L’Afrique fait face aujourd’hui à un double défi. Elle doit accélérer son industrialisation pour répondre aux besoins fondamentaux des populations et en même temps s’aligner sur les efforts mondiaux de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES). Les choix faits par le continent africain seront déterminants pour concilier industrialisation et croissance verte, car les émissions de l’industrie manufacturière de la région pourraient presque doubler d’ici à 2050. Une situation qui désavantagerait le continent sur les plans environnemental, de la compétitivité et de l’accès aux marchés. Le secteur se retrouverait, notamment, dans l’incapacité de répondre aux nouvelles exigences d’exportation à l’échelle internationale.
En effet, le rapport montre que l’industrie manufacturière africaine émet actuellement environ 440 mégatonnes d’équivalent de CO2 (Mt éq CO2), soit 30 à 40% du total des émissions du continent. Cependant, la majorité des émissions manufacturières de l’Afrique (75%) sont concentrées dans quatre pays : l’Afrique du Sud (37%), l’Égypte (20%), l’Algérie (10%) et le Nigeria (7%), pour des raisons telles que leur niveau de développement, la taille de leur population et la part de l’industrie manufacturière dans le PIB. Le Maroc, même s’il figure parmi les 5 pays africains en termes d’émissions de GES, il ne pèse cependant que 5%, tout en étant parmi les pays les plus développés et industrialisés de la région. Par ailleurs, environ 80% des émissions du Scope 1 (résultant directement des procédés industriels) sont concentrées dans cinq industries : Le ciment (32%), la transformation du charbon en liquide (13%), le raffinage du pétrole (5%), le fer et l’acier (6%) ainsi que l’ammoniac, qui est principalement utilisé dans la production d’engrais (4%).
Les émissions du Scope 2 (Émissions indirectes provenant de l’électricité fournie/de l’énergie utilisée par l’industrie) de tous ces secteurs contribuent à 27% des émissions totales du secteur manufacturier. Pour le cas du Maroc, les émissions proviennent essentiellement du ciment puis de l’électricité.Le rapport souligne qu’en l’absence d’engagements pour la décarbonation, les émissions des Scopes 1 et 2 de l’industrie manufacturière du continent atteindraient environ 830 Mt éq CO2 d’ici à 2050, si le secteur croît au même rythme que le PIB.Trois scénarios de décarbonation
Le rapport envisage trois scénarios de décarbonation pour une industrialisation verte en Afrique. Le premier suppose que les pays africains honorent leurs engagements actuels relatifs aux Contributions déterminées au niveau national (CDN) dans le cadre de l’Accord de Paris sur le climat, sans se lancer dans la décarbonation. À ce niveau, le rapport rappelle que le Maroc s’est fixé un objectif global de réduction des émissions de GES de 42%, par rapport aux émissions projetées pour l’année 2030, dont un objectif inconditionnel (par moyens financiers propres) de 17%. Le deuxième scénario suppose que les engagements de l’Afrique en termes de CDN sont alignés sur la moyenne mondiale. «Ces deux scénarios correspondent en grande partie à la situation actuelle. La plupart des leviers dont dispose l’industrie pour atteindre ces objectifs impliquerait des améliorations relativement peu coûteuses des sites industriels, avec quelques investissements dans de nouvelles capacités utilisant des technologies déjà disponibles ou en développement à court ou moyen terme», est-il indiqué.Le troisième scénario de la neutralité carbone, lui, envisage de nouveaux engagements de la part des gouvernements et des entreprises qui contribueraient à une stratégie de réduction plus ambitieuse. Ce scénario suppose que l’industrie manufacturière africaine utilise tous les leviers disponibles pour réduire fortement ses émissions, en prévoyant que celles-ci ne représentent que 47 Mt éq CO2 d’ici à 2050. Quelque 3,8 millions de nouveaux emplois pourraient voir le jour d’ici à 2050. Pour les experts de McKinsey & Company, la décarbonation de l’industrie manufacturière africaine s’accompagnerait d’un investissement de près de 2.000 milliards de dollars supplémentaires à l’horizon 2050 dans les secteurs de l’industrie et de l’électricité. Cette trajectoire vers la neutralité carbone ouvre des perspectives de croissance et de création d’emplois favorables, permettant ainsi à l’Afrique de rester compétitive à l’échelle mondiale. En effet, 3,8 millions de nouveaux emplois pourraient voir le jour d’ici à 2050 dans le secteur manufacturier. Cette croissance serait principalement motivée par le développement de nouvelles entreprises vertes, des flux d’investissement en hausse dans les énergies renouvelables, principalement l’hydrogène, le solaire et l’éolien. À ce niveau, le rapport salue la politique du Maroc dans le développement des énergies renouvelables et de l’hydrogène. «Le développement de la production d’hydrogène vert à grande échelle est la clé de la stratégie du Maroc pour un avenir Net zéro. Le pays prend des mesures concrètes pour réaliser des progrès sur ce volet», souligne le rapport. Il s’agit, entre autres, de la création de la Commission nationale d’hydrogène pour faciliter la mise en œuvre feuille de route de production de l’hydrogène et ses dérivés à base d’énergies renouvelables. «Au Maroc, une capacité de 960 MW d’énergies renouvelables a été développée en seulement quatre ans (de 2015 à 2019) pour atteindre une puissance renouvelable totale installée de 3.865 MW fin 2019. La centrale solaire Noor Ouarzazate représente la capacité la plus élevée avec 580 MW», rappelle l’étude. Parmi les principaux chantiers mis en lumière également dans le rapport, celui porté par l’Office national des hydrocarbures et des mines (Onhym). Ce dernier dirige le groupe de travail sur les infrastructures gazières de la Commission afin de proposer des recommandations sur la conversion des gazoducs existants en faveur de l’hydrogène ainsi que le développement d’une plateforme logistique pour acheminer cette énergie vers l’Europe.Vingt-quatre nouvelles opportunités économiques
Par ailleurs, l’étude McKinsey identifie 24 nouvelles opportunités économiques, dans des secteurs porteurs de croissance verte, tels que l’agriculture, les biocarburants, les matériaux de base, l’énergie, les emballages et les plastiques, les transports, ainsi que les textiles et les vêtements.