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Hicham El Habti : «L’UM6P fait de l’innovation une partie intégrante de son business model»

L’Université Mohammed VI Polytechnique est une institution orientée vers la recherche et l’innovation. «L’innovation est intégrée dans toutes les composantes de notre écosystème. Il s’agit de visualiser ce qui va se passer en 2030 ou 2040 et d’établir ce qu’il faut faire aujourd’hui», souligne son président, Hicham El Habti. Les détails.

Hicham El Habti : «L’UM6P fait de l’innovation une partie intégrante de son business model»

Dans un monde volatile, incertain, complexe et ambigu (V.U.C.A. chez les Anglo-Saxons), quelle place pour l’innovation dans l’enseignement et la recherche ? Sous quelles formes et pour quels enjeux ?
Hicham El Habti :
Comme vous l’avez souligné, dans un monde volatile, incertain, complexe et ambigu, les approches linéaires ne fonctionnent pas. Nous n’avons d’autre choix que d’adopter une approche systémique, qui n’essaye pas de réduire la complexité mais plutôt de l’intégrer dans la pensée philosophique même de l’innovation. À partir de là, il est nécessaire de faire des sauts, avec des innovations de rupture, et ce, peu importe le domaine. Il faut ce qu’on appelle le «Leap Frog», qui consiste à faire le deuil de quelques passages de l’innovation. Le meilleur exemple est celui du mobile banking au Kenya. L’entreprise M-Pesa n’est pas passée par un système bancaire, elle a développé directement une solution mobile de transfert d’argent. Ce n’est pas l’Europe qui l’a fait, mais l’Afrique, car il avait besoin d’innover et de sauter une étape pour développer un nouveau système dans ce domaine. S’il n’y avait pas eu ce saut, le passage au mobile banking au Kenya aurait nécessité des dizaines, voire des centaines d’années.

À l’UM6P, l’innovation est une partie intégrante de notre business model : il y a la partie recherche, qui est la raison d’être de l’Université, la partie éducation qui va avec, la partie entrepreneuriat qui permet de compléter notre démarche, avec bien sûr tout ce qui est lié au développement durable et à l’engagement communautaire. Pour nous, l’innovation est intégrée dans toutes ces parties. Il s’agit de visualiser ce qui va se passer en 2030 ou 2040 et d’établir ce qu’il faut faire aujourd’hui. Donc nous ne pouvons pas faire un développement linéaire, mais des sauts et c’est ce qui anime nos approches en pédagogie, en recherche et en entrepreneuriat.

Au niveau des programmes de l’UM6P, quelle est votre approche pour encourager les étudiants à innover ?
La démarche que nous adoptons à l’UM6P est basée sur une approche systémique, qu’on peut illustrer par quelques exemples. Le premier est d’abord celui de l’acculturation et de la vulgarisation du concept. Nous avons des cours qui permettent aux étudiants d’appréhender cette notion. Le deuxième est l’intégration de cet esprit d’entrepreneuriat et d’innovation dans le parcours pédagogique. Par exemple au sein de notre école d’ingénieurs, nous avons des classes préparatoires intégrées. Mais dans le domaine des sciences de l’ingénieur, ils n’ont pas de cours théoriques. Les étudiants viennent après le baccalauréat, ils n’ont probablement jamais travaillé sur un robot et nous les mettons devant une feuille avec un cahier de charges pour réaliser un projet de robot en six mois. L’idée étant de les encourager à apprendre par eux-mêmes, d’appréhender la difficulté et la complexité et de travailler en groupes. Par ailleurs, nous mettons en place des programmes qui ont réussi à l’international, tels que MIT Sandbox pour permettre aux étudiants de prendre part à un programme d’accompagnement sur mesure de startups issues du milieu universitaire. L’environnement que nous proposons aux étudiants, composé d’espaces de recherche, d’innovation et d’entrepreneuriat, et d’événements thématiques et pluridisciplinaires, permet de stimuler cet esprit. Dans ce sens, nous avons mis en place des incentives pour nos chercheurs afin qu’ils puissent s’orienter vers l’entrepreneuriat et l’innovation. Ces mêmes incentives font partie de leurs indicateurs de performance. Ainsi, au-delà de la qualité de la recherche ou de l’enseignement, les innovations qui ont pu voir le jour dans le cadre d’une startup ou du secteur de l’industrie sont également valorisées au sein de l’Université.

Quelle place ont les partenariats dans le développement de l’innovation au sein de l’Université ?
Nous travaillons toujours en co-construction et en collaboration avec nos partenaires. Il s’agit de partir de nos besoins pour développer des partenariats à fort impact. Ensuite, il y a des méthodologies qui ont prouvé leur efficacité et c’est ce qu’on importe, mais il y a toujours des équipes miroir ici pour ajuster et adapter les programmes en fonction de besoins qui nous sont propres. Nous commençons à cumuler de l’expérience dans ce domaine, ce qui rend aujourd’hui la définition des cahiers de charges plus simple dans le cadre des partenariats que nous réalisons.

Comment instaurer une culture de l’innovation et la pérenniser ?
La formule présentée par rapport à l’organisation d’évènements comme les Journées scientifiques, qui expliquent aux étudiants l’impact de l’intelligence artificielle sur l’industrie et la santé, permet de projeter le monde en 2030 et 2040. Ainsi, les étudiants témoignent du fait que des personnalités du monde de la recherche travaillent sur ces sujets et qu’il faut continuer sur cette voie. Deuxièmement, les premiers succès réalisés par les étudiants de notre Université suscitent l’envie chez les autres de réussir. Nous avons une jeune startup dans le domaine du frigo solaire qui a gagné des prix à l’international et qui vient de remporter l’étape marocaine du concours EDF Pulse Africa Tour 2021. Cette jeune startup va participer à la finale de la compétition prévue le 2 décembre prochain à Paris. Troisièmement, c’est la continuité des programmes comme Plug and Play, qui sont là à «Startgate» et qui organisent des événements ouverts aux étudiants. Tout cet écosystème permet ainsi de maintenir et de pérenniser notre culture d’innovation.

Quel écosystème pour mettre les innovations au service du développement ?
L’écosystème que nous avons mis en place à l’UM6P comprend d’abord les ressources humaines, à savoir les chercheurs et les étudiants qui sont intéressés par la recherche. Il y a également les centres de recherche fondamentale ou appliquée, ainsi que la plateforme «Startgate», qui accueille les programmes d’incubation, d’accélération, de développement et qui met en lien les startups, les entreprises, les porteurs d’idées et les financeurs. Nous avons également des plateformes qui poussent les étudiants à innover et à tester à échelle réelle. Ainsi, les étudiants peuvent travailler sur une ferme à Benguerir située dans un milieu aride pour mettre en place des solutions pour rationaliser l’utilisation de l’eau ou des implants, ainsi que les types de cultures à développer. Par ailleurs, nous disposons d’un parc technologique. Il s’agit d’une plateforme industrielle qui accueillera les premières entreprises et startups pour permettre à l’écosystème de continuer à se développer. Enfin, nous avons développé le fonds d’investissement «UM6P Ventures», qui prend des participations dans les startups que nous accompagnons. Toutes ces briques composent une boucle vertueuse, où chaque partie alimente l’autre pour développer un écosystème qui se renforce en permanence. l

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