne sortent pas de nulle part ! Il s’agit bien des menaces qui viennent des autres.

Est-ce que la loi 103.13 relative à la lutte contre la violence envers les femmes prévoit des sanctions pour ce genre de comportement ?

Dans ses articles 503-1-1, -2, la loi 103.13 prévoit que toute personne qui a harcelé l’autre de manière persistante est considérée comme coupable de harcèlement sexuel, ce qui inclut le harcèlement «dans les espaces publics ou autres, par des agissements, des paroles, des gestes à caractère sexuel ou à des fins sexuelles». La loi prévoit que ces crimes sont punis d’un à six mois d’emprisonnement et/ou une amende de 2.000 à 10.000 dirhams. Les peines sont alourdies si l’auteur «est un collègue de travail ou une personne en charge du maintien de l’ordre et de la sécurité des lieux publics ou autres» ou «quelqu’un qui a autorité ou tutelle sur la victime».

Que faut-il faire pour que ce genre d’acte ne se reproduise plus ?
Il y a la nécessite de s’attaquer efficacement aux nombreux obstacles auxquels les femmes sont confrontées pour signaler les violences sexuelles et des incitations à retirer leurs plaintes par la suite. Déjà, il faut éliminer toutes les menaces – des menaces proférées par les lois, par les autorités publiques et par les membres de l’entourage – pour enlever les obstacles qui empêchent les femmes de signaler 
les violences.
Il faut aussi mettre un terme à cette culture et à cette politique d’impunité pour les agresseurs, qui doivent être tenus responsables et punis pour leurs actes. Les garçons dans la vidéo savaient qu’ils pouvaient s’en tirer, c’est pourquoi ils l’ont fait.
Les institutions publiques concernées – les services de santé, les forces de l’ordre et les tribunaux – travaillent actuellement avec des politiques, des procédures et pratiques confuses, incohérentes, et présentant beaucoup de lacunes en matière de violences faites aux femmes. Nous devons poursuivre les réformes afin de donner de la clarté et des pouvoirs aux acteurs publics pour agir efficacement. 

 

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